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Outre-Mer : le Sénat alerte sur la « discontinuité territoriale » avec la métropole
Par Henri Clavier
Publié le
Il s’agit d’un sujet brûlant pour les outre-mer, l’aide à la continuité territoriale vise à ne pas isoler les territoires et découle du principe d’égalité entre les citoyens. Par définition, les outre-mer ne peuvent pas disposer d’une offre de services (qu’ils soient sportifs, économiques ou scolaires) équivalente à celle existante en métropole. Identifiée de longue date comme une solution, la continuité territoriale peine de plus en plus à produire les effets attendus. La faute principalement à un manque de budget de l’organisme chargé de faciliter la continuité territoriale, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM). Pour les rapporteurs, Catherine Conconne, sénatrice socialiste de la Martinique, et Guillaume Chevrollier, sénateur Les Républicains de la Mayenne, la continuité territoriale est aussi un enjeu d’attractivité et de cohésion des territoires. Un sujet relativement transpartisan selon Stéphane Artano (RDSE), président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, conçoit le rapport comme une « prise de pouls des territoires ». Ce dernier pointe la nécessité d’une réforme « systémique », pour « faire en sorte que la continuité territoriale ne soit pas perçue comme un facteur d’isolement ». A ce titre, le rapport prône un important effort budgétaire et une refonte systémique de l’aide à la continuité territoriale.
Une « discontinuité territoriale » facteur de déclassement
La question de l’isolement des territoires insulaires ne concerne pas que les outre-mer, le cas de la Corse fait aussi l’objet de dispositions spécifiques depuis 1976. Le rapport pointe d’ailleurs les différences colossales entre les moyens mis à disposition de la Corse et ceux des outre-mer. « En moyenne l’aide à la continuité territoriale s’élève à 257 euros par an et par habitant contre 16 euros pour les outre-mer », rappelle Catherine Conconne. Si les situations sont évidemment bien différentes, un tel écart interpelle. Cette distance abyssale entretient « le sentiment, de nos concitoyens d’outre-mer, de ne pas être suffisamment pris en compte », informe Guillaume Chevrollier.
« On a aussi fait des comparaisons avec les autres territoires européens pour voir comment ça se passe », affirme Guillaume Chevrollier. La dépense moyenne par habitant ultramarin, chaque année en Espagne, s’élève à 223 euros. Surtout les dispositifs mis en place permettent d’assurer une véritable continuité avec la péninsule ibérique notamment en prenant en charge un pourcentage des prix des billets d’avion.
Instaurer un « tarif résident afin de prendre en compte la saisonnalité et la volatilité des prix »
Après avoir voulu « établir un diagnostic objectif et faire état des lacunes de la politique existante », le constat est clair, « le statu quo n’est pas tenable en l’état », considère Guillaume Chevrollier. Les pistes d’amélioration de LADOM sont relativement simples. Actuellement, le dispositif principal d’aide à la continuité territoriale bénéficie aux personnes dont le quotient familial est inférieur à 11 991 euros. C’est donc un « dispositif qui s’adresse uniquement à des gens extrêmement pauvres », déplore Catherine Conconne. Surtout, l’aide octroyée est un bon plafonné à 475 euros et non un pourcentage du billet. Par conséquent, malgré l’aide, le prix du billet reste inaccessible pour beaucoup.
La volatilité des prix des compagnies aériennes et la forte saisonnalité des tarifs (jusqu’à +25 % pendant la période juillet-août) atténuent la pertinence d’une aide fixe à la mobilité. Le rapport propose l’instauration d’un « tarif résident afin de prendre en compte la saisonnalité et la volatilité des prix ». Un plafonnement du prix des billets est jugé plus pertinent qu’une action sur les tarifs pratiqués par les compagnies aériennes. « On ne peut pas faire porter uniquement la responsabilité sur les compagnies aériennes, donc l’état doit compenser », estime Catherine Conconne. Dans tous les cas, les rapporteurs appellent, au minimum, à « doubler le montant alloué à LADOM ». Enfin, le rapport préconise de raccourcir le délai de carence, actuellement de 3 ans.
« On ne peut pas avoir tout sur place donc partir est légitime et nécessaire »
La « discontinuité territoriale » contribue également à accentuer les inégalités existantes entre la métropole et les outre-mer. « L’ascenseur social, on y a droit aussi ! On ne peut pas avoir tout sur place donc partir est légitime et nécessaire », affirme Catherine Conconne. Les principales difficultés concernent les sportifs, les étudiants, les artistes et l’accès aux soins. « Les voyages se font pour des questions essentielles notamment pour les spécialistes santé, on vit dans des déserts médicaux permanents », regrette Catherine Conconne en pointant des délais d’attente extrêmement long pour obtenir un rendez-vous auprès d’un médecin spécialisé.
Une situation qui porte atteinte à l’attractivité du territoire et empêche, par exemple, les outre-mer de valoriser leurs talents sportifs. En effet, de nombreux clubs ne peuvent réellement se développer puisqu’ils sont souvent obligés de renoncer à participer à des compétitions sportives organisées en métropole. Pour les étudiants, le rapport préconise d’approfondir le dispositif existant, le passeport pour la mobilité des études. Il s’agit aussi d’éviter une perte de chance pour les ultramarins, dans la mesure où l’offre d’enseignement supérieur dans les outre-mer reste limitée. Enfin, les rapporteurs proposent de prendre en charge un accompagnateur pour l’installation en métropole et, pour l’étudiant, la prise en charge d’un aller-retour supplémentaire par an afin de faciliter l’implantation dans la métropole.