Installés depuis une semaine sur le rond-point d'accès à l'autoroute A7 d'Orange centre, dans le Vaucluse, les "gilets jaunes" n'attendent rien du gouvernement. Comme Carine, 46 ans, ils pensent même que "les annonces de Macron mardi vont mettre le feu aux poudres".
Divorcée, mère de deux enfants et licenciée il y a un an de la chaîne de magasins discount MacDan, Carine est arrivée la première sur ce rond-point, samedi 17 novembre, à 06h00, à la suite d'un appel sur Facebook. Et depuis, elle répond présente tous les jours.
"Les écoles qui ferment, les services publics qui disparaissent, y en a marre de ce dédain de Paris pour les territoires. Sur ce rond-point, j'ai retrouvé une solidarité que je croyais disparue", explique-t-elle, entourée d'une quarantaine d'autres "gilets jaunes", majoritairement des femmes et des retraités dont le doyen du rond-point, 86 ans.
"Les hommes sont au boulot, ils viennent le soir", explique Danielle, retraitée, qui comme tous les autres ne donne que son prénom. Pendant qu'elle parle à l'AFP, lundi à la mi-journée, un voisin apporte un carton de sandwiches au pâté et des merguez grillent sur un barbecue de fortune.
"Concurrence internationale", "société de consommation pourrie", "taxes infernales", "retraites minuscules": chacun y va de son témoignage. Ces 50 euros de CSG volatilisés sur les 750 euros de retraite du mari de Danielle, ancien plombier-chauffagiste à Caderousse (Vaucluse). Ces 16.000 euros ponctionnés par les taxes carbone en 2018 pour ce routier. Ou ces heures de travail sans voir le résultat: "Avec les prélèvements, le travail, c'est de l'esclavage", plaide Franck, retraité, ancien électricien.
- "Nous, on a des assiettes Ikea" -
Pour tous, il y a eu deux déclencheurs au mouvement des "gilets jaunes": la hausse des taxes sur le gazole "et l'arrogance de Macron". "Comme s'il suffisait de traverser la rue pour que les problèmes disparaissent", accuse Michèle, 63 ans, ancienne correspondante pour la presse régionale et locale, qui tente de faire grossir sa petite retraite en donnant des formations à la généalogie.
"Les +gilets jaunes+ d'Orange-centre vous remercient, enfin fiers d'être français", clame le slogan en rouge sur une banderole accrochée à quelques palettes et surmontée d'un drapeau tricolore, à l'entrée du rond-point. Mais rien de politique derrière ce message, jurent-ils en choeur: "De toutes façons, on n'a plus confiance, on nous a trop menti", accuse Danielle.
"Je suis là depuis dix jours, personne ne sait qui vote pour qui", insiste Michèle, arrivée samedi 17 à minuit et désormais "accro à son rond-point". A quelques mètres, Augustin Raffray, membre du service communication de la mairie d'Orange dirigée par Jacques Bompard, ex-Front National désormais membre de la Ligue du Sud, est venu aux nouvelles. "Juste pour faire le point sur les blocages", assure-t-il à l'AFP.
Parmi le personnel politique, seul Jean Lassalle, député des Pyrénées Atlantiques et candidat à la présidentielle 2017, a grâce à leurs yeux. "Comme lui, ils devraient tous porter un gilet jaune", insiste Carine, en critiquant l'argent dépensé "pour les fastes des gens là haut". Comme "ces 500.000 euros de faïence de l'Elysée, alors que nous, on a des assiettes Ikea", souligne une mère au foyer. "Le minimum qu'il devrait annoncer Macron mardi, c'est de relancer l'impôt sur la fortune", lâche sa voisine. Une revendication partagée unanimement autour d'elle.
Tous dénoncent les dégradations samedi à Paris: "Ce n'était pas des +gilets jaunes+, mais des casseurs infiltrés", assure Carine, persuadée que "le gouvernement voulait que ça dégénère". "Ils n'arrêtent pas de répéter qu'il y a eu deux morts depuis le début du mouvement, s'insurge Roger, artisan dans le BTP. Mais il y a combien de morts chaque année, par suicides, à cause de la mondialisation et des licenciements !"
Colère unanime également face aux chiffres de mobilisation annoncés par le ministère de l'Intérieur samedi: "106.301 manifestants à travers la France, ils ont dit ! C'était qui le 1, il était où, celui-là ?", ironise Danielle.