Ocean Viking accueilli à Toulon : une décision « humanitaire » et « un mauvais signal envoyé aux passeurs » pour les sénateurs

Ocean Viking accueilli à Toulon : une décision « humanitaire » et « un mauvais signal envoyé aux passeurs » pour les sénateurs

Après un bras de fer de plusieurs jours avec l’Italie, la France va finalement accueillir le navire de secours Ocean Viking, avec à son bord 231 migrants, a annoncé Gérald Darmanin. Au Sénat, la droite regrette le manque de « fermeté » de l’exécutif. La gauche appelle le gouvernement à revoir sa copie avant la présentation du prochain projet de loi immigration.
Simon Barbarit

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« Cette affaire intervient dans un mauvais contexte. Au moment où le gouvernement est en train de redéfinir la politique migratoire de la France. Ça fait désordre », relève le sénateur LR, Marc-Philippe Daubresse.

En effet, le volontarisme du ministre de l’intérieur sur la lutte contre l’immigration irrégulière, a été percuté par l’accueil contraint d’un bateau de réfugiés sur le sol français.

À l’issue du Conseil des ministres, le locataire de Beauvau a annoncé que le navire humanitaire, l’Ocean Viking, avec à son bord 230 migrants, allait accoster vendredi à Toulon, au terme d’un bras de fer diplomatique avec l’Italie.

« La fermeté migratoire affichée par Gérald Darmanin n’était donc qu’un leurre », pour Bruno Retailleau

« J’ai bien précisé, à la demande du président de la République, que c’est à titre exceptionnel que nous accueillons ce bateau, au vu des quinze jours d’attente en mer que les autorités italiennes ont fait subir aux passagers », a déclaré le ministre en fustigeant le « choix incompréhensible » et contraire au « droit international » de l’Italie, dirigée par un nouveau gouvernement d’extrême droite qui a refusé d’ouvrir ses ports. La cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni présidente du parti post-fasciste, Fratelli Italia avait fait de la lutte contre l’immigration illégale, un argument de campagne.

« Ce projet de loi qui, si on résume, est un texte qui a pour but de limiter l’immigration irrégulière au profit d’une immigration choisie, ne peut plus s’appuyer sur la stratégie européenne migratoire qui vient de prouver son extrême faiblesse », relève le sénateur du Nord.

« La fermeté migratoire affichée par Gérald Darmanin n’était donc qu’un leurre : la France plie à la première épreuve de force. Car il ne faut pas en douter : l’Ocean Viking, comme la plupart des navires affrétés par ces ONG, n’est que le cheval de Troie de l’immigration irrégulière en Europe, qui est un trafic très lucratif pour des escrocs sans scrupule », écrit dans un communiqué le patron de la droite sénatoriale, Bruno Retailleau.

Il rejoint, par cette analyse son concurrent à la présidence de LR, le député Éric Ciotti qui a dénoncé sur Twitter un gouvernement français « complice des passeurs ».

« On ne peut pas se renvoyer la balle ente pays. On comprend la décision de la France d’un point de vue humanitaire mais c’est un mauvais signal envoyé aux passeurs. Derrière cette affaire, on voit que la politique migratoire ne peut se décider qu’au niveau des Nations. », considère le sénateur LR Stéphane Le Rudulier, ancien porte-parole d’Éric Ciotti à la primaire 2021, passé dans l’équipe de campagne de Bruno Retailleau pour la présidence des Républicains.

Patrick Kanner dénonce « le prosélytisme de la haine et du repli sur soi » de l’extrême droite

« Au contraire, ça montre que les choses ne pourront se régler qu’à l’échelle européenne avec la solidarité des Etats », rétorque le président du groupe PS, Patrick Kanner qui se félicite de la décision Française. « Ce n’est pas politique, c’est humanitaire ». Puis quand Patrick Kanner prend connaissance du tweet de Marine Le Pen qui dénonce « le laxisme » du gouvernement, il complète. « L’extrême droite reste l’extrême droite. C’est le prosélytisme de la haine et du repli sur soi. Moi, je suis dans le prosélytisme de la bienveillance, de l’altérité et de l’empathie ».

« En matière de politique migratoire, l’Europe n’existe plus, c’est du chacun pour soi », observe Pierre Ouzoulias

A la gauche de l’hémicycle, le bras de fer entre la France et l’Italie sur l’accueil des migrants illustre la nécessité d’un changement de paradigme. « En matière de politique migratoire, l’Europe n’existe plus, c’est du chacun pour soi. On parle de l’Italie mais la Pologne ou la Hongrie s’affranchissent également des règles. Bientôt, nous aurons un projet de loi qui va nous expliquer qu’il faut rejeter les migrants dehors. L’Italie comme d’autres pays Européens souffre d’un déficit de natalité. Si on veut réindustrialiser l’Europe, et on ne pourra pas se passer de main-d’œuvre étrangère. Et n’oublions pas qu’avec le réchauffement climatique de plus en plus de populations vont venir frapper à notre porte », observe le sénateur communiste, Pierre Ouzoulias.

« La France aurait pu être aux avants postes pour montrer qu’une autre politique migratoire est possible », regrette Guillaume Gontard

Guillaume Gontard, le président du groupe écologiste du Sénat poursuit : « La position prise par l’Italie doit nous alerter. Quand Giorgia Meloni a été élue, des gens en France nous ont expliqué que ce n’était pas très grave. Maintenant, on se rend compte que l’extrême droite au pouvoir ne respecte aucune règle. Avec la présidence de l’Union européenne, la France aurait pu être aux avants postes pour montrer qu’une autre politique migratoire est possible. On a vu qu’Emmanuel Macron manquait d’imagination, qu’il était conservateur et reprenait les thèses de l’extrême droite. C’est la même chose avec les orientations du projet de loi Darmanin. Un texte populiste qui nous explique, en gros, qu’il y a des bons et des mauvais migrants. Mais on n’empêchera jamais les gens qui veulent sauver leur vie de quitter leur pays. Et on a vu cet été que le réchauffement climatique concernait aussi la France. Avec les incendies, il y a eu des personnes déplacées. Ça n’arrive pas qu’aux autres ».

En guise de protestation à l’attitude italienne, la France a décidé de suspendre « à effet immédiat » l’accueil prévu de 3.500 migrants actuellement en Italie, conformément au nouveau mécanisme de relocalisation des demandeurs d’asile adopté par le Conseil de l’UE en juin dernier. En outre, Paris prendra des mesures de « renforcement des contrôles aux frontières » avec l’Italie et « tirera aussi les conséquences » sur les autres aspects de sa « relation bilatérale » avec Rome, a indiqué Gérald Darmanin.

 

 

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