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Nupes : « Il est en train de se dessiner l’union de la gauche sans Jean-Luc Mélenchon », selon le porte-parole du PS, Luc Carvounas
Par François Vignal
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Déjà mal en point depuis un moment, la Nupes semble aujourd’hui franchir un pas de plus qui la rapproche de la fin. La pelletée de terre qui vient (presque) ensevelir cette union conclue pour les législatives entre LFI, PS, PCF et EELV vient de la Place du Colonel Fabien. La direction du Parti communiste français a en effet adopté ce week-end une résolution affirmant que la Nupes « est devenue une impasse ». Fabien Roussel comparé au collaborationniste Jacques Doriot puis le refus de Jean-Luc Mélenchon et de LFI de qualifier le Hamas de terroriste a précipité les choses. « Ouvrons une nouvelle page du rassemblement de la gauche et des écologistes ! », écrivent les communistes dans leur résolution, adoptée à 92,8% du conseil national.
Une première version du texte, plus dur, parlait de suspendre « toute discussion » avec la tête de LFI, comme l’ont souligné des journalistes. « Il peut y avoir un débat sur les formulations », admet le porte-parole du Parti communiste et sénateur Ian Brossat. Mais pour lui, il ne faut pas y voir des désaccords internes sur le bon ton à avoir. « Pour ce qui nous concerne, les choses sont très claires. Il faut passer à autre chose. La Nupes a fait son œuvre, a permis à la gauche de préserver une présence à l’Assemblée, mais maintenant, il faut tourner la page et passer à autre chose. Pour nous, ce chapitre-là est terminé », soutient le sénateur PCF de Paris. Il ajoute :
« Comment voulez-vous qu’on se retrouve autour d’une même table avec des gens qui nous traitent de Nazis ? »
Les déclarations de Jean-Luc Mélenchon ont évidemment mis de l’huile sur le feu depuis des mois. « Comment voulez-vous qu’on se retrouve autour d’une même table avec des gens qui nous traitent de Nazis ? » demande Ian Brossat. « Les propos tenus la semaine dernière par LFI, suite à l’attaque commis sur le peuple israélien, par le Hamas, sont certainement des propos dans lesquels les communistes ne peuvent pas se retrouver », ajoute Cécile Cukierman, nouvelle présidente du groupe CRCE-K (communiste) du Sénat, et porte-parole elle aussi du PCF. « Il était temps pour les communistes de clarifier leur positionnement, leur place et de rappeler qu’il y a besoin d’une union de la gauche, comme nous l’avons toujours fait. Mais évidemment, l’union pour être efficace, gagner et reposer sur des contenus, le respect de l’ensemble de ceux qui travaillent ensemble », ajoute la sénatrice de la Loire. « Une union comme on sait en faire dans des centaines de collectivités locales, où on ne s’insulte pas tous les quatre matins », lance Ian Brossat.
Mais comment faire cette union ? « Maintenant, le débat est ouvert. Une union ça se construit avec celles et ceux qui le souhaitent. On rentre dans cette démarche qui doit nous conduire jusqu’en 2026 pour les municipales et 2027 pour les législatives et la présidentielle », soutient la présidente du groupe communiste.
« La coordination des forces de gauche à l’Assemblée va continuer à exister »
Si le divorce semble consommé, dans les propos, reste que les députés communistes pourront toujours participer à l’intergroupe Nupes à l’Assemblée, lieu où elle vit vraiment. « Le texte de la direction a été amendé car l’objectif pour nous n’est pas d’enterrer la Nupes, mais de passer à autre chose », glisse un membre du parti.
« Les députés communistes siègent au groupe GDR. Il leur appartient d’avoir une réflexion pour savoir quel sens donner à l’intergroupe de la gauche. On a beaucoup parler de la Nupes comme si c’était une organisation existante. Mais c’est le fruit d’une alliance électorale, il faut le rappeler », souligne de son côté Cécile Cukierman. Dans les faits, l’intergroupe est pour l’heure à l’arrêt, ce qui pourrait faciliter les choses. Quoi qu’il arrive, « la coordination des forces de gauche à l’Assemblée va continuer à exister », explique Ian Brossat. Autrement dit, les partis de gauche ne vont pas arrêter de se parler du jour au lendemain. Au Sénat, où il n’y pas de Nupes, c’est déjà ce que font les groupes de gauche.
Marine Tondelier pointe le « pseudo leader qui passe son temps à provoquer tout le monde par des tweets intempestifs »
Du côté des écolos, les choses se font un peu plus en douceur, mais les critiques sont là. Marine Tondelier, patronne d’Europe Ecologie Les Verts, dont le parti a changé de nom ce week-end pour « Les Ecologistes », afin de parler aux zones rurales qui ont tendance à les bouder électoralement, prend aussi ses distances.
La secrétaire nationale des Ecologistes donc, vise directement Jean-Luc Mélenchon en tant que point de blocage. « Ce n’est pas la présence des écologistes dans la Nupes, ou celle des socialistes ou des communistes, le problème. C’est un de ses pseudo leaders qui passe son temps à provoquer tout le monde par des tweets intempestifs. Je ne sais pas qui peut lui couper Twitter à un moment. Mais ça devient un problème politique grave pour la France. Ça nous enlève toute crédibilité », a-t-elle lancé samedi sur France Culture, qui ajoute à propos de la Nupes : « Si à un moment il faut que ça s’appelle autrement, ça restera l’union de la gauche et des écologistes, sous un nom ou un autre. Peut-être qu’à un moment il faudra en arriver là ».
Pressions sur Olivier Faure
Tous les regards se tournent maintenant vers le Parti socialiste. Un Conseil national, initialement prévu samedi, a été annulé suite à la mort de Dominique Bernard, le professeur assassiné à Arras. La réunion est prévue ce mardi soir et s’annonce périlleuse. Verra-t-on Olivier Faure, l’un des artisans de la Nupes, plutôt viser la personne de Jean-Luc Mélenchon que l’union ? Pour les opposants de la première heure à l’union avec LFI, c’est en tout cas le moment de rompre, clairement.
Le sénateur PS du Val-d’Oise, Rachid Temal, est de ceux-là. « La question de la Nupes ne se pose pas, car la Nupes n’existe plus pour moi. Vive l’union de la gauche et des écologistes ! Quand vous avez 75 % des sympathisants PS qui veulent sortir de la Nupes, ça veut dire quelque chose. J’en appelle à en tirer les conséquences », demande Rachid Temal, qui a « regretté » par ailleurs « que le premier secrétaire décide de reporter le conseil national. Face à la situation internationale et nationale que nous vivons, il est important que le PS prenne la parole pour dire sa vision du moment ». Suite au refus de LFI de qualifier le Hamas de terroriste, le sénateur PS a tout de suite voulu marquer le coup. « Le premier mouvement, c’était il y a une semaine, à mon initiative, car le groupe PS de la région Ile-de-France a voté l’arrêt des relations avec LFI, dès lundi », souligne l’ancien premier secrétaire par intérim du PS.
« Il ne s’agit pas de refaire un congrès »
Rachid Temal, qui avait soutenu Hélène Geoffroy lors du congrès du PS, l’assure, il n’y a pas de revanche : « Il ne s’agit pas de refaire un congrès. Mais la question est simple : c’est savoir si notre engagement sur des valeurs fondamentales se retrouve percuté ou pas ».
L’autre « TO » (texte d’orientation) qui avait bataillé contre Olivier Faure, celui de Nicolas Mayer-Rossignol, le maire de Rouen, met la pression aussi avant le conseil national. Dans une tribune publiée ce lundi dans Le Monde est signée par la maire de Paris, Anne Hidalgo, la présidente de l’Occitanie, Carole Delga ou Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat, ces cadres socialistes demandent « la suspension immédiate de tout cadre commun d’actions avec La France Insoumise ». Une demande formulée au parti comme aux « groupes politiques ». Du côté du Palais Bourbon, une prise de distance devrait bien être formulée. « Le groupe PS de l’Assemblée va retirer le « tiret Nupes ». On va être le groupe PS et apparenté », confie un socialiste.
« En fait, la Nupes, on peut s’en passer »
Comme il l’a déjà dit à Libération le 11 octobre, pour le premier secrétaire, Olivier Faure, « le problème, c’est la méthode Mélenchon ». Manière de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Et de ne veut pas insulter le principe de l’union en tant que tel. « En 2022, quand on a fait la Nupes, à Alfortville, les gens me disaient « enfin, vous avez réussi à vous rassembler », se rappelle le maire de la ville, Luc Carvounas, l’un des porte-paroles du PS. « En fait, la Nupes, on peut s’en passer. LFI a déposé la marque à l’Inpi (Institut national de la propriété industrielle). Mais l’union de la gauche, ce n’est pas une marque », lance l’ancien sénateur, qui ajoute :
« Maintenant, si la Nupes doit changer de nom, et bien ça va changer de nom dans les prochaines semaines », avance le porte-parole du PS. Pour les socialistes, l’équilibre pourrait être de prendre suffisamment ses distances, sans sortir de l’union de la gauche et du dialogue entre membres de la Nupes. Un changement de nom pourrait permettre de repartir ainsi sur une base nouvelle.
« Je ne jette pas l’eau du bain de toute La France Insoumise »
Pour l’heure, les textes sont en cours d’écriture au PS et « les gens se parlent »… « Tout le monde a envie que ce ne soit pas l’écharpage total », dit-on en interne. Si un certain flou demeure encore sur les formulations qui sortiront du « BN » – le PS nous ressortira-t-il sa fameuse synthèse mi-chèvre mi-choux dont il a le secret ? – la volonté de garder l’union devrait prévaloir, mais avec « a priori une nouvelle étape » qui se dessine.
Pour le porte-parole du PS, il ne s’agit pas pour autant de couper tous les ponts avec LFI. Luc Carvounas « ne jette pas l’eau du bain de toute La France Insoumise », soulignant les prises de distance « de François Ruffin, Clémentine Autain, Raquel Garrido. Ça bouge à LFI. LFI, ce n’est pas Sophia Chikirou, Adrien Quatennens et je ne sais qui. Ce n’est pas une secte. Il y a des hommes et des femmes qui veulent faire avancer les choses, et avec eux, on va travailler sur les causes communes ».
Les langues se délient à LFI
A LFI, les langues se délient en effet. Dans Le Figaro, Raquel Garrido, une historique de LFI qui avait été évincée de la direction, lâche : « En décembre dernier, Jean-Luc Mélenchon avait le choix d’aider à faire mieux, comme il nous y avait invités après la présidentielle, ou de nuire. Je dois constater qu’il n’a fait que nuire depuis dix mois »… De manière un peu plus alambiquée, le député LFI Alexis Corbière évoque le remplacement du leader insoumis, ce matin dans la matinale de Public Sénat : « Je prends les gens aux mots. Je ne fais pas de procès d’intention. Quand on me donne un mandat, en disant qu’il (Jean-Luc Mélenchon) souhaite être remplacé, je m’y emploie. Et je pense qu’il faut qu’il y ait des gens qui avancent dans cette voie. C’est ce qui a été demandé par Jean-Luc Mélenchon, c’est ce qui est demandé par beaucoup de gens ».
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