Nouvelle-Calédonie : « Parler aujourd’hui de l’organisation d’un nouveau référendum est totalement prématuré », selon Georges Naturel, sénateur de Nouvelle-Calédonie
Par Alexis Graillot
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Que pensez-vous de la visite du Président de la République ? Est-ce une bonne initiative, même si celle-ci semble quelque peu tardive ?
Tout d’abord, cette visite est une surprise alors que le Premier ministre nous indiquait vendredi dernier que pour des raisons de sécurité et des raisons politiques, lui-même ne s’y rendrait que dans quelques semaines.
Je pars du principe que l’intention est bonne : renouer les fils du dialogue et recréer un cadre propice à la discussion. J’espère qu’il mènera des consultations auprès des élus afin de prendre la température.
Néanmoins, je regrette que cette reprise du dialogue intervienne si tard. Le dossier n’aurait jamais dû quitter le bureau du Premier ministre.
J’appelle de mes vœux – et c’est un point d’accord entre les groupes parlementaires – qu’une mission de dialogue doit être menée par des personnalités politiques de haut rang, des hommes ou femmes d’État. Les noms du Président du Sénat et de la Présidente de l’Assemblée nationale sont souvent revenus et c’est l’option que je soutiens depuis plusieurs semaines ; ils sont deux bons connaisseurs du dossier calédonien et sont respectés tant par les indépendantistes que par les loyalistes. Une seconde option, également pertinente serait une mission menée par d’anciens Premier ministres, Édouard Philippe et Manuel Valls par exemple.
Ces deux options sont cohérentes et équilibrées, elles font pratiquement consensus, j’espère que le Président de la République fera des annonces en ce sens jeudi.
Et est-ce positif que le président ait repris la main sur le dossier au détriment de Gabriel Attal ?
Pour l’instant, rien ne nous indique que le Président de la République se saisisse durablement du dossier. Par ailleurs, je ne suis pas certain qu’il soit du rôle du chef de l’État de se charger du dossier sur la durée, notamment au regard de la tradition jusqu’alors appliquée de voir le sujet calédonien dans le portefeuille du Premier ministre.
Gabriel Attal a indiqué qu’il se rendrait en Nouvelle-Calédonie d’ici peu, ce que je salue. Il a réuni les groupes de contact de l’Assemblée nationale et du Sénat vendredi dernier ; je demandais depuis plusieurs semaines la réunion de ces groupes de contact.
Le Président de la République a mis en place une mission de dialogue et en tant que chef de l’État, il est en effet de sa responsabilité d’amorcer une reprise du dialogue. Je pense et je plaide pour que le Premier ministre lui succède dans le suivi du dossier calédonien dans la durée, comme la tradition le veut.
Faut-il reporter la date du Congrès ?
À court terme, la priorité est le retour à l’ordre républicain et à la sécurité. Si cela impose de reporter le Congrès, alors il faut le reporter. Cette révision sera de toutes les manières indispensable, tant démocratiquement que juridiquement (pour éviter une invalidation des élections) avant les prochaines élections provinciales.
Néanmoins, la priorité étant le retour à l’ordre et à l’apaisement, je suis donc favorable à un report, de la même manière que de nombreux responsables non-indépendantistes afin de nous remettre autour de la table.
La décision reviendra au Président de la République.
La mise en place d’un référendum est-elle envisageable ou est-ce prématuré ?
Parler aujourd’hui de l’organisation d’un nouveau référendum est totalement prématuré, et je dirais même complètement inadapté. Il y a à peine 3 ans, les calédoniens disaient non à l’indépendance et oui à la France pour la 3e fois. Demander un référendum d’autodétermination à court terme serait une négation de ces trois consultations.
Le demander à moyen terme revient à donner raison à ceux qui utilisent la violence pour parvenir à leur fin.
Un nouveau référendum ne doit pas avoir lieu avant des années et une telle consultation ne saurait résulter QUE d’un accord global conclu entre tous les partenaires.
Ceux qui dès aujourd’hui proposent un énième référendum comme un juge de paix qui viendra à bout de toutes les tensions cèdent à la facilité. Ce sont précisément ces trois consultations qui ont clivé la société calédonienne ces dernières années. La priorité est le retour à l’ordre et la reconstruction.
Plus globalement, quelle est la situation sur place ?
La situation sur place s’est améliorée mais des barrages subsistent et la liberté de circulation (par exemple) est toujours largement entravée. À titre d’exemple, je suis rentrée de manière anticipée en Nouvelle-Calédonie ce dimanche soir et ne suis toujours pas en mesure de rentrer chez moi, à Dumbéa, la ville dont j’ai été Maire pendant 15 ans. Dumbéa se trouve à 10 km à vol d’oiseau, mais les barrages empêchent de circuler et des milliers de calédoniens d’avoir accès à leurs besoins essentiels.
Un certain nombre de problématiques concrètent émergent alors : accès aux soins (aux dialyses, aux accouchements pour les femmes enceintes), accès à son lieu de travail, accès à l’alimentation (EPHAD en difficulté )etc. Ces conséquences sont dramatiques et ont déjà provoquées des décès.
Le bilan des destructions et des bâtiments publics ou privés incendiés est aussi dramatique, les bilans sont en cours ; un travail devra être mené avec les assurance afin de permettre une indemnisation rapide et juste.
Le climat est-il plus apaisé et les parties sont-elles prêtes à échanger ?
Pour le moment, et je le regrette, des franges indépendantistes et loyalistes ne sont pas prêtes au dialogue. Les positions de certains se radicalisent alors que nous devrions faire baisser la pression.
Pour ma part, je prendrai mes responsabilités et participerai le cas échéant aux discussions à même de favoriser l’apaisement et le dialogue, tout en soutenant la position qui est la mienne : celle d’une Nouvelle-Calédonie dans la France. Se mettre autour de la table et défendre son point de vue, les Calédoniens ont fait la preuve qu’ils en étaient capables par le passé et je crois en cette démarche pour recréer cette société du « destin commun ».
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