Emmanuel Macron speech at Place des Cocotiers – Noumea

Nouvelle-Calédonie : « Ne pas convoquer le Congrès est un signe d’apaisement, mais cela suscite aussi beaucoup d’interrogations »

Le Premier ministre a indiqué que la réforme constitutionnelle sur le corps électoral de Nouvelle-Calédonie, élément déclencheur des violences dans l’archipel, « ne sera pas soumise » au Congrès. Si cette annonce a soulevé la colère de certains membres du camp présidentiel, de nombreux élus, indépendantistes ou loyalistes, saluent la volonté d’apaisement affichée par le nouveau gouvernement.
Romain David

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L’élargissement du corps électoral de Nouvelle-Calédonie ne sera, a priori, pas examiné par le Congrès. Le Premier ministre Michel Barnier a indiqué mardi, dans son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale, que les élections provinciales prévues cette année seront reportées à 2025, et que la réforme constitutionnelle adoptée en mai par les députés, à l’origine de la violente crise politique et sociale qui a secoué l’archipel, « ne sera pas soumise au Congrès ». Cette précision, toutefois, ne figurait plus dans sa prise de parole du lendemain, au Palais du Luxembourg, lorsqu’il est venu présenter les grands axes de travail de son gouvernement.

Entre ces deux déclarations, Michel Barnier a-t-il été recadré par le chef de l’Etat qui ne s’attendait pas à ce que son Premier ministre aille aussi loin sur cet épineux dossier ? Emmanuel Macron avait lui-même annoncé le gel de la réforme mi-juin, sans parler d’abandon stricto sensu. En tout état de cause, la dissolution ne permettait plus au président de la République de convoquer le Parlement pour un Congrès. Sur ce point, il devrait clarifier ses intentions en novembre, lorsqu’il réunira les élus calédoniens.

Quant au report des élections, Nathalie Delattre, la nouvelle ministre chargée des Relations avec le Parlement, a laissé entendre sur Public Sénat que le gouvernement s’appuierait sur la proposition de loi déposée par Patrick Kanner, chef de file des sénateurs socialistes, et qui propose la date du 30 novembre 2025, conformément à un avis du Conseil d’Etat. Ce texte doit être examiné le 23 octobre au Sénat.

» LIRE AUSSI – Nouvelle-Calédonie : pourquoi l’élargissement du corps électoral aux élections provinciales est-il un sujet aussi sensible ?

« Il était inenvisageable d’organiser des élections provinciales d’ici la fin de l’année »

Réunis ce jeudi au Sénat pour une réunion de travail avec la délégation sénatoriale aux Outre-mer, plusieurs membres du comité interinstitutionnel, instance transpartisane chargée d’assurer la mise en œuvre du plan quinquennal de reconstruction adopté fin août par le Congrès de Nouvelle-Calédonie, ont salué les annonces du Premier ministre, y voyant un premier pas vers le retour du dialogue entre les différents partis politiques.

« Ne pas convoquer le Congrès est un signe d’apaisement, une volonté d’écoute et d’échange, mais cela suscite aussi beaucoup d’interrogations à d’autres niveaux », explique le sénateur indépendantiste Robert Wienie Xowie. « Le Premier ministre a simplement dit que le Congrès de Versailles ne serait pas convoqué. On prend acte de ça, ce qui ne veut pas dire que le projet de dégel ne va pas reprendre son cours. On attend. L’avenir nous le dira. » Sur le report des élections, en revanche, l’élu est plus mitigé : « C’est un retour à la méthodologie que l’on avait contestée. Nous aurions souhaité, avant chaque prise de parole, que les concernés soient consultés », s’agace-t-il.

« Il était inenvisageable d’organiser des élections provinciales d’ici la fin de l’année. On ne circule pas encore normalement en Nouvelle-Calédonie », tempère son collègue LR Georges Naturel, qui se revendique membre de « la famille loyaliste ». « Mais on ne pourra pas reporter ces élections éternellement, les élus provinciaux auraient déjà dû être renouvelés il y a plus d’un an. Le délai ne peut pas aller au-delà du mois de novembre de l’année prochaine », avertit l’élu.

« Comme programmé il y a deux ans dans le débat sur l’avenir institutionnel de l’île, la question du corps électoral doit faire partie d’un accord global entre les partis politiques », insiste Georges Naturel. « Cela ne s’est pas fait, alors le gouvernement précédent a engagé la réforme. On a vu ce que cela a donné… La volonté du Premier ministre aujourd’hui est de renouer les fils du dialogue pour essayer d’aboutir à cet accord global. »

Accrochage à l’Assemblée

Pourtant, la petite phrase de Michel Barnier sur le Congrès a aussi créé de vifs remous parmi ses soutiens. Le député loyaliste de Nouvelle-Calédonie Nicolas Metzdorf (Ensemble pour la République) a même annoncé qu’il voterait la censure du gouvernement, évoquant « un recul de la démocratie, une honte pour la République ». Mercredi, lors de la séance de questions au gouvernement, plusieurs élus macronistes, parmi lesquels l’ex-ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, ont quitté l’hémicycle du Palais Bourbon, ayant peu apprécié de voir que le locataire de Matignon se donnait la peine de répondre en personne à une interpellation de l’indépendantiste Emmanuel Tjibaou (qui siège avec les communistes), quand Nicolas Metzdorf, quelques minutes plus tôt, avait dû se contenter des explications du ministre chargé des Outre-Mer, François-Noël Buffet.

« Le remous est un statut habituel à l’Assemblée nationale dorénavant. La position du Sénat est plus mesurée, plus sereine », raille le sénateur LR Christian Cambon, membre de la délégation sénatoriale aux Outre-mer. « Cette nouvelle a plutôt été bien accueillie de manière générale », assure-t-il. « Je pense qu’il faut se poser un peu et ne pas se précipiter sur les réformes avant d’avoir pris la mesure des problématiques. » Les parlementaires et les membres du comité interinstitutionnel se félicitent également de la remise en place d’un ministère de plein exercice aux Outre-mer, placé sous la tutelle du Premier ministre, ce qui signifie que le dossier calédonien, piloté jusqu’ici depuis la place Beauvau, repasse dans le giron de Matignon.

Une « mission de concertation et de dialogue » confiée à Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet

Ce mercredi, les membres du comité entendus par la délégation sénatoriale ont alerté sur la gravité de la situation économique de l’archipel. « Cette île est aujourd’hui la plus proche de l’enfer après avoir été la plus proche du paradis », a regretté l’UDI Philippe Gomès, ancien président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. « Si nous ne faisons rien, à l’insurrection politique du début d’année suivra une insurrection sociale », a-t-il alerté.

Les émeutes ont fait 13 morts et au moins 2,2 milliards d’euros de dégâts. 24 000 personnes se sont retrouvées sans emploi, soit 25 % des salariés du secteur privé, faisant ainsi grimper le taux de chômage de 60 % dans l’archipel. La perte des recettes fiscales, des cotisations sociales et des taxes douanières pourrait atteindre les 400 millions d’euros. Dans son discours de politique générale au Sénat, Michel Barnier a promis de nouvelles mesures de soutien aux populations. Pour autant, la reconstruction matérielle et économique ne sera pérenne en Nouvelle-Calédonie que si elle peut s’appuyer sur une base institutionnelle stable.

De ce point de vue, la « mission de concertation et de dialogue » confiée par Michel Barnier aux présidents des deux assemblées, Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet, suscite de nombreuses attentes. « À mon sens, il faut repartir de zéro. 36 ans se sont effondrés d’un coup. Il faut regagner la confiance de part et d’autre », explique la sénatrice LR Micheline Jacques, présidente de la délégation sénatoriale aux Outre-mer. « On se souvient que par le passé, c’est ce genre de mission, avec des gens raisonnables, qui a permis de résoudre les crises. Remettre le Parlement dans le circuit est une très bonne chose », abonde Christian Cambon.

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