Noumea: Riots

Nouvelle-Calédonie : le sénateur Thomas Dossus a rendu visite à une indépendantiste détenue en métropole

Le 1er juillet, le sénateur écologiste Thomas Dossus se rendait à la maison d’arrêt de Dijon, pour rencontrer une militante indépendantiste kanake. Pour Public Sénat, il revient sur cette visite et sur la situation en Nouvelle-Calédonie, alors que la réforme du corps électoral est suspendue depuis la dissolution.
Rose Amélie Becel

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La tenue d’élections législatives anticipées a conduit à la mise à l’arrêt de la réforme controversée du dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie. Pourtant, les tensions continuent sur le Caillou et les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre débutés au mois de mai ont fait une dixième victime, ce 10 juillet.

Dans ce contexte, sept militants de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), mouvement indépendantiste kanake organisateur de plusieurs mobilisations contre la réforme du corps électoral, ont été conduits en métropole le 22 juin dernier pour y être placés en détention provisoire.

Les charges pesant contre certains de ces militants sont lourdes. Christian Tein, le chef de la CCAT incarcéré à Mulhouse, est de son côté accusé de « complicité de meurtre », « participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime et d’un délit », « participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de destruction de biens ». De son côté, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait, à l’occasion de questions d’actualité au Sénat au mois de mai, accusé le CCAT d’être « un groupe mafieux, qui veut manifestement instaurer la violence ».

Que sait-on de la situation de Brenda Wanabo-Ipeze, la chargée de communication de la CCAT que vous avez rencontrée en détention, et des autres militants indépendantistes incarcérés en métropole ?

Nous sommes plusieurs membres du groupe écologiste à avoir réalisé ces visites le même jour à Mulhouse, Blois, Riom et Dijon. De mon côté, je suis allé voir Brenda Wanabo-Ipeze une semaine après son arrivée en métropole, elle avait déjà reçu la visite de Robert Xowie [sénateur kanak, membre du groupe communiste].

Elle était seule dans sa cellule, elle n’avait pas pu avoir ses enfants au téléphone et elle était encore sous le choc de la façon expéditive dont elle estime avoir été envoyée en métropole. Elle a parcouru les 16 000 kilomètres qui la séparaient de la métropole menottée et sans pouvoir parler à quelqu’un. Elle estime aussi son éloignement de la Nouvelle-Calédonie disproportionné, par rapport aux fonctions qu’elle occupait au sein de la CCAT.

C’est d’ailleurs quelque chose que le juge des libertés a compris, puisqu’elle a finalement été libérée et placée sous contrôle judiciaire et assignée à résidence en métropole, dans l’attente de son procès. Sur les sept militants de la CCAT transférés en métropole, elles sont deux femmes à avoir été placées sous contrôle judiciaire, mais les cinq hommes restent pour le moment en prison.

Que pensez-vous du choix d’incarcérer ces militants en métropole, le procureur de Nouméa explique qu’il s’agit de « permettre la poursuite des investigations de manière sereine, hors de toute pression » ?

En leur rendant visite, notre objectif n’est pas d’interférer ou de remettre en cause une décision du juge, mais de se mobiliser contre les mesures d’éloignement qui ont été mises en place. Nous pensons que ce transfert en métropole est disproportionné et qu’il risque de souffler sur les braises, alors que la situation en Nouvelle-Calédonie est toujours très tendue.

D’ailleurs, je ne vois pas ce qui empêcherait les investigations de se dérouler de manière sereine s’ils étaient de nouveau transférés en Nouvelle-Calédonie. Au contraire, ce qui empêche aujourd’hui un retour au calme, c’est aussi l’incarcération de militants en métropole. Il faut désormais envoyer des signaux d’apaisement et ce genre de mesures d’éloignement n’y contribue pas.

Malgré la suspension de la réforme du corps électoral, les violences se poursuivent en Nouvelle-Calédonie, elles ont fait un dixième mort le 10 juillet. Avec le Nouveau Front populaire, comment comptez-vous porter cette question au Parlement ?

Lors des débats sur la réforme du corps électoral, nous défendions une position claire avec le groupe écologiste : il faut que l’État reprenne la posture impartiale qu’il avait adoptée pour conclure les accords de Matignon et Nouméa [signés en 1988 et 1998 pour redéfinir les relations entre la France et la Nouvelle-Calédonie].

Depuis que Sébastien Lecornu et Gérald Darmanin ont repris ce dossier, l’État a choisi son camp, il est sorti de son rôle d’arbitre impartial. Il a par exemple décidé de reconnaître le référendum de 2021 [lors duquel les calédoniens ont voté contre l’autodétermination pour la troisième fois], alors qu’il s’est déroulé en plein Covid et a été boycotté.

Au sein du Nouveau Front populaire, nous comptons aussi désormais un député kanak, Emmanuel Tjibaou, et je pense que nous devons échanger avec lui sur la position à tenir. Il nous faut ensuite trouver des personnalités indépendantes, qui pourraient reprendre les discussions sans prendre parti. Cela fait en tout cas partie de nos sujets prioritaires, qui ne sauraient être mis au second plan malgré la situation politique que nous traversons aujourd’hui.

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