Dams in Noumea, New Caledonia.31/05/2024

Nouvelle-Calédonie : « Cette dissolution tombe mal. On a l’impression d’être abandonnés »

Passée quelque peu sous les radars de la campagne des élections législatives, la situation en Nouvelle-Calédonie s’est tendue ces dernières heures depuis l’arrestation et le transfert de militants indépendantistes de la CCAT en métropole. Au point mort depuis la dissolution, la perspective d’un accord global sur l’avenir institutionnel de l’île et sur le dégel du corps électoral aux élections provinciales va devoir attendre l’après 7 juillet.
Simon Barbarit

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C’était le dossier explosif du printemps, qui comme d’autres, est passé au second plan depuis la dissolution. La Nouvelle-Calédonie fait de nouveau face à une flambée de violences depuis l’arrestation de militants indépendantistes liés à la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) mercredi. Dans la nuit de samedi et dimanche, sept des onze personnes interpellées ont été transférées dans des établissements pénitentiaires de métropole dont le porte-parole de la CCAT, Christian Tein engendrant de nouvelles violences cette nuit. La CCAT a exigé « la libération et le retour immédiat » de ses militants pour qu’ils soient « jugés sur leur terre » et dénoncé les « tactiques coloniales » de la France.

« Le gros des exactions a eu lieu dans la commune de Dumbea (au nord de l’agglomération de Nouméa) l’hôtel de police a été incendié, aucune circulation n’est possible et les écoles sont fermées », témoigne le sénateur (LR) non indépendantiste, Georges Naturel. Le procureur de la République de Nouméa, Yves Dupas a indiqué qu’un homme de 23 ans avait perdu la vie dans la nuit après s’être rendu sur des barrages à Nouméa. Un automobiliste « contraint de faire demi-tour en raison d’un barrage édifié par des militants indépendantistes », selon les pompiers, est également décédé après un choc frontal avec un autre véhicule à Païta, dans l’agglomération de Nouméa.

« Le nouveau report des élections provinciales est inévitable »

Des évènements qui rappellent les nuits d’émeutes du mois dernier suite à l’adoption par le Parlement de réforme du corps électoral. Le dégel du corps électoral aux élections provinciales est rejeté par les indépendantistes, qui craignent une marginalisation des Kanak, peuple autochtone de Nouvelle-Calédonie, dans la répartition des sièges dans les provinces (lire notre article). A la mi-mai, Emmanuel Macron avait indiqué qu’un Congrès serait réuni à Versailles « avant la fin juin » pour entériner la révision constitutionnelle si indépendantistes et loyalistes ne trouvaient pas un accord sur un texte plus global d’ici là. Un accord, dans lequel la date d’un nouveau référendum d’autodétermination, aurait pu être fixée, puisque les indépendantistes contestent la légitimité de la dernière consultation de 2021. Mais la dissolution est passée par là. Les discussions locales n’ont pas avancé et l’ultimatum du chef de l’Etat ne tient plus, de même que la date limite, le 15 décembre 2024, fixée par une loi organique pour organiser les élections provinciales. « Le nouveau report des élections provinciales par le vote d’une loi organique est inévitable quelle que soit la majorité à l’Assemblée nationale. Cela donnera un peu de temps aux Calédoniens pour négocier avec l’Etat. S’ils y parviennent nous pourront certainement obtenir la consécration de cet accord par le Parlement », veut croire Philippe Bas, sénateur LR et le rapporteur du projet de loi constitutionnel ».

Un appel pour un retour de la méthode qui avait régi les accords de Matignon et de Nouméa. Car depuis le début de cette crise, la verticalité gouvernementale qui consiste à imposer une réforme constitutionnelle d’en haut aux acteurs locaux est contestée d’un bout à l’autre de l’hémicycle du Sénat. « Pour sortir de cette crise, il faut renouer avec la lucidité, l’impartialité, l’humilité qui prévalaient depuis 1988. Il faut créer immédiatement une mission de dialogue entre tous les partenaires Calédoniens et l’Etat […] Il faut aboutir, sans ultimatum dans le temps, à un accord global tripartite », avait plaidé aux questions d’actualité au gouvernement, le président du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner, le 15 mai dernier.

« La dissolution tombe vraiment mal. On a l’impression d’avoir été abandonnés. Les discussions ne pourront reprendre qu’après le 7 juillet. La Nouvelle-Calédonie subi une crise politique, économique et sociale. 900 entreprises ont été dégradées ou détruites lors des émeutes. Ça fait des semaines que nous ne parvenons pas à reprendre une vie normale. Il faut reprendre le processus du début en passant par un accord global pour réformer le corps électoral », plaide Georges Naturel.

« La réforme constitutionnelle est caduque et rien n’est réglé »

« La manière avec laquelle le sujet calédonien a été abordé est évocatrice de la façon dont le gouvernement exerce le pouvoir. Désormais la réforme constitutionnelle est caduque et rien n’est réglé. La situation est très inquiétante mais en transférant en métropole des dirigeants de la CCAT, l’exécutif pouvait s’y attendre », observe la présidente du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky du Sénat, Cécile Cukierman.

Le sujet calédonien semble être passé au second plan de la campagne des législatives. Le Nouveau Front Populaire préconise l’abandon du projet de loi constitutionnelle. « C’est un geste fort d’apaisement qui permettra de retrouver le chemin du dialogue et de la recherche du consensus. À travers la mission de dialogue dans l’esprit des accords de Matignon et de Nouméa », peut-on lire dans le programme. Ce lundi, Jordan Bardella s’est borné à rappeler que sa « famille politique a historiquement toujours été avocate et défenseure de la Calédonie française ». « Nous restons favorables au dégel du corps électoral. Ce que nous avions critiqué en revanche, c’était la méthode et le calendrier », a-t-il souligné, préconisant, lui aussi, une mission de dialogue.

Lors de sa conférence de presse, la semaine dernière, Gabriel Attal, qui il y a encore un mois était pressé de reprendre la main sur ce dossier par l’opposition, n’a pas évoqué le sujet.

« Il n’y a pas de réunion publique, la campagne se fait surtout sur les réseaux sociaux »

Pour les législatives, les deux députés sortants de la majorité partent d’ailleurs en ordre dispersé. Nicolas Metzdorf, qui était rapporteur du projet de loi constitutionnel n’a pas été investi par Renaissance et ne se présente pas, contrairement à 2022, dans la deuxième circonscription, mais dans la première, face à son allié d’hier, Philippe Dunoyer, investi lui par Horizons. Il laisse ainsi la place dans la deuxième circonscription à Alcide Ponga, président du Rassemblement-Les Républicains qui s’opposera à un autre candidat loyaliste, l’ancien sénateur du groupe centriste, Gérard Poadja. A noter qu’un autre ancien sénateur, Simon Loueckhote, se présente dans la première circonscription sous la bannière du RN.

Mais comme lors des élections européennes, il est à craindre que le scrutin se déroule dans un climat de tension. « Il n’y a pas de réunion publique, la campagne se fait surtout sur les réseaux sociaux », témoigne Georges Naturel. « Il faut veiller à ce que le suffrage universel puisse s’exprimer. C’est d’autant plus nécessaire que justement des tensions existent. On peut compter sur les maires et le haut-commissaire pour veiller au bon déroulement du scrutin », espère Philippe Bas.

 

 

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