La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Nouveau Premier ministre : après un dernier round de consultations, quels scénarios se dessinent ?
Par Romain David
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Nouvelle journée de consultations pour Emmanuel Macron, et toujours rien à l’horizon. Avant de s’envoler ce jeudi soir en Serbie pour une visite de deux jours, le président de la République s’est entretenu avec plusieurs représentants des collectivités territoriales. L’objectif, toujours le même : démêler une équation politique inédite sous la Cinquième République, ou comment composer un gouvernement qui soit en mesure d’échapper à une motion de censure face à une Assemblée nationale sans majorité claire ?
Le chef de l’État a-t-il (enfin) une solution en tête ? « Oui, je le pense », a confié Renaud Muselier, le président Renaissance de la région Provence-Alpes-Côte-D’Azur, au micro de BFM TV, juste après s’être entretenu avec Emmanuel Macron. Sans être capable, toutefois, d’en dire beaucoup plus sur les intentions du président. L’ancien LR pense savoir qu’un nouveau Premier ministre devrait être nommé « en fin de semaine ou début de semaine prochaine ». « On y voit quand même beaucoup plus clair », a-t-il estimé, même si aucune piste solide de sortie de crise ne se dessine après la séquence des derniers jours.
Un jour sans fin
Entamés la semaine dernière, les échanges entre le chef de l’Etat, les chefs de partis et les leaders parlementaires d’opposition se sont révélés plutôt infructueux. Emmanuel Macron a écarté la possibilité de nommer à Matignon Lucie Castets, la candidate du Nouveau front populaire (NFP), estimant qu’elle ne serait pas en mesure d’échapper à une censure des députés. La gauche a aussitôt fait le choix de boycotter le nouveau cycle de consultations organisées cette semaine à l’Elysée, une position qui crée de nombreux remous chez les socialistes.
Hier, Laurent Wauquiez, le président des députés de La droite républicaine, a jugé « décevants » les échanges entre le chef de l’Etat et les représentants de la droite. Les LR campent sur la ligne fixée avant la pause estivale ; ils s’engagent à voter les réformes listées dans leur « pacte législatif » – qui contient de nombreux marqueurs de droite – mais refusent de participer ou d’accorder un soutien de principe au futur gouvernement. Par ailleurs, Bruno Retailleau, le patron des sénateurs LR, a fait de tout débauchage une ligne rouge, ce qui risque fort de compliquer un peu plus le casting gouvernemental. Dans ces conditions, la piste d’un gouvernement de « technos », déjà évoquée en marge des législatives anticipées, reste envisageable.
« À titre personnel, je suis très peu favorable à un gouvernement technique. Cela veut dire que l’on va laisser les manettes à la haute administration et à Bercy ? Très peu pour moi ! Nous avons besoin d’un gouvernement politique », a martelé François Sauvadet, le président (UDI) de l’Assemblée des départements de France, lors d’un point presse ce jeudi, à sa sortie de l’Elysée.
À ce stade des discussions, seuls les membres de la majorité, mais aussi les députés du petit groupe LIOT, qui avaient pourtant été très mobilisés contre la réforme des retraites, « ont dessiné des voies de coalition et de travail commun possibles entre différentes sensibilités politiques », indique la présidence. Ce qui n’empêche pas certains soutiens d’Emmanuel Macron de se montrer assez critiques : « C’est une faute de méthode de négocier un gouvernement avec les partis politiques », a taclé François Bayrou, le patron du MoDem mardi.
À l’écoute des associations d’élus
Message entendu ? En se tournant vers les élus locaux, avec lesquels il a souvent entretenu des relations complexes, Emmanuel Macron élargit aussi ses perspectives. « L’une des issues par rapport aux postures politiciennes, c’est de faire confiance aux élus locaux », explique François Sauvadet, qui voit là des « pôles de stabilité ». « Gilets Jaunes, Covid… j’ai fait remarquer au président que chaque fois qu’il y a eu des difficultés, on s’est tourné vers les élus locaux », poursuit cet ancien ministre de Nicolas Sarkozy.
Reçu à la mi-journée, David Lisnard, le maire de Cannes, indique sur le réseau social X avoir fait part au chef de l’Etat de ses inquiétudes sur le budget, l’immigration – la mise en œuvre de la réforme votée en décembre a été suspendue avec la démission du gouvernement -, la politique pénale ou encore la revalorisation du travail. À en croire l’en-tête de son communiqué, l’édile semble moins avoir été reçu comme président de la très puissante Association des maires de France (AMF), que comme le patron de Nouvelle Energie, son micro parti. Cette structure lancée en 2021 a le vent en poupe depuis les législatives, ayant servi de camp de repli à de nombreux candidats LR traumatisés par le ralliement d’Éric Ciotti à Marine Le Pen.
« Un profil de rassemblement »
En parallèle, les noms de premiers ministrables continuent à circuler. Renaud Muselier a admis avoir poussé auprès du chef de l’Etat la candidature de Jean-Louis Borloo… mais sans en avoir informé le principal intéressé. « J’ai été ministre avec lui, je sais ce qu’il est capable de faire », a-t-il expliqué, toujours au micro de BFM TV. Ancien président de l’UDI, ministre sous Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, respecté aussi bien à droite qu’à gauche de l’échiquier politique, Jean-Louis Borloo pourrait cocher suffisamment de cases pour s’imposer comme une figure de consensus.
« J’attends un profil de rassemblement, qui soit à l’écoute des départements puisque nous sommes au cœur des problématiques que vivent les Français, et je souhaite que l’on reprenne pied avec le terrain », explique François Sauvadet. « Le Premier ministre doit avoir une expérience du Parlement parce que le dialogue avec le Parlement sera important », souligne-t-il. Avant d’ajouter : « Je précise que je ne dessine pas mon profil, je ne demande rien. »
L’hypothèse Cazeneuve
Autre candidat putatif dont le nom revient régulièrement : Bernard Cazeneuve, éphémère Premier ministre de François Hollande. Sa nomination aurait de quoi satisfaire ceux qui estiment que le chef de l’Etat n’a d’autres choix, au vu du résultat des législatives anticipées, que de nommer une personnalité issue de la gauche, mais qui ne veulent pas des mélenchonistes au pouvoir. « C’est le président de la République qui nomme un Premier ministre. Il a le droit de refuser Lucie Castets. Mais il a le devoir de le choisir dans le bloc de gauche », martèle dans les colonnes du Parisien Carole Delga, la présidente de la région Occitanie, elle aussi invitée à l’Elysée ce jeudi matin.
Une nomination à Matignon de Bernard Cazeneuve, qui fustige depuis deux ans le rapprochement du PS et de la France insoumise, aurait aussi un intérêt politique pour la macronie : elle pourrait accélérer la fracturation du NFP, en poussant les courants minoritaires du PS, qui souhaitent maintenir le dialogue avec Emmanuel Macron, à s’éloigner de la direction du Premier secrétaire Olivier Faure. « Il faut tendre la main aux partis de l’ancienne majorité, notamment pour trouver des compromis sur des textes au Parlement », a estimé sur franceinfo Hélène Geoffroy, présidente du Conseil national du Parti socialiste et maire de Vaulx-en-Velin. « Il y a une responsabilité du côté des socio-démocrates. À quel moment peuvent-ils se décrocher ou non des insoumis ? », interroge Renaud Muselier.
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« Emmanuel Macron a testé quelques noms ici ou là »
Parmi les autres personnalités évoquées dans la presse : Karim Bouamrane, le maire socialiste de Saint-Ouen, Pierre Moscovici, actuel Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, le président de la HATVP, Jean-Dominique Senard, président de Renault, Éric Lombard, actuel directeur général de la Caisse des dépôts et consignations… Nous vous les listons ici et là.
« Ce sont des ballons d’essai lancés par les proches du président, parfois par la presse elle-même, pour voir ce qui est susceptible de prendre ou pas », estimait en début de semaine une responsable socialiste. « Je sais qu’il a testé quelques noms ici ou là. Mais je n’ai aucune information précise sur son choix », avoue François Sauvadet.
Avec le départ d’Emmanuel Macron pour la Serbie, aucune annonce ne devrait tomber sous les prochaines 48 heures. À certains de ses interlocuteurs ce jeudi, le président aurait laissé entendre qu’il pourrait encore attendre la semaine prochaine avant de trancher. Rappelons que même s’il est pressé de toute part, la Constitution ne lui impose aucun délai pour nommer un nouveau chef de gouvernement.