Nouveau gouvernement : « Il faut décider vite », alertent les chefs d’entreprise

Les 26 et 27 août ont lieu les universités d’été du Medef, dans un contexte inédit cette année : depuis plus d’un mois, le gouvernement est démissionnaire, et le pays attend qu’Emmanuel Macron nomme un nouveau Premier ministre pour composer son exécutif. Une conjoncture qui jette le pays dans l’incertitude sur le plan politique, institutionnel et économique. Les chefs d’entreprise présents à la Rencontre des Entrepreneurs attendent avec impatience la fin de l’incertitude, alors que leur président souhaite peser davantage dans les décisions publiques.
Mathilde Nutarelli

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Ce lundi, à l’ouverture du grand raout de rentrée du Medef, La Rencontre des Entrepreneurs de France, la tonalité était fortement politique. Alors que le nouveau gouvernement se fait toujours attendre, le patron des patrons, Patrick Martin, appelle à un « front économique », pour que le monde des chefs d’entreprise pèse davantage dans les décisions politiques. Un appel salué par ces derniers, qui ne goûtent pas le contexte politique incertain.

Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher au chevet des chefs d’entreprise

Chose rare : aucun ministre n’était convié à s’exprimer lors des rencontres des patrons de France cette année, et pour cause : le gouvernement est démissionnaire. Ce sont donc la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, et le président du Sénat Gérard Larcher, qui sont intervenus en ouverture, lors d’une « keynote spéciale ». La première, quelques heures après avoir rencontré Emmanuel Macron, qui consulte toujours en vue de nommer un Premier ministre, a insisté sur la nécessité de composer une « grande coalition, pas que politique ». Devant les chefs d’entreprise, elle a répondu à la proposition de Patrick Martin : « j’en appelle aux entreprises. Prenez toute votre place dans cette grande coalition pour notre pays ». Gérard Larcher s’est montré moins politique : il rencontrait le Président quelques heures plus tard. Il a néanmoins insisté sur la nécessité de « sortir de la crise politique où nous a plongés une dissolution hasardeuse ». La solution pour le président du Sénat : les corps intermédiaires que sont les collectivités locales et les partenaires sociaux. Devant les chefs d’entreprise, l’ancien ministre délégué aux Relations du Travail a fait un éloge précis et détaillé du dialogue social.

Les interventions des deux têtes du Parlement avaient pour but d’incarner la stabilité des institutions, dans un contexte mouvant et incertain. Tous les deux ont insisté sur la nécessité de faire une large place à la concertation, au dialogue, au compromis. Notamment en ne remettant pas en cause les réformes récentes, comme celle des retraites. Un appel du pied au NFP et au RN, qui souhaitent l’abroger.

Certains chefs d’entreprise sont inquiets

Dans les allées de l’Hippodrome de Longchamp, où se tient l’université d’été du Medef, les chefs d’entreprise sont dans l’attente. Certains sont inquiets, comme Thibaud Arvengas, à la tête d’un cabinet de conseil en développement d’entreprises. « Je suis très inquiet pour le futur parce qu’actuellement, il n’y a pas de capitaine. Comment voulez-vous avancer économiquement ? », a-t-il confié à publicsenat.fr. Ce qu’il craint, c’est l’application du programme du Nouveau Front Populaire, qui se traduirait selon lui par une augmentation des charges et du Smic. Or, la porte est toujours ouverte sur une nomination de la candidate du NFP, Lucie Castets, à Matignon. Loïc Cantin, président de la Fnaim (Fédération Nationale de l’Immobilier), ne voit pas non plus d’un très bon œil ce programme : « Il demande une étude d’impact, on mesure mal les conséquences des mesures proposées : la revalorisation du Smic qui serait désastreuse pour les entreprises françaises, le retour de l’ISF, … On a besoin de souplesse, d’inventivité, de mobiliser toutes les forces vives pour avoir un consensus global et non une opposition systématique ». Il déplore l’absence de prise en compte du secteur du logement dans les débats récents, alors que le secteur traverse une grave crise qui dure depuis plusieurs mois. « Il n’y a rien de pire pour le logement que l’instabilité organisée », s’inquiète-t-il.

« Quels que soient la représentation nationale et les gens en responsabilité, on travaillera avec »

D’autres chefs d’entreprises croisés dans les allées sont plus pondérés. Ce qu’ils déplorent surtout, c’est l’incertitude, mais ils se disent prêts à travailler avec quelque gouvernement que ce soit, tant qu’une ligne est fixée. C’est le cas de Jean-François Faure, président fondateur d’Aucoffre.com : « Je pense que tous les chefs d’entreprise sont comme moi, je reste quelqu’un de très positif. Par contre, il y a clairement de vrais challenges : on n’a pas de gouvernement, donc pas de ligne claire à suivre. Là où il peut y avoir des inquiétudes, tant pour les chefs d’entreprise que pour les salariés, c’est à quelle sauce on va être mangés dans les semaines et les mois qui arrivent ». Pour lui, le plus grave serait « un gouvernement qui se bunkerise et qui décide de n’appliquer que son programme ». « Quelle que soit la politique, si elle est anticipée et concertée, on arrive à bâtir sur n’importe quoi. Là, on n’a pas le commencement d’un indice, c’est là que se concentre l’incertitude ». Le son de cloche est le même chez Jean-Luc Alexandre, président fondateur de Naarea, une entreprise qui fabrique de petits réacteurs nucléaires : « Ce n’est pas de l’inquiétude, c’est plutôt de l’impatience, parce que cela crée toujours de l’instabilité. Un chef d’entreprise aime bien la stabilité pour avoir de la prévisibilité. On fait confiance au pouvoir en place et quels que soient la représentation nationale et les gens en responsabilité, on travaillera avec, c’est le rôle du chef d’entreprise, de s’adapter. Mais il faut décider vite ».

« Que le patron du Medef ait eu un discours quasiment de chef de parti politique, j’ai trouvé cela assez pertinent »

La nature a horreur du vide, et dans le contexte politique, la proposition de Patrick Martin de peser davantage dans les décisions politiques est bienvenue pour les chefs d’entreprise interrogés. Alors qu’aucun nom pour Matignon n’a encore été annoncé et que la situation semble inextricable sur le plan politique, certains évoquent les noms de patrons de grandes entreprises françaises. « Il y a quelques années je ne vous aurais pas répondu ça », nous confie Jean-François Faure, « mais voyant le contexte, je pense que le Medef et les organisations patronales, voire syndicales mais apaisées, ont clairement leur place à prendre dans ce sens. Que le patron du Medef ait eu un discours quasiment de chef de parti politique, j’ai trouvé cela assez pertinent, parce qu’il y a un vrai travail pour rappeler que l’entreprise est un acteur politique majeur sur la mise en œuvre des politiques publiques ».

 

 

Images de Fabien Recker

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