France : Conference de presse Nouveau Front Populaire

Nouveau Front populaire : toujours pas de fumée blanche, des négociations enlisées 

Les négociations au Nouveau Front populaire n’ont pas abouti ce vendredi. Plusieurs noms émergent cependant, alors que les deux forces principales, LFI et PS, revendiquent Matignon. Olivier Faure, Jean-Luc Mélenchon, Clémence Guetté, Johanna Rolland... Faire consensus au NFP est-il une mission impossible ?
Tâm Tran Huy

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Faites vos jeux, rien ne va plus ! A l’heure où nous écrivons ces lignes, il est impossible de savoir de quel côté retombera la pièce dans les négociations du Nouveau Front populaire. Le Premier ministre sera-t-il issu de la France insoumise, du Parti socialiste ou ni de l’un ni de l’autre ? Une seule chose est sûre : les principaux concernés, interrogés par nos soins, ne sont pas d’accord sur grand-chose et échafaudent tous des scenarii différents. Cet après-midi, c’est le « blocage » qui semble prévaloir, comme l’a relaté le secrétaire national du Parti communiste Fabien Roussel. 

Olivier Faure : le candidat des socialistes

Commençons par un nom qui rassemble plusieurs socialistes, celui d’Olivier Faure pour le poste de Premier ministre. Le Premier secrétaire du PS n’a pas toujours eu que des adeptes dans son camp, loin de là. Mais même les anciens partisans de la ligne Mayer-Rossignol ne trouvent rien à y redire aujourd’hui. Un sénateur socialiste résume ainsi la situation : « Nous sommes la première force politique à gauche, il faut que notre représentant soit le Premier secrétaire du parti. C’est la logique institutionnelle. » Pour cette personnalité, il faut compter, dans les troupes socialistes, à la fois les députés et les sénateurs, un calcul qui tourne immédiatement en faveur du parti à la rose puisque les Insoumis n’ont aucun élu au Palais du Luxembourg. Une autre personnalité du parti abonde : « Le futur Premier ministre devra trouver des majorités de projet, il faut de l’expérience de la vie parlementaire. C’est pour ça qu’on a proposé Olivier Faure. »  

L’hypothèse Johanna Rolland murmurée ces dernières heures ? « Elle n’est pas candidate, son nom a été proposé par LFI pour diviser le Parti socialiste. » Mais le nom de l’édile de Nantes fait mouche chez certains écologistes, qui soulignent que le fait que « ça soit une femme, ça serait un bon principe. Ça me paraîtrait assez normal. Mais surtout, ce que l’on veut annoncer à travers notre candidature au poste de Premier ministre, c’est quelqu’un de rassembleur. » Un nom socialiste, nous confirme-t-on enfin, aurait aussi la faveur du Parti communiste. On découvre pourtant quelques minutes plus tard le nom d’Huguette Bello, la présidente du Conseil régional de la Réunion, proposé par Fabien Roussel. L’élue ultra-marine, a appuyé le communiste, pourrait « construire des majorités et parler avec le président de la République. » 

Mélenchon, option sérieuse ou provocation ?

Ces dernières heures, les négociations semble patiner. Certaines parties prenantes minimisent et jugent les observateurs bien impatients. « Quand on a fait la NUPES, il avait fallu 20 jours au total. Là, on a fait le Nouveau Front populaire en 5 jours. On peut prendre encore quelques jours. » D’autres avouent vertement qu’ils ignorent si elles pourront atterrir : « En 50 ans de vie politique, je n’ai jamais vu ça. Je ne sais pas où on va. » 

Mais le temps ne joue-t-il pas contre l’alliance de la gauche ? Les camps adverses font entendre la musique de la motion de censure qui viendrait immédiatement à bout d’un gouvernement de gauche, les députés Renaissance en profitent pour appeler l’aile socio-démocrate à se rapprocher d’une coalition allant jusqu’aux LR. Une « majorité de revers » est-elle en train de constituer ? Son ciment : Jean-Luc Mélenchon. Le nom du leader de la France insoumise a été mis sur la table des négociations par LFI avec trois autres personnalités, Manuel Bompard, Clémence Guetté et Mathilde Panot. Chez toutes les autres composantes du Nouveau Front populaire que nous interrogeons, le « non » est catégorique. Que LFI continue de proposer le nom de Jean-Luc Mélenchon est vécu comme une simple provocation pour les uns, mais d’autres prennent cette proposition au sérieux. Un socialiste qui a participé à la rédaction du programme du NFP tranche enfin : « De toute façon, si nous proposons le nom d’un Insoumis, Emmanuel Macron ne le nommera pas. Donc la question est simple : est-ce que les Insoumis veulent gouverner, oui ou non ? »  LFI cherche-t-elle à provoquer une situation de crise ? Certains le pensent,  et glissent : « Ils espèrent alors contraindre Emmanuel Macron à la démission, c’est ce qui leur conviendrait le mieux. » 

A quoi jouent les écologistes ?

Et quid des écologistes qui participent aussi aux négociations ? Un élu s’agace, il estime que les écologistes doivent désormais choisir entre les deux partis en force au Nouveau Front populaire. Un parlementaire écologiste s’y refuse : « On voudrait une troisième voie qui ne soit ni l’un ni l’autre (…) Une troisième voie serait une personnalité de consensus, c’est là-dessus qu’on réfléchit. » Nous n’obtiendrons pas plus que ce portrait-robot du candidat rêvé des écolos. Mais certains de leurs partenaires socialistes ont bien l’impression que les écologistes espèrent jouer la carte du 3e homme ou de la 3e femme. Alors Marine Tondelier, Cyrielle Châtelain (déjà candidate au perchoir), Cécile Duflot, Yannick Jadot ? Pour sortir du face-à-face entre socialistes et Insoumis, pourrait-on opter pour « une logique intermédiaire », opter pour une personnalité qui n’appartient à aucun des deux camps principaux ? « Je pense que pour LFI, c’est acceptable », nous indique un élu qui observe que « Marine Tondelier est allée très tôt négocier les circonscriptions avec Jean-Luc Mélenchon et qu’il y a beaucoup de liens entre LFI et écologistes. » 

Vers un vote des sénateurs ? « La petite manip de Kanner, on n’est pas rentrés là-dedans »

On l’a compris, personne ne sait si un nom de Premier ministre pourra sortir des négociations en cours entre les chefs du NFP. Un déblocage soudain et une fumée blanche dans les prochaines heures est aussi plausible qu’un enlisement qui nous amènerait jusqu’à la semaine prochaine. Si tel était le cas, plusieurs élus évoquent aujourd’hui un vote. Certains sénateurs socialistes, et notamment Patrick Kanner voudraient voir les sénateurs prendre part au vote et s’ajouter aux députés. Levée de bouclier d’un écologiste : « Il faut que ça soit un vote des députés, pas des sénateurs. Ça serait de la provocation pour les Insoumis. La petite manip de Kanner, on n’est pas rentrés là-dedans. » Alors à quand le vote ? Au plus tard au 17 juillet, nous dit-on, avant le vote pour le perchoir mais à une date où tous les députés seraient à Paris. La date à laquelle Emmanuel Macron pourrait aussi accepter la démission de son gouvernement, qui passerait alors en gestion des affaires courantes. 

La gauche va-t-elle vraiment gouverner ?

Passer de l’accord électoral à la coalition gouvernementale va-t-il être possible ? Et si oui, Emmanuel Macron acceptera-t-il de nommer un Premier ministre de gauche, alors que la majorité du NFP est si courte ? Et après ça, il faudra encore espérer ne pas être renversé par une motion de censure ? Certains imaginent déjà ainsi la suite et sont découragés d’avance, face aux discussions qui s’enlisent : « On ne peut pas régler en trois jours des débats qu’on n’a pas réglés depuis des années. J’ai le sentiment de l’impasse, du mur devant. » 

Certains, au contraire, ne croient pas en la censure et disent : « Chiche ! » Car que peuvent proposer les autres partis en alternative, des majorités tout aussi fragiles, qui graviteraient autour d’Ensemble.  Or, « s’il y a un résultat clair, c’est que la majorité présidentielle a perdu. » Ils rappellent aussi que les performances d’Ensemble et de LR ont été moins mauvaises que prévues pour une seule raison : « C’est grâce au front républicain. Rappelons qu’il a existé parce qu’on a été les premiers à se désister. Les électeurs ont suivi. Renaissance en a bénéficié. LR aussi. » Ils trouvent bien ingrats tous ceux qui déclarent déjà qu’ils voteraient la censure de tout gouvernement de gauche, notamment Gérard Larcher. Alors que le NFP fait face à tant de contestations, il a reçu un soutien inattendu, celui de Dominique de Villepin. L’artisan de la dissolution de 1997 estime que c’est bien aux forces de gauche, arrivées devant, de constituer un gouvernement. Mais il a aussi reconnu que « ce n’était pas un cadeau. » 

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