C’est le premier texte majeur du gouvernement Bayrou. Issue d’une commission d’enquête sénatoriale transpartisane, la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic et la proposition de loi organique créant le parquet national anticriminalité organisée (Pnaco), pourraient, comme ce fut le cas en première lecture, être adoptées à l’unanimité de la chambre haute, cet après-midi.
Adoptés massivement par les députés, les deux textes ont fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire. Treize des quatorze membres de la CMP avaient voté pour, contre un LFI.
« On n’est pas dans un narco-Etat, mais on s’approche d’un affaiblissement de la puissance publique et ça, c’est le signe d’un narco-Etat », avait mis en garde, l’année dernière, le rapporteur de la commission d’enquête, Etienne Blanc (LR).
Pour y remédier, le texte étoffé de plus de 20 articles, contient de nombreux dispositifs.
Parquet national anticriminalité organisée (Pnaco)
Ce parquet national anticriminalité organisée (Pnaco), devrait voir le jour en juillet 2026. Sur le modèle des parquets financier (PNF) et antiterroriste (Pnat), le Pnaco serait saisi des crimes les plus graves et complexes.
Régime carcéral strict pour les plus gros trafiquants
Lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, le garde des Sceaux, Gérald Darmanin avait introduit une disposition prévoyant un régime carcéral particulièrement strict pour les plus gros trafiquants. La mesure qui a été rajoutée à l’Assemblée nationale. Il s’agit de mesures d’incarcération à traitement spéciale prises pour un an renouvelable.
Refonte du régime des repentis
Le texte consacre également la refonte du régime des repentis, sur le modèle de ce qui existe déjà dans la justice italienne. Le nouveau dispositif se veut plus attractif, les personnes responsables de crimes et délits en lien avec le grand banditisme, y compris des crimes de sang, mais qui acceptent de collaborer avec la justice pourraient voir leurs peines réduites aux deux tiers.
« Dossier-coffre »
Décriée par la gauche et les avocats, mais défendue par le gouvernement, le principe d’un « dossier-coffre » a été créé. Il s’agit d’un procès-verbal distinct, lors des enquêtes, pour ne pas divulguer certaines informations aux trafiquants et à leurs avocats. Suivant un avis du Conseil d’Etat, seuls les éléments susceptibles de menacer l’intégrité physique ou la vie d’une personne, par exemple l’identité d’un enquêteur, sont portés au dossier coffre. En revanche, ils ne pourront pas être utilisés pour motiver une condamnation, à moins qu’ils ne soient « d’intérêt exceptionnel pour la manifestation de la vérité ». Ce dispositif soulève de vives inquiétudes du côté des avocats, même si une voie de recours est possible devant le juge d’instruction.
Il sera également possible, dans le cadre d’une enquête, d’activer à distance un appareil électronique, à l’insu de son propriétaire, afin de procéder par exemple à des écoutes. Une telle technique ne pourrait concerner les appareils mobiles d’un député, sénateur, magistrat, avocat, journaliste ou médecin.
Durcissement de la réponse pénale
Sous l’impulsion de la droite à l’Assemblée nationale, les étrangers condamnés à cinq ans de prison pour trafic de stupéfiants verront désormais leur peine automatiquement assortie d’une peine complémentaire d’interdiction du territoire. Toujours à l’initiative de la droite, l’exploitation des mineurs dans les réseaux devient « une circonstance aggravante ».
L’accès aux messageries cryptées sorti du texte
Le sujet sensible de l’obligation faite aux plateformes de messageries cryptées, comme WhatsApp ou Signal, de communiquer les correspondances des narcotrafiquants, a été supprimé lors de la commission mixte paritaire. Portée au Sénat par un amendement du président de la commission de la défense et des affaires étrangères, Cédric Perrin (LR), la disposition visait à contraindre les messageries cryptées à donner les clés de déchiffrement aux services de renseignement afin d’accéder aux correspondances et données des narcotrafiquants. Cet accès était limité aux échanges faisant l’objet « d’une autorisation spécifique de mise en œuvre des techniques de recueil de renseignement », après avis de la CNCT (commission nationale de contrôle des techniques de renseignement). La mesure avait fait l’objet d’une levée de boucliers à l’Assemblée nationale, de la part des groupes de gauche, Ensemble pour la République, et même le Rassemblement national.
« Les forces de l’ordre sont toujours demandeuses d’outils supplémentaires. Mais on ne peut pas les accorder par principe au détriment des libertés publiques », avait justifié de son côté le co-rapoorteur du texte, Jérôme Durain.
Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau assure, lui, que le sujet reste sur la table ». La mesure devrait réapparaître dans une nouvelle proposition de loi du Sénat sur le Renseignement, comme nous l’indiquions ici.
Une autre mesure supprimée en CMP : la procédure d’injonction pour richesse inexpliquée inscrite initialement dans la proposition de loi. « Les députés ont trouvé que la procédure n’était pas assez bordée juridiquement », avait expliqué Jérôme DUrain. La procédure d’injonction pour richesse inexpliquée avait pour but d’obliger les personnes suspectées de trafic de stupéfiants ou de complicité, à s’expliquer sur tout écart manifeste entre leurs revenus et leur train de vie.
Expulsion du logement social
D’autres mesures ont particulièrement été mises en avant par le ministre de l’Intérieur. Ainsi le préfet de police pourra interdire à des personnes « participant à ces activités » de paraître sur les points de deal pour une durée maximale de 1 mois. L’Etat pourra aussi se substituer au bailleur social public ou privé pour enclencher une procédure d’expulsion d’un occupant s’il constate « des agissements en lien avec des activités de trafic de stupéfiants ». La fermeture administrative de commerces soupçonnés de blanchiment sera également possible, mais à la main des préfets et non aussi des maires, comme l’avait introduit le Rassemblement national à l’Assemblée.