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Narcotrafic : « Le garde des Sceaux semble avoir suivi de près nos auditions », note le rapporteur de la commission d’enquête sénatoriale

Nouveau statut de repenti, nouveau parquet national anticriminalité organisée (PNACO), nouveau crime « d’association de malfaiteurs en bande organisée »… Le garde des Sceaux a annoncé plusieurs pistes pour lutter contre le « haut du spectre » du narcotrafic. Des annonces qui s’inspirent largement des travaux de la commission d’enquête sénatoriale qui remettra son rapport le 14 mai.
Simon Barbarit

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C’est ce qui s’appelle se faire couper l’herbe sous le pied. A 15 jours de la remise du rapport et des recommandations de la commission d’enquête sénatoriale sur le narcotrafic, Éric Dupond-Moretti a distillé dans la presse plusieurs pistes de réformes déjà largement traitées lors des auditions des élus. « Ce sujet mérite mieux qu’une approche politicienne. Mais tant mieux si le travail sénatorial a mis en avant ces questions dans le débat public », philosophe Jérôme Durain, le président PS de la commission.

Le rapporteur LR, Etienne Blanc fait lui aussi contre mauvaise fortune bon cœur. « Le garde des Sceaux semble avoir suivi de près nos auditions lorsqu’elles étaient publiques. Ça valorise le travail parlementaire. Dotés de pouvoirs d’investigation, nous avons pu mettre en lumière la faiblesse des dispositifs existants ».

Nouveau statut du repenti

Parmi ces dispositifs, Éric Dupond Moretti a annoncé la création d’un nouveau statut de repenti inspiré des lois italiennes contre la mafia. « Des personnes impliquées dans des délits ou des crimes pourront intégrer ce statut, à condition d’avoir collaboré avec la justice en ayant fait des déclarations sincères, complètes et déterminantes pour démanteler des réseaux criminels », précise-t-il dans les colonnes de la Tribune du dimanche. (lire notre article). Une piste que le ministre avait déjà évoquée lors de son audition devant les sénateurs.

Rien de vraiment audacieux pour Jérôme Durain qui ne peut s’empêcher de faire remarquer que les lacunes du système actuel du statut de repenti avaient été mises en exergue dans un rapport accablant remis aux ministères de l’Intérieur et de la Justice en février 2023 par Bruno Sturlèse, à l’époque président de la Commission nationale de protection et de réinsertion (CNPR). Son successeur, Marc Sommerer avait fait le même diagnostic devant la commission d’enquête il y a quelques semaines.

Un nouveau parquet national anticriminalité organisée, le « PNACO », « viendra renforcer notre arsenal judiciaire pour mieux lutter contre la délinquance du haut du spectre », a également annoncé le garde des Sceaux, précisant qu’il ne s’agissait pas de « dévitaliser les JIRS (juridictions interrégionales spécialisées dans la lutte contre la criminalité et la délinquance organisées) auxquelles « de nouveaux moyens humains supplémentaires dédiés ».

Nouveau crime d’« association de malfaiteurs en bande organisée »

A l’instar des cours d’assises spéciales, composées uniquement de magistrats professionnels et qui se voient confier les affaires de trafics de stupéfiants en bande organisée, Éric Dupond-Moretti propose que les affaires de règlements de comptes entre trafiquants ne soient plus jugées par les cours d’assises ordinaires, composées de magistrats professionnels et de jurés. Car ces derniers « peuvent être l’objet de pression et être menacés ». « Je souhaite donc que la logique qui a permis la création d’une cour d’assises spécialement composée pour le trafic de stupéfiants s’applique quand ces trafiquants commettent des crimes, des assassinats. Cela permettra d’éviter les pressions et les menaces sur les jurés citoyens qui doivent juger ces assassinats », relève-t-il.

Le ministre entend aussi créer dans le Code pénal un crime d’« association de malfaiteurs en bande organisée », passible de 20 ans de réclusion. L’infraction d’association de malfaiteurs est punie de 10 ans contre 30 ans pour l’infraction d’association de malfaiteurs en matière terroriste. « Mais entre les deux, il n’y a rien. Résultat, une association de malfaiteurs pour importer de la cocaïne de Colombie est punie de dix ans au maximum. Désormais, je souhaite qu’elle soit punie du double », souligne-t-il.

« Ce combat ne devrait pas être mené à plusieurs voix »

Là encore, on peut trouver ces préconisations dans les auditions de la commission d’enquête. En mars dernier, les magistrats du tribunal judiciaire de Marseille, avaient plaidé pour des peines et juridictions « spéciales », calquées sur les procès contre les terroristes, face à la complexité des grilles de lecture et « la peur des jurés ».

Une audition qui avait provoqué les remontrances du ministre après avoir entendu les magistrats décrire une « narco-ville » et craindre « perdre la guerre contre les trafiquants à Marseille ». Etienne Blanc avait alors accusé Éric Dupond-Moretti de « subordination de témoins ».

Ces annonces contre le narcotrafic pourraient faire l’objet d’un projet de loi présenté en octobre à l’occasion des 20 ans des JIRS, après des concertations menées par l’ancien procureur national antiterroriste Jean-François Ricard, nommé il y a quelques jours conseiller spécial du ministre. Union syndicale des magistrats (USM) a salué les mesures prévues. Son président, Ludovic Friat estime qu’ « il nous faut une juridiction spécialisée ». « Nous sommes face à une menace qui nécessite un autre dimensionnement de la police judiciaire et de la justice », a-t-il déclaré à franceinfo.

« Tout ce qui va dans le sens de la lutte contre le narcotrafic est une bonne chose. Mais ce combat ne devrait pas être mené à plusieurs voix. Nous avons vu le ministre de l’Intérieur communiquer à outrance sur les opérations ‘’Place nette’’. Maintenant le ministre de la Justice fait ces annonces. De notre côté, le 14 mai (date de la remise du rapport) nous aurons un temps privilégié pour présenter une approche globale que nécessite cette politique publique », conclut Jérôme Durain.

 

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