Il y a un an, quand Rachida Dati était entrée au gouvernement Attal, Francis Szpiner avait quitté le groupe « Changer Paris » du Conseil de Paris, où siège l’actuelle ministre de la Culture, afin de créer son propre groupe : « Les Républicains et Centristes – Demain Paris ! » (voir notre article). L’ancien maire du XVIème arrondissement déclare ce jeudi officiellement sa candidature dans Le Parisien, en renvoyant Rachida Dati à un statut de « candidate du macronisme. » Mais les choses ne sont peut-être pas si simples. Depuis l’entrée de la maire du VIIème arrondissement au gouvernement, les cartes ont effectivement été brouillées au sein de l’opposition à la majorité municipale d’Anne Hidalgo.
Catherine Dumas, sénatrice LR qui a co-présidé le groupe « Changer Paris » avec Rachida Dati de 2020 à 2024 rappelle qu’à l’époque, le groupe rassemblait la cinquantaine de Conseillers de Paris d’opposition et que « tout ça fonctionnait très bien. » C’est bien l’entrée de Rachida Dati au gouvernement qui a donné l’impression d’un « grand écart difficile à tenir », précise la sénatrice de Paris. « Cela paraissait difficile d’être ministre d’un gouvernement, très macroniste à l’époque, et cheffe de file des LR à Paris », précise-t-elle.
« On a tous le même but : gagner Paris »
Depuis, les scissions se sont multipliées et actuellement, au Conseil de Paris, l’opposition de droite et du centre à la majorité de gauche est divisée en trois groupes : celui de Francis Szpiner compte 16 conseillers, celui de Rachida Dati 19 tandis qu’un autre groupe (« Union Capitale – Rassemblement des Républicains, Centristes, Progressistes, Écologistes et Indépendants », le plus nombreux avec 22 conseillers) rassemble des membres d’Horizons comme Pierre-Yves Bournazel ainsi que des membres de LR, dont les sénatrices Agnès Evren, la présidente de la fédération de Paris, Catherine Dumas et Marie-Claire Carrère-Gée.
Une division qu’il ne faut pas exagérer, tempère Catherine Dumas : « La candidature de Francis Szpiner ne nous prend pas par surprise, dont acte. Nous travaillons tous ensemble au Sénat [Francis Szpiner, Catherine Dumas, Agnès Evren et Marie-Claire Carrère-Gée, ndlr], tout comme nos deux groupes au Conseil de Paris. On a tous le même but : gagner Paris. » Du côté d’Horizons, on confirme de même des « échanges républicains » avec Francis Szpiner, alors que Pierre-Yves Bournazel siège avec les trois sénatrices LR de Paris au groupe « Union Capitale. »
Plutôt que la division à proprement parler, qui pourrait être réglée entre les deux tours, c’est la confusion qui semble freiner pour le moment la droite parisienne. « Rachida Dati n’est plus membre des Républicains. Donc si elle demandait à ma famille politique d’être notre candidate, je ne suis pas sûr que cette démarche recueille un accueil favorable », lâche Francis Szpiner en déclarant sa candidature dans Le Parisien, renvoyant ainsi à une décision ultérieure de la Commission nationale d’investiture (CNI).
Rachida Dati investie par LR ? « Tout est envisageable à Paris »
Membre de cette fameuse CNI, Catherine Dumas admet que « cela pourrait poser un problème » pour LR d’investir une candidate qui n’a pas sa carte au parti, tout en ajoutant : « Tout est envisageable à Paris, c’est à Rachida Dati de tendre la main. » En janvier dernier, Agnès Evren avait d’ailleurs appelé « toute la droite parisienne » à se rassembler derrière la ministre de la Culture, qui augmente la fréquence de ses réunions publiques et autres « ateliers de concertation » lancés en décembre dernier. De son côté, Pierre-Yves Bournazel a déjà été lancé dans la course par Edouard Philippe et prépare sa candidature sous la bannière Horizons en multipliant les groupes de travail composés « d’experts citoyens ».
Il reste plus d’un an au « socle commun » pour démêler l’imbroglio que constituent pour le moment les élections municipales parisiennes. Si plusieurs candidatures venaient à se cristalliser, cela ne représenterait pas un problème majeur dans le mode de scrutin des municipales, qui permet à toute liste ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés de fusionner avec une liste qui se maintient au deuxième tour (plus de 10 % des suffrages exprimés).
Pour autant, beaucoup d’incertitudes subsistent. Interrogé sur RTL ce jeudi matin à propos de la candidature de Francis Szpiner, Gérard Larcher a lui aussi botté en touche en renvoyant à la décision de la CNI : « Francis Szpiner viendra devant une CNI, chaque chose en son temps. En ce moment, on a besoin d’être calme. » Pour le moment, aucune date ni procédure n’ont été arrêtées pour investir un ou une candidate à Paris du côté de LR, et pour cause : le mode de scrutin n’est pas encore connu.
Des investitures suspendues aux débats parlementaires sur la réforme de la loi « PLM »
Mercredi, la proposition de réforme de la loi dite « PLM » déposée l’an dernier par les députés Renaissance de Paris Sylvain Maillard et David Amiel (voir le dossier législatif) devait initialement passer devant la commission des Lois de l’Assemblée nationale, mais son examen a été annulé. Dans le système actuel, les électeurs de Paris, Lyon et Marseille élisent uniquement le conseil d’arrondissement, qui envoie un certain nombre d’élus au conseil municipal afin d’élire dans un second temps le maire de la ville. Le but serait d’en finir avec cette anomalie en faisant élire le maire directement par les citoyens à Paris, Lyon et Marseille comme dans les autres communes françaises (voir notre article).
Cette réforme du mode de scrutin, dans les tuyaux depuis des années, semble aujourd’hui au point mort alors que François Bayrou, après s’être engagé dans sa déclaration de politique générale, a amendé sa position en précisant que la réforme ne se ferait pas sans l’accord du Sénat. « Il y a un problème de méthode : aujourd’hui je constate qu’il n’y a pas de consensus. […] Je pense qu’il est tard. Quand le texte viendrait éventuellement au Sénat, nous serions à dix mois des élections municipales, méfions-nous de tordre trop les règles », répond Gérard Larcher sur RTL ce matin. « Gérard Larcher a repris personnellement le dossier, et il est contre, comme 80 % du Sénat », précise Catherine Dumas.
Or, le mode de scrutin change l’équation politique et donc la décision du parti concernant la désignation du ou de la candidate de la droite, explique la sénatrice de Paris : « Avec le mode de scrutin qu’on voudrait nous imposer, c’est la notoriété qui va jouer, puisqu’une personne conduirait une liste composée de gens qui ne sont pas forcément rattachés à un territoire. Dans le mode de scrutin actuel, il y a le poids des arrondissements qui compte davantage et qui favorise ceux qui travaillent le terrain. » En l’état actuel, donc, difficile pour la droite parisienne de s’avancer sur les candidatures Szpiner, Dati ou autres. « Tant qu’il y a une discussion parlementaire sur le mode de scrutin, on est très loin des questions d’investitures. Prenons le temps de regarder la situation », conclut Catherine Dumas. À un peu plus d’un an du premier tour, il ne faudra pas non plus attendre trop longtemps.