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Montebourg souhaite renationaliser les autoroutes, mais à quel coût et de quelle manière ?
Par Romain David
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Instaurer le référendum d’initiative populaire, construire 300 nouvelles usines, organiser le rachat par l’État d’un million de logements inhabités… Arnaud Montebourg a égrené les propositions samedi 4 septembre, à l’occasion de l’annonce de sa candidature à la présidentielle. Parmi elles : une renationalisation des sociétés concessionnaires d’autoroutes, laissées à des opérateurs privés en 2005. L’ancien ministre du Redressement productif entend « organiser la fin du pétrole en France d’ici 20 ans » : « L’objectif est d’utiliser les dividendes réalisés grâce aux péages pour financer des alternatives à la voiture », détaille le sénateur socialiste Jean-Claude Tissot, l’un des soutiens d’Arnaud Montebourg.
Ramener les autoroutes dans le giron de l’État par le rachat des contrats de concession ? L’idée n’est pas nouvelle. En 2014, elle est défendue par Nicolas Dupont-Aignan dans une tribune publiée par le Huffington Post. En 2019, cette renationalisation fait même l’objet d’une proposition de loi – rejetée – déposée par la sénatrice de Seine-Saint-Denis Éliane Assassi et les membres du groupe communiste. Mercredi, c'est Marine Le Pen qui a fait sienne cette idée dans un entretien au Figaro. « Cette proposition est souvent formulée à gauche. Il faut reconnaître qu’elle est tentante parce que les contrats passés entre l’État et les concessionnaires historiques n’ont pas vraiment été révisés et ne sont pas adaptés au privé », pointe le sénateur centriste Vincent Delahaye, lui-même rapporteur d’une commission d’enquête de la chambre haute sur « le contrôle, la régulation et l’évolution des concessions autoroutières ».
Des concessions (trop) rentables
En 2005, Dominique de Villepin, Premier ministre de Jacques Chirac, conclut la privatisation des autoroutes de France pour 14,8 milliards d’euros. Cette opération a notamment permis à l’État de se délester des 16,8 milliards d’euros de dettes détenus par les sociétés concessionnaires historiques du réseau. Ces dernières sont alors passées aux mains de trois grands groupes : Vinci (ASF et Cofiroute), Eiffage (APRR) et Abertis (Sanef). « Ça n’a pas été une bonne décision de confier au privé ces autoroutes tout à fait rentables, uniquement pour faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État. On peut dire qu’on a vendu une partie des bijoux de famille », regrettait en janvier 2020, auprès de Public Sénat, Alain Fouché (ancien sénateur Les Indépendants de la Vienne), alors vice-président de la commission d’enquête sénatoriale.
Dans ses conclusions, le rapport du Sénat pointe l’hyper-rentabilité des concessions du point de vue des actionnaires, pour la période allant de 2020 à 2036, terme des contrats. Si au moment de la privatisation les estimations tablaient sur une rentabilité atteinte vers 2030, les dividendes versés pourraient atteindre après 2022 quelque 40 milliards d’euros (dont 32 milliards pour les seuls groupes Vinci et Eiffage). « Autrement dit la durée de ces concessions serait trop longue d’environ 10 ans », lit-on sous la plume des sénateurs.
Une renationalisation entre 45 et 50 milliards d’euros
Pour autant, Vincent Delahaye écarte le scénario d’un rachat anticipé des concessions par l’État, estimé entre 45 et 50 milliards d’euros par Bercy. « Il y a d’autres priorités, comme le remboursement de la dette ! », argue-t-il à l’idée d’une telle dépense. « Comment a été établi ce chiffre ? Avec quels interlocuteurs ? Tout est sujet à négociation », lui oppose Jean-Claude Tissot. « Le chiffre juste de cette nationalisation sera le chiffre le plus bas possible. L’indemnisation de principe est posée, mais il n’est pas question de ne pas prendre en compte les profits réalisés », expliquait mardi, au micro de France Inter, le candidat Montebourg. Quant aux éventuels obstacles juridiques, sa réponse est toute trouvée : « Le Parlement a le pouvoir dans la Constitution de nationaliser ce qu’il entend. »
« L’État est aujourd’hui capable d’emprunter les sommes nécessaires à des taux très bas, voire négatifs. Les contrats sont peut-être verrouillés, mais il faut que le politique reprenne la main ! », abonde Éric Bocquet, sénateur communiste du Nord. Cet élu se sent « parfaitement en phase avec ce principe de renationalisation ». Également membre de la commission d’enquête sénatoriale, il s’est toutefois abstenu au moment du vote du rapport, estimant que l’hypothèse d’une renationalisation avait été balayée trop rapidement. « Tout le monde s’accorde à dire que la privatisation a été une erreur, même les libéraux, et pourtant on s’est arrêtés au milieu du gué. »
Gérer et entretenir le réseau : une charge trop lourde pour l’Etat ?
La conclusion du rapport propose notamment la mise en place de nouvelles concessions, une fois les contrats actuels arrivés à terme, mais limitées dorénavant à 15 ans avec une clause de revoyure tous les 5 ans, « permettant de réviser les tarifs ou la durée de la concession en cas de surrentabilité ». Car pour Vincent Delahaye, l’État n’a plus nécessairement le luxe de se passer des opérateurs privés. « Il faut reconnaître le savoir-faire des prestataires au regard de la qualité du réseau autoroutier. Je ne sais pas si l’État serait capable d’en faire autant… »
Le sénateur Éric Bocquet reconnaît que la proposition d’Arnaud Montebourg n’a de sens que si elle s’inscrit au sein « d’un projet politique global ». « Les politiques de modernisation de l’action publique se sont traduites par une perte de moyens ces dernières années. Reprendre en charge les autoroutes pose de nombreuses questions », concède-t-il. « Il faudra certainement remuscler l’administration des Transports. » Jean-Claude Tissot se veut plus optimiste : « Il suffit d’une volonté politique. Je ne vois pas pourquoi l’État ne serait pas capable de réaliser les mêmes choses que Vinci. »