FRA – ASSEMBLEE – QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

Ministres et maires : « C’est la volonté de ne pas être associé à l’image distante et déconnectée du Président », pour Philippe Moreau-Chevrolet

Cinq ministres du nouveau gouvernement sont également à la tête d’un exécutif local. Si la loi les autorise à conserver leurs mandats, ils rompent ainsi avec une pratique instaurée sous Lionel Jospin, non sans connaitre quelques accrocs.
Simon Barbarit

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Ministre ou maire, il faut choisir. Cette règle non écrite a été plus ou moins bien suivie ces 25 dernières années. Et on peut dire que la nomination du gouvernement Barnier l’a sérieusement remise en cause. Avant sa nomination, seule Rachida Dati avait choisi de conserver la mairie du VIIe arrondissement de Paris, lorsqu’elle avait été nommée, pour la première fois, ministre de la Culture, en janvier dernier. Nommée ministre du Travail, de la Santé et des solidarités dans le gouvernement Attal, Catherine Vautrin, avait, elle, démissionné de la présidence du Grand Reims.

Aucune obligation de démissionner

Avec le nouveau gouvernement Barnier, ils sont désormais 5 à conserver la tête d’un exécutif local. Le ministre délégué à la Sécurité du quotidien, Nicolas Daragon reste maire de Valence. Fabrice Loher, ministre de la Mer conserve la mairie de Lorient et président de Lorient Agglo. Même chose pour le ministre des Sports), Gil Avérous qui se maintient à la présidence de Châteauroux Métropole, il laisse toutefois planer le suspense sur son intention de conserver la mairie de Châteauroux qu’il occupe depuis 10 ans. Le ministre des Transports, François Durovray a lui indiqué qu’il resterait président du conseil départemental de l’Essonne.

« Si les ministres ne peuvent conserver leurs mandats de députés pour ne pas créer une confusion entre les pouvoirs exécutif et législatif, ils n’ont aucune obligation concernant leur mandat d’exécutif local. Ils se consacrent à leurs fonctions ministérielles et délèguent certaines responsabilités locales à leur premier adjoint. Les ministres maires ont même l’avantage d’être enracinés, car on a pu percevoir lors des derniers gouvernements d’Emmanuel Macron une forme de déconnexion des membres du gouvernement », analyse Pascal Perrineau, professeur des Universités associé au CEVIPOF.

L’exemple ultime est celui de Jacques Chirac qui conserva son mandat de maire de Paris lorsqu’il fut nommé Premier ministre en 1986.

La règle voulant qu’un ministre quitte sa mairie remonte à Lionel Jospin. En 1997, le Premier ministre avait demandé à chaque membre de son gouvernement de démissionner de leurs mandats de maire ou d’exécutif local. Le quinquennat de Nicolas Sarkozy signera lui le grand retour des ministres maires, Xavier Darcos à Périgueux, Éric Woerth à Chantilly, Hervé Morin à Epaignes dans l’Eure ou encore Éric Besson à Donzères dans la Drome.

« Montrer un gouvernement au travail et qui ne se consacre qu’à sa tâche »

En 2012, la gauche revient au pouvoir, et François Hollande formalise la consigne en l’inscrivant dans « une charte de déontologie » que doivent signer ses ministres. Il s’agissait d’ailleurs d’un de ses engagements de campagne tirée de sa célèbre anaphore d’entre deux tours. « Moi président de la République, les ministres ne pourront pas cumuler leur fonction avec un mandat local, parce que je considère qu’ils devraient se consacrer pleinement à leur tâche ». La règle avait toutefois souffert d’une exception en la personne de Jean-Yves le Drian. Le ministre de la Défense avait fait campagne puis occupé brièvement la présidence du conseil régional de Bretagne de 2016 à 2017.

« Ils ne veulent pas se retrouver sans rien »

« L’idée de Hollande, c’était de montrer un gouvernement au travail et qui ne se consacre qu’à sa tâche », souligne Philippe Moreau-Chevrolet, enseignant en communication politique à Sciences Po Paris et co-fondateur de l’agence MCBG conseil. Cette image, c’est un serpent de mer pour tous les Présidents, en réalité. Nicolas Sarkozy avait eu l’idée de noter l’action de ses ministres. Emmanuel Macron avait, jusqu’ici, adopter un style managérial en leur mettant la pression. Nous assistons aujourd’hui à un retour de balancier assez naturel. Le souffle de 2017 qui a porté Emmanuel Macron proposait de renouveler la vie politique. Ça a été assez mal ressenti par les Français avec le sentiment d’avoir un Parlement composé d’amateurs. Il y a une volonté de la part des politiques de ne pas être associé à l’image distante et déconnectée du chef de l’Etat, qui n’a jamais exercé de mandat local, d’où cette nécessité de montrer qu’ils sont attachés à leurs territoires. C’est le retour au réel. D’ailleurs, on en a vu certains, comme Didier Migaud ou Agnès Pannier-Runacher refuser publiquement d’endosser des décisions impopulaires, de menacer de démissionner si leur budget était réduit. C’est une nouveauté. Le président n’a plus les moyens d’exiger quelque chose de ses ministres qui ont bien compris que leurs fonctions étaient temporaires », ajoute-t-il.

Aux élections municipales de 2020, élu dès le premier tour à la mairie de Tourcoing, Gérald Darmanin avait fini par plier. Après plusieurs semaines, il s’était résolu à démissionner. En septembre 2022, plusieurs ministres avaient d’ailleurs laissé perdurer cette situation de cumul. Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu avait lui attendu quelques mois avant de quitter la présidence du département de l’Eure. Une situation qui avait inspiré au sénateur LR, Olivier Paccaud une proposition de loi constitutionnelle visant à « déterminer le régime de l’incompatibilité entre fonctions de membre du Gouvernement et fonctions exécutives locales ».

Pascal Perrineau évoque un dernier « élément conjoncturel » qui explique le refus des ministres maires de mettre fin à leur mandat. « C’est un gouvernement fragile. Après une motion de censure, ils ne veulent pas se retrouver sans rien et être obligés de négocier pour retrouver leurs fonctions locales ».

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