Menton : French PM visit on the subject of border controls and illegal immigration

Michel Barnier veut faire de l’immigration « une question d’intérêt commun à tous les Etats européens »

Le Premier ministre Michel Barnier et son ministre de l’intérieur Bruno Retailleau étaient à la frontière italienne ce vendredi pour une rencontre avec deux ministres du gouvernement de Giorgia Meloni. Il a plaidé pour une transposition rapide en droit français du pacte sur les migrations et l’asile et veut aussi accélérer sur la réforme de la directive retour de 2008.
Simon Barbarit

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Pour ceux qui n’aurait pas encore compris, Michel Barnier a confirmé encore une fois, ce vendredi, qu’il a mis le dossier de l’immigration en tête de ses priorités. Après l’annonce de l’abrogation de la circulaire Valls et d’une nouvelle loi prévue pour l’année prochaine par le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau la semaine dernière, le locataire de Beauvau accompagnait ce vendredi, le Premier ministre dans l’un de ses premiers déplacements à l’étranger.

Michel Barnier était à Menton (Alpes-Maritimes) pour une « réunion de travail » avec deux ministres du gouvernement italien associant la droite et l’extrême droite de Giorgia Meloni, Antonio Tajani (Affaires étrangères) et Matteo Piantedosi (Intérieur) avant de se rendre à Vintimille en Italie, autre point de passage pour l’immigration illégale.

Lors d’un point presse depuis Menton, le Premier ministre a estimé qu’en matière d’immigration, les Français « attendait une politique efficace, digne et ferme ».

Prolongation des contrôles aux frontières intérieures

L’année dernière, la frontière italienne avait été au cœur des critiques visant la France, accusée de ne pas respecter le règlement européen dit code frontières Schengen selon lequel le droit de l’UE assure « l’absence de tout contrôle des personnes aux frontières intérieures, quelle que soit leur nationalité, lorsqu’elles franchissent les frontières ». En 2015, avec la COP 21, la France avait rétabli le contrôle à ses frontières. Pendant neuf ans, la France avait notifié, tous les 6 mois, à la Commission européenne sa décision de procéder à ces contrôles. En septembre 2023, la Cour de Justice de l’Union européenne avait alors épinglé la France en rappelant « l’obligation pour les États membres, d’appliquer les garanties juridiques minimales prévues par la directive européenne dite « retour aux personnes qui sont interpellées à la frontière intérieure, afin que leurs droits fondamentaux soient respectés ». Quelques mois plus tard, le Conseil d’Etat suivait la CJUE en rendant inapplicable un article du Ceseda (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) qui permettait aux autorités françaises de refouler en quelques heures les étrangers en situation irrégulière sans accord de réadmission avec les autorités italiennes.

Une décision avait été fustigée par la droite. « Il est évident qu’il sera impossible de protéger la frontière », avait fait valoir François-Xavier Bellamy, à l’époque tête de liste LR aux Européennes, en déplacement sur place. « Le gouvernement vient de notifier à la Commission la prolongation de ces contrôles », a annoncé Michel Barnier, rappelant que l’année dernière, « ces contrôles avaient permis les autorités françaises à prononcer 70 000 refus d’entrée sur le territoire ».

« Une réforme du code Schengen permet désormais à un Etat membre de transférer les ressortissants de pays tiers appréhendés dans une zone frontalière vers l’Etat membre d’où ils sont directement arrivés, s’il existe un accord bilatéral entre ces deux Etats », précise Tania Racho, docteure en droit européen et chercheuse associée à l’Université Paris-Saclay.

En mai, les 27 adoptaient le Pacte sur la migration et l’asile qui n’entrera en application en 2026 « Si l’on veut que le Pacte Asile Immigration s’applique en France, il faut une loi pour le transposer. Ce Pacte justifie une nouvelle loi », a précisé Michel Barnier qui souhaite accélérer sa mise en œuvre. « Le Pacte prévoit de nouveaux motifs pour traiter les demandes d’Asile en procédure accélérée, il faudra les traduire dans notre droit national, il permet de simplifier nos procédures contentieuses, de retirer le bénéfice d’allocation et d’hébergement aux demandeurs d’asile qui sont déjà sous procédure d’asile dans un autre Etat européen », a-t-il cité.

En attendant le gros sujet pour les Etats membres, porte sur la réforme « directive retour » de 2008. « Il y a quelques jours, les 27 ministres de l’intérieur se sont réunis. Et ce que nous a dit Bruno Retailleau c’est qu’une même ligne s’est dégagée pour consolider les règles juridiques afin d’accélérer les retours. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a d’ailleurs présenté un texte en ce sens. Il y a une prise de conscience au niveau européen pour fluidifier les retours des migrants d’opportunité », souligne Jean-François Rapin, président LR de la commission des affaires européennes du Sénat. Michel Barnier a indiqué qu’il souhaitait une proposition de texte « pour le premier trimestre 2025 ». « Nous souhaitons que cette question de l’immigration soit une question d’intérêt commun de tous les Etats européens », a-t-il appuyé.

Michel Barnier écarte l’idée d’un « hub de retour »

Parmi les points controversés qui entoure cette réforme à venir, figure la création de centres d’accueil (« hubs de retour ») dans un pays tiers, à l’image de ce que fait l’Italie avec l’Albanie. « Je ne crois pas que cet exemple soit transposable », a estimé, Michel Barnier, depuis Menton. « Nous allons coopérer encore plus avec les pays de transit ou les pays de départ. C’est ce que fait d’ailleurs l’Italie avec le soutien de l’Union européenne, avec la Libye ou avec la Tunisie, et nous allons coopérer avec ces pays ». Jean-François Rapin abonde : « La coopération entre l’Italie et la Tunisie avait plutôt bien fonctionné ».

Matthieu Tardis, codirecteur de Synergie Migration (centre de recherche sur les questions d’asile, d’immigration et d’inclusion) rappellent que « ces hubs nécessitent un accord avec un pays tiers, ils coûtent très cher comme on a pu le voir avec le projet britannique au Rwanda abandonné depuis, ça ne règle pas la question des retours des personnes dans leur pays. Il y a en ce moment une forme de frénésie au sein de L’Union à vouloir prendre des décisions sur des questions migratoires alors que des règlements ne sont pas encore entrés en vigueur. Le Pacte Asile Immigration a été adopté le 14 mai, et le 17, quinze Etats membres demandaient à la Commission européenne d’examiner une réforme de la directive retour ».

« En ce qui concerne les retours, l’enjeu ce sont les laissez-passer consulaires qui ne sont pas délivrés par le pays d’origine ou des relations diplomatiques inexistantes. Les hubs seraient simplement des structures symboliques et très dangereuses pour ceux qui seront détenus. Vous avez en Europe, environ 300 000 passages clandestins par an, soit 0, 07 % de la population européenne. A titre de comparaison, en 2005, l’Espagne avait régularisé 500 000 personnes. On a suffisamment de recul maintenant pour constater que c’était gérable », appuie Tania Racho.

« Le hub en Albanie va coûter 180 millions par an à l’Italie. Est-ce que c’est si cher si vous mettez cette somme en comparaison avec ce que coûte à la France l’immigration illégale ? Dans mon département le Pas-de-Calais, par exemple, 1700 effectifs de gendarmerie et de police nationale sont mobilisés dans la lutte contre l’immigration irrégulière », répond Jean-François Rapin.

Les crédits liés à la lutte contre l’immigration irrégulière devraient d’ailleurs baisser de « 103 millions d’euros » par rapport à 2024. « Mon budget globalement augmente de 752 millions d’euros », a fait valoir Bruno Retailleau qui précise que des économies sont à trouver dans la simplification des procédures, notamment dans les traitements des demandes d’Asile.

 

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