Paris: weekly session of questions to the government

Menace de Marine Le Pen de voter la censure : « Un coup de bluff », pense François Patriat

Reprochant à Michel Barnier de ne pas tenir compte des « lignes rouges » du RN sur le budget, Marine Le Pen agite la menace d’un vote d’une motion de censure par les députés d’extrême droite. Elle insiste notamment sur la hausse « inadmissible » des taxes sur l’électricité. « Ils font ça pour augmenter les enchères », selon le président du groupe RDPI du Sénat, François Patriat. « On n’est pas dans une cour de récréation, à dire si tu ne fais pas ça, je fais ça », tance le sénateur LR Cédric Vial.
François Vignal

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Cap ou pas cap ? La menace est agitée par les troupes du RN depuis quelque temps. Ce coup-ci, c’est la patronne qui s’y met. S’ils ne sont pas écoutés sur le budget, les députés du Rassemblement national sont prêts à voter la censure du gouvernement Barnier, ce qui le ferait tomber.

« Nous n’accepterons pas que le pouvoir d’achat des Français soit encore amputé. C’est une ligne rouge. Et si cette ligne rouge est dépassée, nous voterons la censure », a prévenu sur RTL ce mercredi l’ancienne candidate à l’élection présidentielle. La députée d’extrême droite, sous la pression d’une partie de l’électorat du RN, demande en particulier « de ne pas alourdir la fiscalité sur les particuliers, de ne pas alourdir sur les entrepreneurs, de ne pas faire payer les retraités, de faire des économies structurelles sur les dépenses de fonctionnement de l’Etat ».

« Or nous n’avons pas été entendus, nous n’avons même pas été écoutés. La preuve en est, Michel Barnier m’invite lundi prochain », pointe la responsable du RN, comme les autres présidents de groupes. Marine Le Pen compte bien « lui dire que l’augmentation de 6 milliards qu’il envisage sur le prix de l’électricité, c’est inadmissible pour nous », « taper sur les entreprises, les retraites, c’est inadmissible ».

« La censure, c’est comme l’arme nucléaire pour Poutine », selon François Patriat

Alors bientôt la fin du gouvernement Barnier ? Michel Barnier lui-même sait bien qu’il est sous la menace d’une épée de Damoclès, depuis sa nomination. « Je ne sais pour combien de temps je suis là », lançait-il le 28 septembre, lors de sa première sortie officielle. Mais depuis, chez les ministres et dans les cabinets, le doute semble s’installer. « D’ici les vacances de Noël, les choses pourraient avoir beaucoup changé. On pourrait même ne plus être là », lance une conseillère ministérielle cette semaine.

Dans le camp macroniste, il y a ceux, comme François Patriat, qui restent sereins. « Je ne crois pas à la censure. Je pense qu’ils font ça pour augmenter les enchères, pour obtenir quelque chose dans le budget sur le pouvoir d’achat. Ils n’ont pas vraiment intérêt à censurer le gouvernement, à être responsables des troubles », pense le président du groupe RDPI (Renaissance) du Sénat, d’autant qu’« ils veulent aujourd’hui se légitimer, se normaliser ». François Patriat résume son sentiment : « Je pense que c’est un coup de bluff ».

« Ils veulent être considérés. Elle va être reçue par le premier ministre, avec les autres présidents de groupes », remarque encore le sénateur Renaissance de la Côte-d’Or, qui ajoute : « Je suis de ceux qui pensent que la censure, c’est comme l’arme nucléaire pour Poutine ». Autrement dit, menacer de l’utiliser, sans forcément avoir l’intention de le faire, pour peser.

« S’ils veulent le faire, ils le feront. On ne va pas se rouler par terre. Mais il faudra l’assumer devant leurs électeurs », lance le sénateur LR Cédric Vial

Cédric Vial, sénateur LR de la Savoie, terre d’élection de Michel Barnier, assure ne pas être impressionné non plus par les menaces du RN. « On sait depuis le début que le RN a cette capacité de le faire. Ce n’est pas une surprise. Après, ils ont un calendrier. Il y a probablement des événements. Il y a ce qu’elle exprime et ce qu’elle n’exprime pas. J’ai aussi entendu Jordan Bardella ou ses proches dire qu’ils ne prendront pas de décision en fonction d’un calendrier judiciaire ou personnel. Je suis relativement confiant », assure ce proche de Michel Barnier.

Surtout, en cas de vote de la censure, la suite serait pleine d’incertitude. « La question, c’est pour quoi faire ? Est-ce qu’ils veulent donner le pouvoir au NFP ? Sont-ils prêts à dire à leurs électeurs que le NFP, c’est mieux que Michel Barnier ? » demande Cédric Vial. « S’ils veulent le faire, ils le feront. On ne va pas se rouler par terre. Mais il faudra l’assumer devant leurs électeurs. Je ne pense pas qu’ils soient prêts à faire ça », pense le sénateur du groupe LR.

« Après, qu’ils demandent à être écoutés, c’est légitime », reconnaît le sénateur LR, « Michel Barnier écoute tout le monde. Par contre, il n’est inféodé à personne ». Et d’ajouter :

 On n’est pas dans une cour de récréation, à dire si tu ne fais pas ça, je fais ça. On est dans un enjeu majeur pour notre pays. 

Cédric Vial, sénateur LR de Savoie.

« La dissuasion nucléaire ne fonctionne que quand on n’utilise pas l’arme atomique. Sinon après, c’est un champ de ruines », souligne Patrick Kanner

Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat, ne croit pas davantage le RN prêt à appuyer sur le bouton rouge. « La dissuasion nucléaire ne fonctionne que quand on n’utilise pas l’arme atomique. Sinon après, c’est un champ de ruines », avance aussi le socialiste.

Si d’aventure le RN veut voter la censure, il ne pourra le faire qu’en cas de recours par le gouvernement au 49.3, très probable pour faire adopter le budget au bout de la procédure parlementaire. Se posera alors la question de l’origine de la motion de censure. « Ce qui est certain, c’est que la gauche ne votera pas une censure déposée par le RN. Après, si les groupes parlementaires du NFP déposent une motion de censure, la question sera de savoir si le RN vote cette censure. C’est un jeu de “je te tiens par la barbichette”. C’est ça l’enjeu », selon l’ancien ministre de François Hollande.

Mais Patrick Kanner pense que le budget n’est pas la seule raison qui agite le RN. « Il y a quelque chose lié au statut judiciaire de Marine Le Pen », remarque le sénateur PS du Nord, qui ajoute :

 Les propos de Marine Le Pen sont circonstanciés. Ça ne vient pas par hasard. C’est juste après la réquisition dans le procès du RN. Est-ce que ça veut dire qu’elle souhaite que le parquet soit influencé ? Mais c’est trop tard, la réquisition est faite. 

Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat.

Reste que « la situation est très tendue. Oui, il y a un risque de censure », constate le président du groupe PS. « Mais la question, c’est pour quoi faire après ? Quelle solution ? » demande Patrick Kanner. Car pour rappel, Emmanuel Macron ne pourra dissoudre à nouveau qu’« au plus tôt le 8 juillet prochain ». Donc si le gouvernement Barnier est renversé, le chef de l’Etat devra renommer un premier ministre. Et rien ne lui interdira sur le principe de renommer Michel Barnier. Ou un autre, mais avec quelle majorité ? « Il y a un changement de ton de l’extrême droite française, qui était faiseur de roi, et qui veut peut-être être faiseur de chaos pour l’avenir », lance Patrick Kanner.

Marine Le Pen « consciente » que Michel Barnier ne peut pas reprendre « toutes » ses demandes

L’entretien lundi entre Marine Le Pen et Michel Barnier sera sûrement décisif. Mais Marine Le Pen n’arrive pas en fixant des lignes rouges inatteignables en réalité. La députée RN du Pas-de-Calais reconnaît elle-même qu’elle n’aura pas gain de cause sur tous ses sujets. « On est bien conscient qu’il ne peut pas tout prendre », reconnaît sur RTL Marine Le Pen, ouvrant déjà la perspective d’une solution sans recours à l’arme nucléaire parlementaire.

Ce qui peut faciliter une baisse de la pression, c’est que ses lignes rouges croisent certaines des autres groupes, comme sur la revalorisation des retraites, sur laquelle Laurent Wauquiez a déjà obtenu gain de cause. Il ne faut pas exclure que Michel Barnier accepte de lâcher sur la hausse des taxes sur l’électricité pour satisfaire le RN, une possibilité. D’autant que les sénateurs LR ont déjà annoncé leur volonté de revenir sur cette hausse de l’électricité, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, qui va commencer lundi au Sénat. Ça tombe bien. Pour trouver une porte de sortie, on peut être plusieurs à pousser la porte.

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