Macron en Nouvelle-Calédonie : au Sénat, le report du Congrès fait « consensus »
Par Alexis Graillot
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Une annonce surprise pour apaiser les tensions ? Alors que le climat semble s’apaiser en Nouvelle-Calédonie, Emmanuel Macron a fait part de sa décision de se rendre sur l’archipel, sur en compagnie notamment du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, du ministre des Armées, Sébastien Lecornu, et de la ministre déléguée aux Outre-Mer, Marie Guévenoux.
Une annonce saluée par l’ensemble de la classe politique, en premier lieu par les principaux intéressés. « C’est une bonne nouvelle » et un « signe encourageant », se réjouit Vaimu’a Muliava, membre du gouvernement calédonien sur BFMTV. « J’espère qu’il fera des annonces pour renforcer le début du calme qui s’opère et ramener la paix », a notamment déclaré l’élu.
« Un signal politique fort »
Du côté des socialistes, on se montre satisfait de la reprise en main du dossier calédonien par le président de la République : « « Je suis satisfaite, c’est un signal politique fort, et c’est ce que nous demandions depuis plus d’un an. J’étais à Matignon vendredi, et l’on voyait bien que le Premier ministre s’en référait constamment au président de la République », souligne Viviane Artigalas, sénatrice des Hautes-Pyrénées.
Même son de cloche du côté du président du groupe, Patrick Kanner, qui, s’il salue une « nouvelle d’apaisement », ne cache pas son agacement face au retard à l’allumage de l’exécutif : « Cela fait des semaines que nous réclamons la création d’une commission. (…) Il faut arrêter cette dégradation, ce délitement de la situation locale. Il prend ses responsabilités mais s’il nous avait écouté plus tôt … », soupire l’ancien ministre des Sports, qui estime qu’il est « temps d’appuyer sur le bouton pause ». « « Que le président de la République joue les Messieurs bons offices, c’est un peu tard », regrette-t-il cependant.
Du côté de la droite, on partage le point de vue de la symbolique de cette visite, même si la situation semble aujourd’hui s’apaiser quelque peu : « Eu égard à la teneur des événements, quand bien même il semble que l’ordre commence à être rétabli, il était important qu’il [Emmanuel Macron] se déplace », explique pour sa part Agnès Canayer, sénatrice de Seine-Maritime, rattachée au groupe LR. Pour celle qui est aussi secrétaire de la commission des lois, « quand il y a une telle situation, il est important que les plus hautes autorités s’investissent ».
« En quelques jours, ce gouvernement a cassé 40 ans d’histoire et de paix en Nouvelle-Calédonie »
Pour autant, la pilule est quelque peu difficile à avaler pour les élus du palais du Luxembourg, face à un exécutif qui a tardé à réagir : « Traiter cette question uniquement sous l’angle constitutionnel et sécuritaire n’était pas tenable. C’est un dossier transversal et nous avons besoin d’un accord politique global avec des perspectives économiques », défend Viviane Artigalas. « Nous devons retrouver les voix du dialogue telles qu’elles avaient été imaginées par Michel Rocard et Lionel Jospin en leur temps », martèle de son côté Patrick Kanner. En quelques jours, ce gouvernement a cassé 40 ans d’histoire et de paix en Nouvelle Calédonie », torpille-t-il.
« Cette situation est liée à plusieurs facteurs, qui n’ont pas été pris en compte à juste hauteur », déplore Agnès Canayer. « Peu de premiers ministres, hormis Edouard Philippe, ont été investis sur le sujet », explique-t-elle, décrivant un « moment de tension fort ». De fait, elle ne se déclare pas surprise que la reprise du dossier soit opérée par le chef de l’Etat en personne : « Gabriel Attal n’a pas d’antériorité sur le dossier », « si on veut trouver une issue, il faut envoyer des signaux forts », avance-t-elle.
Du côté des centristes, les critiques sont également de sortie, qu’elles soient destinées à l’encontre des LR ou envers la majorité. « Une partie des responsabilités revient aux LR » explique la sénatrice des Hauts-de-Seine, Isabelle Florennes, ex-députée LREM de 2017 à 2022, et proche de la majorité. Pour autant, pas question pour l’élue MoDem d’évacuer les responsabilités du président de la République sur le sujet : « Il faut écouter le terrain », défend-elle. « Dès le mois de mars, nous avions alerté sur la nécessité d’avoir du temps et de lancer une mission dialogue », regrette-t-elle, affirmant que l’ancien Premier ministre, Edouard Philippe « pourrait être un médiateur ».
« Le report de la réunion du Congrès serait un signal fort »
Néanmoins, au-delà des critiques, un point semble réunir : la suspension de la réunion du Congrès, qui devait se réunir en juin, à la suite du vote favorable du Sénat et de l’Assemblée nationale sur le projet de loi constitutionnel portant élargissement du corps électoral. « Il y a eu un entêtement du gouvernement sur la question du corps électoral », tance Viviane Artigalas, pour qui « il faut arrêter avec cette loi constitutionnelle et annuler le Congrès ». Une opinion partagée par les sénateurs communistes et écologistes (lire notre article).
Même tonalité également chez les centristes : « Je ne pense pas [qu’il faille un congrès coûte que coûte] », explique Isabelle Florennes, pour qui « l’urgence est la reprise d’un dialogue avec les autorités locales ». « Nous savions que le sujet était éruptif », précise-t-elle.
Sa collègue Agnès Canayer (rattachée LR) abonde : « Nous devons donner des signaux des deux côtés, c’est la condition première pour entrer en phase de conciliation, après le retour à l’ordre républicain ». En ce sens, « le report de la réunion du Congrès serait un signal fort », pour la sénatrice de Seine-Maritime. « Pour les sénateurs, il faut suspendre la réunion du Congrès, de ce côté-là, il y a consensus », explique-t-elle.
Un constat qui détonne cependant avec la position des députés LR. En conférence de presse ce midi, le président du groupe LR à l’Assemblée nationale, Olivier Marleix, martelant que « le projet de loi doit aller à son terme ». Un vœu également formulé par la tête de liste LR aux élections européennes, François-Xavier Bellamy, invité ce matin dans la matinale de Public Sénat : « Le grand danger serait de donner raison à la violence. La réforme est nécessaire, elle est le résultat de 3 référendums et d’un processus entamé depuis des années », souligne-t-il, jugeant que « renoncer au Congrès me paraît extrêmement dangereux ».
Vers un nouveau référendum ?
Enfin, les élus du palais du Luxembourg ne souhaitent pas se précipiter quant à la tenue d’un nouveau référendum sur l’autodétermination du « caillou ». Pour Agnès Canayer, une telle proposition serait « largement prématurée », la sénatrice estimant qu’ « il ne fera qu’attiser les tensions ».
Du côté d’Isabelle Florennes, on temporise aussi, même si la porte est plus entrouverte : « Il faut donner des perspectives », rappelle l’ex-députée, qui souhaite « se laisser cette marge de discussion sur l’autodétermination ». « Sur cette question, l’expérience devrait être écoutée. C’est le rôle du Parlement et des ex-Premiers Ministres de nous éclairer. L’exécutif serait bien inspiré de le faire », tonne l’élue des Hauts-de-Seine. Une position d’équilibre également défendue par le président des centristes au Sénat, Hervé Marseille : « Puisse cette visite apaiser les tensions, déclencher la reprise du dialogue et contribuer au bon aboutissement d’un accord global ouvrant des perspectives pour les Calédoniens », soutient-il.
Sur ce point, centristes et socialistes se rejoignent. Questionné au micro de Public Sénat sur cette possibilité d’un nouveau référendum, Patrick Kanner ne souhaite pas précipiter les choses : « Nous verrons bien à partir de la mission de dialogue », tempère-t-il. « Ne mettons pas l’objectif avant d’atteindre la procédure. L’objectif c’est sûrement la paix civile, un statut nouveau. Tout cela doit d’abord être vu par les intéressés. Faisons confiance aux acteurs locaux », conclut-il.
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