Comme un symbole. La commission mixte paritaire réunie le 19 juillet dernier était parvenue à un accord. Cette réunion entre sept députés et sept sénateurs visait à trouver un compromis sur la proposition de loi en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste sur internet. C’était la toute première du genre, depuis les élections législatives. Peut-être le signe de la nouvelle relation entre les deux chambres du Parlement.
Il faut dire que le texte était peu polémique - bien moins que les suivants, que ce soit celui dit de « veille sanitaire » ou celui sur le pouvoir d’achat.
Adoptée le 16 février dernier par l’Assemblée nationale, la proposition de loi vise à adapter dans le droit français un nouveau règlement européen en matière de lutte contre le terrorisme sur internet. Très concrètement, la proposition de loi oblige tout fournisseur de services d’hébergement - qu’ils soient domiciliés dans le pays où la page internet est consultée, ou dans un autre pays - à retirer un contenu terroriste, dans l’heure, après injonction de l’ARCOM, ex-CSA, ou de son suppléant.
Adoption au Sénat le 12 juillet dernier
Il aura donc fallu attendre cinq mois pour que le texte arrive à la Chambre Haute du Parlement. En cause, l’interruption des travaux parlementaires liée aux élections présidentielle et législatives. La proposition de loi a été adoptée, dans ses grandes lignes, le 12 juillet dernier.
Seules certaines dispositions sur le recours en appel posaient problème aux sénateurs, mais dans « un esprit de compromis », (dixit Nathalie Goulet, rapporteure pour le Sénat), ces modifications avaient été effacées en commission mixte paritaire.
« Renforcer notre arsenal juridique »
En séance, mardi 26 juillet 2022, la ministre représentant le gouvernement au banc sur ce texte, Caroline Cayeux, a parlé d’un « outil décisif dans le combat que [le Gouvernement mène] contre le terrorisme. » Elle a expliqué que le règlement européen était en place depuis le 7 juin dernier mais que « pour assurer le bon fonctionnement de ce dispositif, il était indispensable que des autorités indépendantes chargées d’assurer et de contrôler la légalité du retrait des contenus [en l’occurrence l’ARCOM, ndlr] soient désignées par chaque Etat-membre ».
Le « véhicule législatif » interroge
Certains sénateurs se sont interrogés sur la méthode : utiliser une proposition de loi - c’est-à-dire un texte venu des parlementaires plutôt que du gouvernement - pour transposer dans la loi un règlement européen.
Ainsi les sénateurs « Les Indépendants », pourtant soutiens de la majorité présidentielle, ont émis leurs « réserves » sur cette méthode qui prive les parlementaires de toute étude d’impact et d’un avis du conseil d’Etat. « J’espère que cette pratique relève désormais du passé et que cette nouvelle législature en signera la fin », a ainsi plaidé le sénateur Franck Ménonville. Une analyse partagée par Guy Benarroche, représentant le groupe écologiste du Sénat et qui a parlé à la tribune de cette méthode comme d’un « tour de passe-passe qui entache la sincérité du processus démocratique. »
Le socialiste Jérôme Durain a même parlé « d’abus », souhaitant que le Secrétariat général du Gouvernement s’engage à ne plus avoir recours à cette méthode.
Toujours des doutes sur la constitutionnalité de la proposition de loi
Depuis 2020 et la décision du Conseil constitutionnel de sabrer une grande partie de la loi Avia, les textes régulant les contenus sur internet sont sous la menace d’une censure de notre juridiction suprême. Dénonçant également la méthode, les communistes ont ainsi averti le gouvernement en séance : « Nous avons le sentiment que le règlement européen vous donne le prétexte de nous faire voter ce qui a déjà été supprimé - à raison- par ailleurs. »
Les prochains mois diront si les communistes ont eu raison de s’inquiéter pour le sort de cette proposition de loi et si le Conseil constitutionnel ampute ou non le texte.
« Reste la question des moyens »
Dernier point important évoqué en séance : celui des moyens, que ce soient ceux de l’ARCOM ou de la plateforme Pharos, qui est dédiée au signalement des contenus illicites sur internet. La sénatrice centriste Nathalie Goulet a expliqué que « la haine en ligne est un maillon fort » dans la chaîne qui peut mener aux actes terroristes, avant de lancer depuis la tribune : « Nous resterons vigilants. »