Sur la base aérienne militaire 107 de Villacoublay, Gabriel Attal scrute les écrans. Alors qu’on lui explique le dispositif pour lutter contre les drones lors des JO, le Premier ministre s’inquiète d’un point qui clignote sur une carte. Après quelques hésitations, le militaire qui lui présente les outils confirme qu’il s’agit bien d’un drone suspect à proximité du Stade France. Et quelques instants plus tard qu’il a été « neutralisé ».
Rien de tel qu’un cas pratique pour faire la démonstration de l’arsenal déployé dans cette lutte anti-drone, « qui fait partie des priorités » selon Gabriel Attal. A Vélizy-Villacoublay, c’est le centre opérationnel de lutte anti-drone qui a été installé. Hélicoptères qui seront notamment déployés pour la cérémonie d’ouverture, fusils-brouilleurs Nerod, mais surtout les systèmes qui sont capables de détecter et neutraliser les drones.
Le système français Parade
Les systèmes… car il y en a plusieurs. La France aurait préféré être en capacité d’assurer seule cette protection, mais son programme anti-drone a connu quelques retards et ratés. Parade, c’est son nom, est développé par les entreprises Thalès et CS Group. Elles ont remporté ce marché en 2021, pour 350 millions d’euros. Mais dès octobre 2022, Cédric Perrin, sénateur LR du territoire de Belfort s’inquiète du retard de développement de cet outil indispensable. Et interpelle régulièrement le gouvernement sur ce sujet, notamment par une question d’actualité en juin 2023.
Un rapport sénatorial confidentiel
En octobre 2023, Cédric Perrin prend la présidence de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat. Et dès janvier 2024, lance une mission d’information sur la lutte anti-drone. Trois sénateurs sont nommés rapporteurs, mais ce rapport ne sera jamais publié. « Il n’a même pas été présenté en commission » confie une source, là encore pour des raisons de confidentialité.
Les rapporteurs ont mené 24 auditions, où ont défilé les industriels, des militaires, des hauts fonctionnaires et pour conclure le ministre des Armées Sébastien Lecornu. « Nous avons pleinement joué notre rôle de contrôle de l’action du gouvernement et de contrôle des politiques publiques », affirme Cédric Perrin. « Nous n’avons pas eu peur de nous attaquer à Thalès et CS Group. Nous les avons challengés » ajoute le président de commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat. « Les moyens ont été mis » confirme un des rapporteurs, le sénateur centriste de la Haute-Savoie Loïc Hervé qui rappelle le choix « d’un dispositif lourd et confié à l’armée de l’air et à des industriels […] alors que la menace des drones est très évolutive ».
Dans son rapport secret remis à l’Élysée, au Premier ministre et au ministre des Armées, le Sénat a émis des préconisations. « Elles sont mises en œuvre pour l’essentiel » confirme aujourd’hui Cédric Perrin, qui salue la réactivité de la Direction générale de l’armement (DGA). Le ministère des Armées n’a pas vraiment eu le choix, au vu des tests réalisés et qui ne s’étaient pas révélés très concluants. Baptisés « Coubertin LAD 1 & 2 », en hommage au fondateur des Jeux Olympiques de l’ère moderne Pierre de Coubertin, ces exercices avaient montré les limites du système Parade.
D’autres systèmes anti-drones en renfort
Ce système Parade est bien déployé sur de nombreux sites olympiques, mais la France a dû faire appel à d’autres technologies. Des systèmes « Milad » et « Bassalt », plus anciens ont été déployés. Et le Royaume-Uni a mis à disposition de la France son système Orcus. C’est d’ailleurs ce dernier qui a permis la neutralisation de drones ce dimanche près du village olympique. Révélées par Europe 1, ces interceptions ont été confirmées par Gabriel Attal aujourd’hui, qui révèle que « depuis une dizaine de jours, ce sont en moyenne 6 drones qui ont été interceptés chaque jour aux abords des infrastructures des Jeux Olympiques ». « Ce qui montre que le système fonctionne » s’est réjoui le Premier ministre démissionnaire. « Les « trous » des exercices de mars et avril sont comblés », valide de son côté Cédric Perrin, même s’il a fallu pour cela réagir au dernier moment. L’essentiel étant d’assurer coûte que coûte la sécurité de cet événement planétaire.