Depuis le 23 juillet et sa désignation comme candidate du Nouveau Front Populaire pour Matignon, Lucie Castets multiplie les interviews et les déplacements. Pour se faire connaître d’abord, et pour convaincre, ensuite, de sa capacité à devenir Première ministre. Pourtant, au cœur de l’été, pendant les Jeux Olympiques, dans un moment où la parole politique est devenue rare, les chances de voir Lucie Castets à Matignon à la rentrée semblent infimes.
Pour l’instant le NFP, qui compte 193 députés, représente la plus importante force politique à l’Assemblée nationale mais reste loin des 289 sièges nécessaires pour assurer une majorité absolue. Malgré cela, les différents partis composant le NFP ont manifesté leur volonté de mettre en œuvre leur programme. Désignée par les partis du Nouveau Front Populaire (Les écologistes, le Parti socialiste, la France insoumise et le Parti communiste), cette économiste et fonctionnaire de la mairie de Paris paraît pourtant esseulée.
Si Marine Tondelier, secrétaire nationale de Ecologistes, et Olivier Faure, premier secrétaire du PS l’ont bien accompagnée lors d’une visite de l’usine Duralex dans le Loiret, la trêve olympique se fait ressentir. Malgré tout, la fonctionnaire détaille une méthode et des propositions au fil de ses visites ou de ses interviews afin de crédibiliser sa candidature. « Je ferai des compromis, sauf avec le RN », affirmait d’ailleurs Lucie Castets dans un entretien accordé à la Tribune du dimanche le 28 juillet. Consciente de l’absence de majorité absolue pour son camp, la candidate du NFP proposait, le 31 juillet lors de son déplacement dans le Loiret, d’axer son travail vers la fonction publique par exemple estimant qu’il est tout à fait envisageable de trouver un accord sur la revalorisation des infirmières qui travaillent la nuit ou sur la rémunération des enseignants.
« Elle est la personne qui aujourd’hui permet d’incarner les grandes mesures promises par le NFP »
Une grande partie des parlementaires de gauche veut encore croire à la possibilité d’une nomination de Lucie Castets à Matignon. « Elle est la personne qui aujourd’hui permet d’incarner les grandes mesures promises par le NFP, ensuite il faudra évidemment des compromis, c’est le sens du travail parlementaire », estime Cécile Cukierman, présidente du groupe Communiste républicain citoyen et écologiste – kanaky (CRCE-k) au Sénat. Cette capacité à trouver des compromis pourrait être éprouvée dès le mois d’octobre et la présentation du projet de loi de finances. En effet, alors que le NFP souhaite créer 150 milliards d’euros de recettes supplémentaires, le budget, actuellement en préparation à Bercy, envisage plutôt des coupes budgétaires à hauteur de 25 milliards d’euros. « Compromis ne veut pas dire renoncement, Lucie Castets l’a dit, les parlementaires communistes aussi le réel s’imposera à nous, peu importe les projets de loi, il faudra aller chercher des majorités. Mais pas pour détruire la feuille de route du NFP », continue Cécile Cukierman.
Néanmoins certains élus du Parti Socialiste émettent des doutes quant à la possibilité de procéder de la sorte. Le 10 juillet, la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, plaidait pour une « majorité élargie ». « Aujourd’hui on demande à Lucie Castets, qui a des qualités, de conquérir une légitimité politique qu’elle n’a pas en faisant une tournée du pays, on lui assigne une mission quasi impossible. Il faut réaliser une mue culturelle et construire des coalitions comme en Allemagne sur un contrat de gouvernement clair. Ça pouvait aller jusqu’à une partie de la majorité, notamment le Modem ou une partie de Renaissance », regrette Hussein Bourgi, sénateur socialiste de l’Hérault.
Une nomination peu probable
« La responsabilité incombe au Président, à part le NFP personne n’a donné de nom, c’est le seul nom qui fédère au-delà d’un seul groupe, à partir de ce constat, il n’y a pas vraiment d’autres solutions », affirme Cécile Cukierman. Pourtant, dès le 23 juillet, dans une interview accordée à France 2, Emmanuel Macron balayait l’hypothèse d’une Première ministre choisie par le NFP, Lucie Castets ou quelqu’un d’autre. Pour Hervé Marseille, président de l’UDI et du groupe Union centriste au Sénat, l’Assemblée ne penche pas à gauche. « Une majorité de parlementaires ne voulait pas de Monsieur Chassaigne au perchoir, donc à partir de là je ne vois pas comment la gauche, qui n’est qu’un cartel électoral, pourrait imposer une candidature pour mettre en œuvre son programme et rien que son programme », lance Hervé Marseille. Pour rappel, Yaël Braun-Pivet avait pu compter sur le soutien des députés LR pour assurer son élection à la tête de l’Assemblée nationale. Ce dernier souligne d’ailleurs qu’avec le soutien du groupe LIOT et de LR, une majorité plus solide que celle de la gauche pourrait se dégager.
Une fois de plus, les cartes sont entre les mains du Président de la République qui, constitutionnellement, nomme le chef du gouvernement. « C’est surréaliste [de voir Lucie Castets multiplier les interviews et les déplacements], c’est au Président de la République de décider quand il le souhaitera du nom du Premier ministre, a priori cela devrait être courant août », s’agace Hervé Marseille. Peu de chances donc de voir Lucie Castets sur le perron de l’Elysée avec Emmanuel Macron à ce moment-là. « Les responsables du NFP n’ont pas compris la nécessité de s’entendre sur un nom rapidement, ils ont créé un trouble et un vide dont le Président de la République profite aujourd’hui », juge Hussein Bourgi.