La nomination de Rachida Dati comme ministre de la Culture la semaine dernière aura donné du grain à moudre au premier Conseil stratégique des Républicains de l’année, ce mardi 16 janvier. En marge de l’officialisation de la candidature de François-Xavier Bellamy comme tête de liste pour les élections européennes, le départ de celle qui est depuis 2008 la cheffe de file de l’opposition parisienne de droite – et l’une des figures les plus identifiables du parti -, pour rejoindre la macronie, n’a pas manqué d’occuper les échanges. « On a révoqué la question du gouvernement et refait le point sur le fait qu’aujourd’hui LR a choisi d’être une opposition responsable et constructive, qui fait des propositions, par exemple avec la loi immigration, mais qui n’est pas aux côtés du président car pour cela il aurait fallu une main tendue qui n’a jamais été présentée », a résumé, devant un parterre de journalistes, le porte-parole Vincent Jeanbrun au sortir de cette réunion.
Pour Rachida Dati, la sanction a été immédiate : l’exclusion. Éric Ciotti l’avait prévenue. « La question a été réglée dans les dix minutes qui ont suivi sa nomination », rappelle Olivier Marleix, le président du groupe LR à l’Assemblée nationale. « Rachida Dati ne fait plus partie de notre famille politique par le choix qu’elle a fait de rentrer au gouvernement. La politique c’est d’abord de la clarté et des convictions. On voit que le président de la République cherche à brouiller les lignes en permanence pour éliminer Les Républicains du jeu démocratique, je crois que ça n’est pas une bonne façon de procéder », développe la députée Annie Genevard.
« Il n’y a pas de changement de ligne politique »
Mais le ralliement de l’ancienne garde des Sceaux de Nicolas Sarkozy n’a pas été sans raviver de vieilles obsessions au sein d’un parti tiraillé depuis 2017 entre le camp présidentiel et l’extrême droite. « On n’était peut-être pas obligé de l’exclure immédiatement », soupire un sénateur LR.
Le député Aurélien Pradié appelle son parti à « prendre conscience de la gravité de la situation » : « La droite est à un moment de potentielle disparition, c’est de cela dont il s’agit », assure l’élu. « À force de prendre des coups dans la figure, nous n’allons plus pouvoir nous relever. Ou bien nous faisons notre propre révolution, nous larguons les amarres avec tous ceux qui par le passé nous ont abîmés et continuent à le faire, comme Nicolas Sarkozy, ou nous disparaissons. C’est le moment des grandes décisions ! »
La mise en place de huit ministres issus des rangs de LR ou de l’ex-UMP, au sein d’un gouvernement qualifié de « sarkozyste » par de nombreux commentateurs, vient priver encore un peu plus d’oxygène un parti qu’Emmanuel Macron n’a eu de cesse de dépecer depuis son arrivée au pouvoir. Pourtant la séquence parlementaire autour du projet de loi immigration, avant les vacances de Noël, semblait avoir joué en faveur de la droite, les LR du Sénat ayant réussi à faire adopter un texte remanié et durci par leurs soins, au point de fracturer la majorité présidentielle. Mais le piège a fini par se retourner contre eux, le président semblant désormais assumer, avec ce changement d’équipe, d’une droitisation assumée de sa ligne politique. Même s’il a redit, jeudi soir devant les parlementaires de sa majorité, « que tout ne lui plaisait pas dans la loi immigration ».
Pour Roger Karoutchi, sénateur LR des Hauts-de-Seine, les équilibres politiques restent les mêmes. « Il n’y a pas de changement de ligne politique. Certains voudraient un contrat de gouvernement avec Emmanuel Macron, mais je rappelle que pour toper, il faut être deux, or Emmanuel Macron ne propose rien. Pour l’instant, il fait du débauchage quand cela l’arrange, mais il n’a pas l’intention de changer de cap », assure cet ancien ministre de Nicolas Sarkozy.
La droite parisienne orpheline
« La nomination de Rachida Dati est un épiphénomène, de la communication, tout le monde a bien compris qu’elle pense, à tort ou à raison, que cela va lui permettre de prendre la mairie de Paris », explique le sénateur Marc-Philippe Daubresse, même si la principale intéressée a nié avoir passé un tel accord. Il n’empêche, la droite parisienne, minée par les divisions internes lors des dernières sénatoriales, se regarde désormais en chien de faïence. Ce mardi, à l’issue de leur réunion de groupe, aucun des quatre élus parisiens LR du Sénat, ne souhaitait faire de commentaire. « C’est encore trop tôt, mais bientôt nous aurons des choses à dire », souffle Catherine Dumas, la vice-présidente du groupe Changer Paris, piloté jusqu’ici par Rachida Dati.
Le risque à présent, est qu’une partie de la droite parisienne choisisse de se rallier à Emmanuel Macron pour réussir à déboulonner la gauche. « Une ministre de la Culture candidate, évidemment c’est un atout, sa position n’en sera que renforcée. Et nous, à droite, on regardera passer le train une fois de plus ? », nous expliquait, il y a quelques jours, le sénateur Alain Joyandet, lui-même ancien ministre de Nicolas Sarkozy.
Inversement, d’aucuns pensent qu’il ne faut pas tarder à couper le cordon avec Rachida Dati, longtemps considérée comme une figure incontournable de la droite parisienne, déjà deux fois candidate à la mairie centrale, et qui pourrait sortir « cramée » de son expérience gouvernementale. « Le problème, quand on monte sur le Titanic, c’est que l’on finit par couler avec », raille Marc-Philippe Daubresse.
« Les municipales de 2026, nous n’y sommes pas encore et pour l’instant cette nomination ne change rien aux positions des uns et des autres. L’idée d’une alliance entre la droite parisienne et les macronistes pour sortir la gauche, faisait déjà débat en 2020 », balaye Roger Karoutchi. « En tout cas, les choses sont claires. Elle ne peut pas rester présidente du groupe. Catherine Dumas prendra sa suite (Rachida Dati aurait déjà présenté sa démission, selon une information du Figaro, ndlr). Pour le reste, on verra aussi comment évolue Rachida Dati au sein du gouvernement. »