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Loyers impayés des casernes : un rapport du Sénat alertait en juillet « sur la situation dégradée » de l’immobilier de la gendarmerie

Plusieurs maires des Pyrénées Orientales font état d’impayés de loyers de la part de la gendarmerie nationale qui loue les casernes dans leurs communes. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau promet que le problème sera réglé au plus tard en décembre. Au Sénat, un rapport alertait déjà en juillet dernier sur « le désordre bâtimentaire » de la gendarmerie nationale.
Simon Barbarit

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Des gendarmes qui ne payent plus leur loyer, ce n’est pas le synopsis de la nouvelle comédie populaire à l’affiche mais le constat fait par une trentaine de communes des Pyrénées-Orientales propriétaires de casernes louée par la gendarmerie nationale. « Des maires ont reçu un courrier le mois dernier les informant que les loyers ne seraient plus payés jusqu’à la fin de l’année », rapporte la sénatrice LR du département, Lauriane Josende. « Ce qui nous a interpellé, c’est la brutalité de cette annonce. Les élus ont été informés par courrier que le non-paiement des loyers avait une application immédiate », complète le deuxième sénateur du département, Jean Sol (LR).

D’autres territoires pourraient être concernés. Dans la communauté de communes de l’Aillantais (Yonne), la gendarmerie a, par exemple, annoncé « un gel » des loyers à compter d’octobre 2024, selon son président Mahfoud Aomar.

Parmi les raisons invoquées pour justifier cette cessation de paiements, le ministère de l’Intérieur insiste sur « l’insuffisance initiale de crédits de l’ordre de 200 millions d’euros », des « dépenses engagées en raison des évènements en Nouvelle-Calédonie qui n’avaient pas été anticipées » ainsi que le « paiement des dépenses liées à la sécurisation » des Jeux olympiques qui « n’avaient pas été évaluées à leur juste niveau ». Sur ce point, lors de l’examen du budget 2024, le ministère de l’Intérieur avait établi le coût provisionnel de la sécurisation des JO à 200 millions d’euros, « hors hébergement, et « hors gratifications qui pourraient être mobilisées ».

« Les engagements de l’Etat seront tenus », promet Bruno Retailleau

A la sortie des questions d’actualité au gouvernement de l’Assemblée nationale, Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, s’est voulu rassurant. « Les engagements de l’Etat seront tenus ». « J’ai demandé pour les petits bailleurs qui ont des problèmes de trésorerie que les paiements se fassent très très vite. Pour les plus gros bailleurs qui ont de la trésorerie, nous allons attendre le mois de décembre et la loi de fin de gestion qui nous permettra de réalimenter les comptes et de payer les retards de loyers ». Beauvau a, d’ailleurs précisé que la loi de fin de gestion, examinée en décembre au Parlement après le budget 2025, prévoit une enveloppe de 320 millions d’euros pour les retards de loyers. Le ministre a, également, pris soin de ne pas rejeter la responsabilité sur son prédécesseur, Gérald Darmanin. « Il n’y a pas eu de mauvaise volonté des uns ou des autres. Simplement, je trouve un problème, j’essaye de le régler le plus vite possible », a-t-il esquivé.

 

Pour le sénateur apparenté LR, Bruno Belin rapporteur spécial des crédits de la mission sécurité du budget, les problèmes de trésorerie de la gendarmerie nationale étaient prévisibles. « Le budget 2024 était sous tension. Dans ces conditions, dès qu’il y a un imprévu, ça craque. La difficulté supplémentaire, c’est que nous n’avons plus d’interlocuteur pour échanger directement sur ce problème. Le patron de la gendarmerie nationale, l’ancien directeur général Christian Rodriguez (qui a quitté ses fonctions le 23 septembre) n’a pas encore été remplacé », rappelle-t-il.

Pour 2024, les moyens de la police et de la gendarmerie nationale avaient certes progressé dans d’un peu plus d’un milliard d’euros, soit près de 5 %, une trajectoire conforme à la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI). La commission des finances du Sénat avait néanmoins regretté un « effet d’éviction massif sur le fonctionnement et l’investissement, à commencer par l’investissement immobilier, vrai sacrifié de ce budget » […] « En logeant mal les gendarmes, nous risquons d’annuler les effets attendus des revalorisations, dans un contexte où nos forces ont des difficultés à recruter et fidéliser », avait mis en garde Philippe Paul (LR).

Cette affaire de loyers impayés révèle un problème structurel déjà l’objet de travaux au Sénat. Sur les 3 728 casernes occupées sur le territoire national, seuls 649 relèvent de la propriété de l’Etat, comme l’indique un rapport de Bruno Belin publié en juillet intitulé : « Immobilier de la gendarmerie nationale : mettre fin au désordre bâtimentaire ». On y apprend que sur les 923 millions d’euros dont bénéficie la gendarmerie pour ses dépenses immobilières, 590 millions, c’est-à-dire 64 %, sont fléchés vers les loyers. Le rapport faisait état d’une « situation dégradée » résultant d’une longue période de sous-investissement chronique. Une « dette grise » accumulée en 10 ans qui correspond à l’écart accumulé entre les besoins d’investissement et les investissements effectivement réalisés. « Alors que la gendarmerie évalue les besoins d’investissements dans la maintenance de son parc entre 300 et 400 millions d’euros, l’enveloppe allouée à ces travaux est systématiquement inférieure de plus de 50 % », alertait le rapport.

« Ce sont bien souvent les communes ou les communautés de communes qui garantissent l’emprunt »

« Comme l’Etat n’est pas propriétaire de ses casernes, il cherche des modèles qui s’éloignent des règles du marché, au détriment des collectivités. Les loyers des gendarmeries locatives sont inférieurs aux coûts réels de construction et de maintien en état des casernes. Dans les territoires ruraux, ce sont bien souvent les communes ou les communautés de communes qui garantissent l’emprunt. On est au rebours de la responsabilité partagée entre l’Etat et les collectivités prônées par l’exécutif », met en avant le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson, apparenté LR qui a mis en place un groupe de réflexion pour évaluer les pistes de financement appropriées à chaque territoire. « Le modèle des bailleurs sociaux fonctionne dans les agglomérations lorsque le marché est solvable,mais pas dans les territoires ruraux », prend-il comme exemple.

Le président de l’Association des maires de France des Pyrénées-Orientales et maire de Sainte-Marie-la-Mer, Edmond Jorda ne dit pas autre chose et dénonce l’AFP « une double peine ». « Les communes assurent déjà la trésorerie de l’État en portant les emprunts de construction des gendarmeries. Et il faudrait en plus avancer encore de la trésorerie pour pallier le non-versement des loyers ? », déplore-t-il. L’AMF demande que les loyers impayés soient avancés par les directions départementales des finances publiques.

Cet effort demandé aux collectivités vient éclairer d’un jour nouveau l’alerte de l’ancien ministre de l’économie Bruno Le Maire, qui en septembre dernier pointait « l’envolée des dépenses des collectivités » qui viendrait, selon lui, grever de « 16 milliards d’euros » la trajectoire de déficit présentée par la France. Le ton a depuis changé. « Les collectivités territoriales ne sont pas responsables de l’état de nos finances publiques », a souligné sur Franceinfo ce matin, le ministre chargé du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, interrogé sur ce sujet. Bruno Retailleau a lui exprimé « un grand merci à toutes les collectivités qui prennent sur elles cette part de la sécurité nationale ».

 

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