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Loi immigration : OQTF, expulsions, tout comprendre sur les mesures administratives d’éloignement

A l’approche de l’examen en séance publique au Sénat du projet de loi immigration, comment appréhender les points principaux de ce texte assez technique ? L’actualité récente, attentats, faits divers, afflux de migrants sur les côtes européennes, travailleurs sans-papiers, mineurs isolés… amènent à faire de ce projet de loi, un enjeu majeur pour les années à venir. Les obligations de quitter le territoire (OQTF) et les expulsions ont récemment animé le débat public. Qu’est-ce que c’est ?
Simon Barbarit

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Il y a un an, le meurtre de la jeune Lola par une Algérienne en situation irrégulière avait transformé ce fait divers en un débat sur l’exécution des obligations de quitter le territoire (OQTF). Plusieurs mesures du projet de loi immigration qui arrive en séance publique au Sénat le 6 novembre portent sur cette mesure d’éloignement.

  • Qu’est-ce qu’une OQTF ?

Une OQTF est une mesure administrative prise par un préfet à l’encontre d’un étranger entré irrégulièrement sur le territoire, ou s’étant vu refuser la délivrance d’un titre de séjour. L’obligation de quitter la France se fait dans un délai de 30 jours et par les propres moyens du ressortissant étranger. Plusieurs régimes de protection s’opposent à l’exécution des OQTF. Par exemple, elles ne s’appliquent pas aux mineurs, aux personnes séjournant en France depuis plus de 20 ans, aux personnes mariées avec un ressortissant français depuis au moins trois ans, aux parents d’enfant français mineur résidant en France, aux personnes dont l’état de santé nécessite des soins en France, auxquels ils ne pourraient pas bénéficier dans le pays de renvoi. Le fait de vivre en polygamie autorise la levée de ces protections sauf pour les mineurs et les personnes bénéficiant d’un titre de séjour « étranger malade ». L’OQTF est la mesure d’éloignement la plus prononcée par l’autorité administrative.

  • Qu’est-ce qu’un arrêté d’expulsion ?

L’OQTF ne doit pas être confondue avec un arrêté d’expulsion. Un arrêté d’expulsion entraîne un éloignement immédiat du territoire national ou, à défaut, peut être assorti d’une mesure d’assignation à résidence ou de placement en centre de rétention administrative. Une OQTF doit être exécutée dans un délai de 30 jours et par les propres moyens du ressortissant étranger.

Comme pour les OQTF plusieurs régimes de protection relatives et absolues s’opposent à un arrêté d’expulsion. Ils ne sont actuellement pas tout à fait identiques. Par exemple, si le fait de présenter une menace grave pour l’ordre public n’est pas de nature à lever les protections contre les OQTF, ce n’est pas le cas pour les arrêtés d’expulsion. Un étranger, même protégé, présentant une menace grave pour l’ordre public peut être expulsé même sans avoir fait l’objet de condamnation. La seule exception concerne les mineurs.

  • Qu’est-ce qu’un ITF ?

Quant à l’interdiction de territoire français (ITF),  ce n’est pas une mesure administrative mais une mesure judiciaire. Une peine complémentaire qui est elle aussi conditionnée à un régime de protection comparable aux arrêtés d’expulsion et aux OQTF. l’ITF est prononcée à titre définitif ou pour une durée de 10 ans au plus.

  • Les régimes de protection contre les mesures d’éloignement assouplis par le projet de loi

Là encore, l’actualité récente a amené ce sujet sur le devant de la scène. Le profil du terroriste qui a causé la mort d’un enseignant et fait deux blessés au lycée Gambetta-Carnot d’Arras a conduit Gérald Darmanin à faire part des obstacles législatifs empêchant l’éloignement des étrangers dangereux. Arrivé sur territoire français avant l’âge de 13 ans, Mohammed Mogouchkov bénéficiait d’une protection contre les OQTF. Suivi par les services de renseignements, il aurait pu, être expulsé en raison « d’activités terroristes », mais l’article 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l’ homme interdisent l’expulsion d’un ressortissant vers son pays d’origine s’il peut être tué ou torturé, ce qui était le cas pour ce russe d’origine ingouche.

L’article 10 du projet de loi immigration lève désormais les protections contre les OQTF pour les personnes majeures lorsque leur comportement « constitue une menace grave pour l’ordre public ». L’article 9 assouplit le régime de protection contre l’expulsion, s’ils ont fait l’objet d’une condamnation définitive pour crimes et délits passibles d’au moins dix ans de réclusion ou s’ils sont les auteurs de violences intrafamiliales.

Le texte prévoit aussi d’assouplir les protections contre les ITF en cas de condamnation, pour un délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, pour un crime ou un délit puni d’au moins dix ans de réclusion ou cinq ans en état de récidive, en cas de condamnation pour violences commises à l’encontre du conjoint, pour violences commises à l’encontre de membres des forces de l’ordre et pour les vols aggravés.

  • Pourquoi les OQTF ne sont pas automatiquement exécutées ?

La non-exécution des OQTF alimente périodiquement le procès « en laxisme migratoire » fait au gouvernement par la droite et l’extrême droite.  « S’il se maintient à des niveaux corrects pour les expulsions et les interdictions du territoire français (ITF), le taux d’exécution des mesures d’éloignement est toujours aussi dérisoire s’agissant des obligations de quitter le territoire français dérisoire […] 6,9 % au premier semestre 2022 (65 076 ont été prononcées et 4 474 exécutées) », pointe le rapport de la commission des lois sur le projet de loi.

Outre les régimes de protection, plusieurs raisons empêchent l’exécution des OQTF : le refus de certains Etats, notamment au Maghreb, de délivrer les laissez-passer consulaires indispensables pour les retours contraints, les décisions judiciaires défavorables à l’exécution des OQTF ou encore la saturation du dispositif de rétention administrative.

En commission des lois, le Sénat a ajouté un nouvel article prévoyant deux dispositifs destinés à contraindre les Etats peu coopératifs à délivrer des laissez-passer consulaires. Le premier autorise la restriction de la délivrance des visas long-séjour mentionnés à l’encontre des ressortissants « d’un État délivrant un nombre particulièrement faible de laissez-passer consulaires ». Le deuxième permet de moduler des aides au développement accordées à ces pays.

Face aux sénateurs, Gérald Darmanin a indiqué récemment qu’il ferait siennes les propositions du Sénat. Réponse à partir du 6 novembre.

 

 

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