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Loi immigration : les LR demandent au gouvernement un « engagement formel » sur la réforme de l’AME
Par Romain David
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Que trouvera-t-on ou ne trouvera-t-on pas dans la corbeille de la mariée ? Les Républicains seraient prêts à lâcher du lest sur la suppression de l’aide médicale d’Etat, pourtant l’une des lignes rouges dans les négociations autour du projet de loi immigration. La droite, qui a fait supprimer au Sénat ce dispositif de soins à destination des étrangers sans papiers, remplacé par une aide médicale d’urgence, a fait savoir au gouvernement qu’elle pourrait revenir sur ce point, à condition toutefois que l’exécutif s’engage à porter une réforme de l’AME en début d’année, a appris Public Sénat auprès de plusieurs parlementaires LR, directement impliqués dans les discussions.
Trois jours après l’adoption d’une motion de rejet par les députés, qui a mis fin à l’examen du texte à l’Assemblée nationale avant même que ne soient abordés les articles de fond, le projet de loi immigration a été renvoyé par le gouvernement devant une commission mixte paritaire, qui se tiendra lundi, à partir de 17 heures, au Palais Bourbon. Quatorze parlementaires – sept députés et sept sénateurs – sont chargés d’élaborer une version de compromis. Fait inhabituel : l’Assemblée n’ayant pu s’exprimer sur le projet de loi, seule la version votée au Sénat, largement durcie par la droite, sert de base de travail. De quoi pousser les LR à monnayer chèrement, très chèrement, tout aménagement proposé par le gouvernement, qui craint de perdre le soutien de son aile gauche si le texte reste trop marqué à droite.
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Pas de saucissonnage, mais un texte spécifique sur l’AME
Ce jeudi matin, les « chapeaux à plume » du parti de la rue de Vaugirard, selon la formule d’un élu, étaient reçus à Matignon par Élisabeth Borne. L’occasion de dire à la Première ministre tout le mal qu’ils pensent de la proposition faite la veille : celle d’un découpage du texte, avec un premier volet consacré aux mesures de fermeté, et un autre renvoyé à plus tard, concentré sur les « irritants », en l’occurrence l’AME, la régularisation des travailleurs dans les secteurs en tension, la question des allocations familiales versées aux étrangers et les modifications apportés au Code de la nationalité. « Il est évident que ce sera sans nous ! Cela n’a pas de sens. Nous ne retoucherons pas à l’architecture de notre projet de loi », martèle la sénatrice LR Muriel Jourda, rapporteure sur ce texte. Pour rappel : Emmanuel Macron avait déjà évoqué l’hypothèse d’un découpage du projet de loi en mars, après l’adoption au forceps de la réforme des retraites, mais Gérard Larcher, le président du Sénat, s’y était opposé.
En revanche, la perspective d’exfiltrer l’AME du texte semble désormais tenir le haut du panier, d’autant que le dispositif imaginé par la majorité sénatoriale pourrait être censuré par le Conseil constitutionnel, car considéré comme un cavalier législatif, c’est-à-dire une mesure sans lien direct avec l’objet du projet de loi. « Cela ne peut pas être fait sans un engagement formel », souligne Muriel Jourda. Selon nos informations, les LR attendent désormais de l’exécutif qu’il leur présente d’ici lundi un texte, ou du moins un embryon de texte, qui reprendrait notamment les propositions du rapport Stefanini Evin sur un resserrage du dispositif.
Lundi, à la tribune de l’Assemblée nationale, Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, a annoncé « une réforme de l’AME tout prochainement ». Mais le délai qu’impose désormais la droite semble difficile à tenir. « Ils peuvent le faire, ils en ont les moyens », balaye un LR. « Ce qu’il nous faudrait, c’est un engagement concret de la part du gouvernement », souligne la députée Annie Genevard, qui siégera au sein de la CMP. « Ce niveau d’engagement reste encore à définir. Ce qui est sûr, c’est qu’il y avait des choses intéressantes dans le rapport sur l’AME commandé par le gouvernement », explique-t-on du côté du Palais du Luxembourg.
« À partir du moment où nous avons la certitude qu’il s’agit d’un cavalier législatif, et dans la mesure où le Sénat a l’habitude de produire des textes juridiquement irréprochables, je ne vois pas pourquoi s’accrocher à l’AME pour des raisons politiques », explique Marc-Philippe Daubresse, vice-président LR de la commission sénatoriale des lois. « Bien sûr, nous voulions aller plus loin, mais l’engagement d’un projet séparé sur l’AME, c’est déjà pas mal », commente un parlementaire LR.
En revanche, sur les allocations familiales aux étrangers – dont le Sénat a conditionné le versement à cinq années de résidence « stable et régulière » sur le territoire contre six mois actuellement -, la marge de manœuvre « sera très limitée », avertit un membre de la CMP. « Mais un peu moins » en ce qui concerne le Code de la nationalité. Car là aussi, certaines modifications apportées par la Chambre haute, notamment à propos du droit du sol, pourraient être considérées comme inconstitutionnelles.
« Si le gouvernement veut sortir de cette affaire avec un texte, la seule solution c’est un arbitrage en faveur de l’article 4 bis »
Par contre, la droite n’entend pas bouger d’un iota sur le fameux article 4 bis, qui traite de la régularisation des étrangers clandestins dans les secteurs en tension, laissée à la discrétion des préfets. Le gouvernement proposait, dans la version initiale du texte, l’octroi d’un titre de séjour de plein droit, une option à laquelle reste très attachée l’aile gauche de la macronie, et notamment Sacha Houlié, le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, qui participera à la CMP.
« Notre position sera intangible, c’est une ligne rouge incontestable, on ne peut pas repasser par un droit opposable aux étrangers en situation irrégulière, cela voudrait dire que l’on fait passer la politique migratoire des mains de l’Etat aux mains des passeurs », explique Muriel Jourda. « Il est évident que l’on ne peut pas toucher, même un peu, à l’article 4 bis. Si le gouvernement veut sortir de cette affaire avec un texte, la seule solution c’est un arbitrage en faveur de l’article 4 bis », abonde Marc-Philippe Daubresse.
D’autant que cet article est le fruit d’un compromis arraché de haute lutte entre la droite sénatoriale et ses partenaires centristes, fortement divisés sur ce point. Sa remise en cause pourrait donc, par voie de ricochet, entraîner des répercussions sur la majorité sénatoriale. « Ça fait partie des choses que nous considérons non discutables avec l’ensemble de la majorité sénatoriale. La régularisation par les préfets, avec quelques critères dans la loi, il n’y a pas de quoi crier à l’infamie », a relevé Hervé Marseille, le patron des centristes du Palais du Luxembourg, ce jeudi dans la matinale de Public Sénat.
Des tractations jusqu’au dernier moment
Selon nos informations, Gérard Larcher, le président du Sénat, s’est également entretenu avec Élisabeth Borne. « Les négociations sur ce texte se jouent aussi à un niveau qui nous échappe », précise une sénatrice. Ce jeudi après-midi, l’ensemble des rapporteurs du texte, coté Assemblée nationale et côté Sénat, avaient rendez-vous pour une réunion de travail. « Je ne sais même pas de quoi on va pouvoir parler, on ignore ce qu’il se dit en haut lieu », reconnaissait un participant en milieu de journée. Dans la mesure où l’essentiel des tractations se déroule généralement dans les jours, voire les heures qui précédent la tenue formelle d’une CMP, les échanges devraient se multiplier jusqu’à lundi. Selon une information du Figaro, les dirigeants de LR seront à nouveau reçus dimanche soir à Matignon.
« Le gouvernement veut avancer. J’ai cru comprendre que le président de la République voulait un texte. Derrière, je ne sais pas s’ils réussiront à le vendre à leur majorité », explique l’un des LR de la commission mixte paritaire. Qui ajoute aussitôt : « Nous ne faisons pas de cet accord l’Alpha et l’Omega de l’immigration ». Car la question est aussi de savoir si la droite, qui réclame à cor et à cri une réforme constitutionnelle sur les questions migratoires, ne serait pas tentée, dans une démarche jusqu’auboutiste, de faire capoter le texte, le gouvernement ayant déjà balayé l’hypothèse d’un recours à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution en cas d’échec de la CMP.
Bruno Retailleau, le président du groupe LR au Sénat, affiche la plus grande fermeté. « Je n’assumerai pas que le texte soit détricoté une fois de plus en CMP, et que le gouvernement tente de faire passer par la fenêtre de la CMP, ce qui a été mis à la porte de l’Assemblée », a-t-il martelé mercredi soir sur BFM TV. Ce jeudi, le Vendéen s’est fendu d’un courrier au président de la République, cosigné par Éric Ciotti, le président de LR, et Olivier Marleix, le chef de file des députés LR. Ils estiment que le projet de loi immigration « ne permettra pas de reprendre complètement le contrôle de notre politique migratoire », et rappellent leur attachement à une révision constitutionnelle.
Dans l’entourage de François-Noël Buffet, le président de la commission sénatoriale des lois, autre figure de cette CMP, on assure vouloir l’obtention d’un compromis. Pour Marc-Philippe Daubresse, la droite pourrait capitaliser sur cette séquence. « S’il y a un retrait du texte, les grands gagnants seront les extrêmes, les insoumis et le rassemblement national qui ne manqueront pas de se targuer d’avoir mis en échec le gouvernement en soutenant la motion de rejet. Alors qu’un accord, parce qu’il se fera forcément sur la base des travaux du Sénat, montrera que nous avons fait bouger ce texte », explique le sénateur du Nord.
« Le principal sujet n’est pas de savoir qui gagne ou perd parmi les mouvements politiques, mais s’il y a un texte sur ce sujet majeur qu’est l’immigration », estime Muriel Jourda. « On se soucie moins de gagner ou de perdre que de savoir si l’on va parvenir à avoir, au bout du compte, un texte qui ait du sens. »
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