La commission mixte paritaire sur la loi d’orientation agricole est conclusive.

Loi d’orientation agricole : en commission mixte paritaire, députés et sénateurs s’accordent sur un texte proche de celui voté au Sénat

À peine voté au Sénat, le projet de loi d’orientation agricole a fait l’objet d’un compromis en commission mixte paritaire. La nouvelle version du texte laisse la part belle à plusieurs mesures introduites par les sénateurs, notamment le principe de « non-régression » de la souveraineté alimentaire et la dépénalisation de certaines atteintes à la biodiversité. L’opposition dénonce un débat « au pas de charge ».
Rose Amélie Becel

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Plus de dix mois après le début de son examen, le marathon du projet de loi d’orientation agricole se transforme en sprint. Voté par les députés avant la dissolution en mai dernier, le texte a fait l’objet d’un compromis entre les deux chambres en commission mixte paritaire (CMP) ce 18 février, juste après son adoption au Sénat dans l’après-midi.

L’objectif affiché par le gouvernement en accélérant le calendrier : faire adopter définitivement le projet de loi avant l’ouverture du Salon de l’agriculture ce 22 février, après un dernier vote à l’Assemblée nationale dès le 19 février, puis au Sénat le lendemain. En CMP, les 24 articles du projet de loi ont donc été débattus en une soirée, « au pas de charge », dénonce un parlementaire de gauche qui qualifie la méthode de « rouleau compresseur ».

La « non-régression de la souveraineté alimentaire » maintenue dans le texte, contre l’avis du gouvernement

Selon plusieurs parlementaires ayant participé aux débats, les quatre rapporteurs du texte – les sénateurs Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (Union centriste), et les députés Nicole Le Peih (Renaissance) et Pascal Lecamp (MoDem) –, tous membres du socle commun du gouvernement, avaient déjà négocié un compromis avant l’ouverture de la CMP. Cette nouvelle version du texte, présentée et approuvée par la majorité des parlementaires, laisse ainsi une place importante aux modifications apportées au texte par le Sénat, venues durcir le projet de loi parfois contre l’avis du gouvernement. « Il y a eu des compromis, c’est le propre d’une CMP, mais ils portent largement sur des questions rédactionnelles. Sur le fond, l’accord est très proche du texte voté au Sénat », explique la sénatrice LR Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques.

Première victoire de taille pour la majorité sénatoriale : le principe de « non-régression de la souveraineté alimentaire » est conservé dans le premier article du texte. Une formulation en miroir de la « non-régression environnementale », inscrite dans le code de l’environnement pour empêcher tout recul sur le sujet dans la loi. La mesure, qui vise selon les rapporteurs du texte au Sénat à aller vers une « égalité de traitement » entre écologie et agriculture, avait suscité l’interrogation de la ministre de l’Agriculture dans l’hémicycle. « Si la notion est séduisante sur le papier, je ne suis pas convaincue à ce stade qu’elle soit suffisamment travaillée et précise d’un point de vue juridique », avait-elle expliqué, défendant sa suppression.

La version sénatoriale de l’article 1 a, en revanche, été retouchée sur un point. Le texte voté en CMP réintroduit l’objectif d’aller vers 21 % de surfaces agricoles cultivées en bio, d’ici à 2030. Cette mesure, inscrite dans le code rural, avait été effacée du texte à la chambre haute par un amendement de Laurent Duplomb, invoquant la grave crise qui touche le secteur.

Certaines atteintes à la biodiversité dépénalisées, seulement pour les agriculteurs

Autre mesure phare du projet de loi, l’article proposant la création d’un « guichet unique » pour la transmission des exploitations agricoles a été voté en suivant la réécriture proposée par la chambre haute. Seul sa dénomination semble avoir été modifiée. Rebaptisé « France installations transmissions » au Sénat, il sera finalement appelé « France service agriculture », comme le proposait initialement le gouvernement. Ce guichet devrait être en service d’ici 2027 et sera géré au niveau des départements par les chambres d’agriculture.

Au fil de la soirée, les débats se sont tendus autour de l’article 13, « très largement maintenu » dans sa version adoptée au Sénat, salue un sénateur du socle commun. Ce volet du texte, parmi les plus controversés, vise à dépénaliser certaines atteintes « non-intentionnelles » à la biodiversité. Une mesure présente dans la version du projet de loi adoptée à l’Assemblée, mais considérablement durcie par la majorité sénatoriale. L’esprit du compromis trouvé en CMP rejoint ainsi largement le texte de la chambre haute : les infractions « non-intentionnelles » seront passibles d’une sanction administrative, jusqu’à 450 euros d’amende, contre la peine maximale de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende aujourd’hui inscrite dans le code de l’environnement. Malgré le dépôt de plusieurs amendements, la gauche n’est pas parvenue à modifier cette disposition polémique. Un parlementaire dénonce une « Trumpisation de l’agriculture ».

Les agriculteurs sanctionnés pourront, en revanche, troquer le paiement de leur amende contre un « stage de sensibilisation aux enjeux de protection de l’environnement », précise le texte voté en CMP. La mesure avait été supprimée par le sénateur Laurent Duplomb dans l’hémicycle, jugeant ce stage « totalement infantilisant ». L’article adopté au Sénat est également modifié sur un autre point sensible : la dépénalisation des infractions reste circonscrite au champ agricole. La chambre haute avait, de son côté, proposé son élargissement aux installations classées pour la protection de l’environnement (IPCE), une appellation regroupant les infrastructures (usines, déchèteries, carrières…) qui peuvent présenter des dangers pour l’environnement.

« On a tout perdu »

« Les fondamentaux sont piétinés dans ces compromis, on a tout perdu », fustige un parlementaire de gauche, à l’issue du vote final. Seuls les quatre élus de son camp politique ont rejeté les conclusions de la CMP, les dix autres – deux députés RN et huit parlementaires du socle commun – ont voté pour.

« Nous avons respecté la totalité de la procédure, nous n’avons ni tordu les règles, ni fait quoi que ce soit qui conduit à ne pas respecter le droit d’amendement », rétorque Laurent Duplomb, co-rapporteur du texte au Sénat. « Les mêmes qui se plaignent de ne pas avoir été considérés ont monopolisé 95 % de la parole », défend-il.

Avec une conclusion de la CMP sur le gong, à minuit pile, les parlementaires devraient pouvoir adopter une version définitive du texte d’ici vendredi. Reste à savoir si cette version de la loi d’orientation agricole, très proche du texte sénatorial, saura recueillir l’adhésion de la majorité des députés dans l’hémicycle.

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