Loi de programmation militaire : en commission, les sénateurs renforcent l’effort budgétaire sur les premières années

Les sénateurs ont adopté en commission la loi de programmation militaire qui prévoit de 2024 à 2030 un budget de 413 milliards d’euros. Mais ils ont « lissé » cet effort pour éviter que la majorité de la hausse n’arrive après 2027 et sa présidentielle… Ils apportent certaines « corrections » pour renforcer notamment l’armée de terre.
François Vignal

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Un soutien à un « effort conséquent », mais des précisions pour « sortir de la zone de flou ». Les sénateurs ont adopté en commission le projet de loi de programmation militaire (LPM) pour la période 2024-2030, non sans l’avoir modifié. Après son adoption à l’Assemblée nationale, y compris avec le soutien des LR, après une période d’incertitude, les sénateurs se sont emparés du texte, en vue de son examen en séance à partir du 27 juin. Ils ont déjà largement planché dessus, notamment lors d’une première puis d’une seconde audition du ministre des Armées, Sébastien Lecornu.

« Avec plus d’argent, on a des ambitions à la baisse », pointe Christian Cambon

Sur le papier, le gouvernement met le paquet, avec 413 milliards d’euros, dont une bonne partie portée par la dissuasion nucléaire. Comparé à la précédente LPM 2019-2025 et ses 295 milliards d’euros de budget, la hausse est quasiment de 100 milliards d’euros. Mais selon le président LR de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, Christian Cambon, « c’est une continuation de l’effort, mais pas un tournant décisif ». Pour le sénateur, il s’agit au fond d’un budget en trompe-l’œil. Car « avec plus d’argent, on a des ambitions à la baisse », pointe ce jeudi, lors d’une conférence de presse, Christian Cambon, rapporteur du texte, qui sera accompagné de huit rapporteurs délégués transpartisans. Un « paradoxe » qui s’explique notamment par l’inflation, qui va coûter « entre 30 et 60 milliards d’euros » sur les 413 milliards, et par le coût beaucoup plus élevé du renouvellement du matériel aujourd’hui, quand on sait que certains des engins à remplacer « avaient été commandés par le général de Gaulle et datent des années 60/70 ». L’innovation technologique, et son coût, sont passés par là.

En commission, les sénateurs ont adopté par moins de 171 amendements, dont 80 des rapporteurs. Ils ont renforcé le contrôle du Parlement, notamment sur les exportations d’armes, créé un « livret d’épargne souveraineté pour financer notre BITD (base industrielle et technologique de défense) », soit l’industrie de la défense, complété la montée en puissance de la réserve opérationnelle et porté « un effort particulier sur le recrutement ».

« Avoir plus de matériels pour l’armée de terre et faire un effort pour la situation des personnels des forces armées »

Mais c’est surtout un amendement d’ordre financier qui devrait concentrer les débats avec le gouvernement. Les sénateurs ont en effet prévu de « lisser » l’effort budgétaire pour le renforcer sur les premières années.

« Jusqu’à présent, la LPM prévoyait des dépenses en hausse de 3 milliards d’euros chaque année. Le gouvernement nous présente une LPM qui, jusqu’en 2027, continue de dépenser 3 milliards, laissant l’effort au nouveau président de la République qui viendra en 2027. Or nous pensons que c’est maintenant que nos forces armées ont besoin d’un rehaussement de leur plan de charge, de leurs activités, de leurs matériels. Nous avons proposé un amendement qui lisse cette somme considérable, qui permettra de dépenser non pas 3 milliards mais 3,6 milliards, chaque année, tout en restant dans la même enveloppe », explique Christian Cambon (voir la vidéo, images de Fabien Recker). De quoi « permettre d’avoir plus de matériels pour l’armée de terre, de faire un effort pour la situation des personnels des forces armées. Nous avons fixé un certain nombre de priorités ». Le sénateur LR du Val-de-Marne, qui s’est entretenu avec la première ministre Elisabeth Borne il y a quelques jours, résume :

 On dépense plus tout de suite et un petit moins après. 

Christian Cambon, président LR de la commission des affaires étrangères et de la défense

Concrètement, les sénateurs prévoient d’apporter certaines « corrections ». Par exemple, le programme Scorpion de l’armée de terre, que la LPM réduit de – 30% à l’origine, puis à – 21% « pour les seuls Griffon » après son passage à l’Assemblée, voit sa réduction portée à « – 15% pour Griffon, Jaguar », après son passage en commission au Sénat. L’hélicoptère Tigre voit sa capacité « musclée », avec l’ajout d’un « missile souverain », pour éviter d’acheter un missile américain. La majorité sénatoriale fait aussi passer de « 35 à 37 appareils A400M » et des patrouilleurs pour la Marine de « 7 à 10 ».

« Vraisemblablement » un point dur entre le Sénat et le gouvernement

Pour renforcer cet effort sur les premières années de la LPM, les sénateurs misent sur une partie de l’enveloppe qui leur a semblé pour le moins incertaine. Car sur les 413 milliards d’euros, 13 milliards ne sont pas directement budgétisés, avec notamment 5,9 milliards issus de recettes futures par la vente de fréquences ou d’immobilier par l’armée, « et 7 milliards qui restaient très hypothétiques », pointe le sénateur. « C’est sur ces 7 milliards que nous faisons porter le redéploiement immédiat de ces sommes », explique le rapporteur du texte.

Pas sûr que la solution convienne à Sébastien Lecornu ou au ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, attaché pour ce dernier au rythme de diminution des dépenses publiques. Ce sera le gros point dur entre le Sénat et le gouvernement. « C’est vraisemblable », reconnaît Christian Cambon, qui ajoute : « Nous modifions le cadencement. J’espère que le gouvernement va comprendre le sens de nos amendements ».

« Si on trouve de l’argent pour le plan vélo, on doit pouvoir en trouver pour la sécurité de nos concitoyens »

Après l’aide apporté à l’Ukraine, il convient aussi de la compenser. « C’est maintenant que nous sommes, non pas en guerre, mais en très grande tension internationale », souligne le président de la commission des affaires étrangères et des forces armées.

Il s’étonne par avance qu’il ne soit pas possible de gonfler un peu le budget de la défense. « J’entends régulièrement le gouvernement trouver des enveloppes budgétaires. Je vois qu’on lance un plan vélo (doté de 2 milliards d’euros, ndlr). C’est très bien, j’adore le vélo. Mais je pense que la sécurité et la souveraineté de notre pays passe sans doute avant. Si on trouve de l’argent pour le plan vélo, on doit pouvoir en trouver pour la sécurité de nos concitoyens », lâche Christian Cambon. A moins de lancer une force de projection spécial deux roues, avec casque obligatoire bien sûr.

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