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Loi de programmation militaire : drôle de guerre entre le Sénat et le gouvernement
Par François Vignal
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Ça devait être un moment de quasi-consensus. Les débats au Sénat sur le projet de loi de programmation militaire 2024-2030 ont pourtant tourné au dialogue de sourds entre la majorité sénatoriale et le gouvernement, autour du rythme de progression de la hausse du budget de la défense. Résultat : la commission mixte paritaire (CMP), où sept députés et sept sénateurs doivent tenter de trouver un texte commun, initialement prévue jeudi, a été reportée au dernier moment par le gouvernement. Elle aura lieu lundi 10 juillet. Les échanges préparatoires ont en effet montré que le blocage perdurait. C’est pourtant le paradoxe des débats sur la LPM. Car sur le fond, les sénateurs partagent l’ambition du gouvernement et saluent son effort.
Moyen de pression sur l’exécutif
Les sénateurs ont un certain moyen de pression sur l’exécutif. Car si aucun accord n’est trouvé, le plan d’Emmanuel Macron tombe à l’eau. L’exécutif avait annoncé, un peu prématurément, l’adoption de la LPM pour le 14 juillet. De quoi parader, c’est le cas de le dire, avec ce réel effort fait pour les armées : 413 milliards d’euros annoncés fièrement par le Président lors de son discours à Mont-de-Marsan, en janvier. La véracité de ce chiffre fait débat, on va le voir. Reste que l’effort est réel, comparés aux 295 milliards de la loi de programmation précédente 2019-2025.
Alors pourquoi ça coince ? Dans leur version du texte, tel que sortie de la Haute assemblée, les sénateurs ont voulu accélérer le rythme de la progression, revoir le cadencement. Soit dépenser plus, tout de suite. Concrètement, le Sénat a prévu une hausse annuelle du budget des armées de + 3,6 milliards d’euros, de manière linéaire, contre + 3 milliards d’euros dans le texte du gouvernement jusqu’en 2027, avant une plus forte hausse après (+ 4,3 milliards par an à partir de 2028). Car ce que reprochent les sénateurs aux ministres des Armées, Sébastien Lecornu, c’est de laisser l’essentiel de l’effort budgétaire après la présidentielle de 2027… Autrement dit, avec le risque que le prochain chef de l’Etat revienne sur cette hausse.
Les sénateurs proposent un compromis avec une hausse du budget de + 3,4 milliards d’euros par an
Dans les discussions de ces derniers jours, les sénateurs se sont dits prêts à revoir un peu leur ambition à la baisse, avec un compromis à + 3,4 milliards d’euros par an, a appris publicsenat.fr de sources parlementaires. Les sénateurs sont prêts aussi à discuter sur le matériel supplémentaire qu’ils souhaitent confier aux armées, comme deux A 400 m de plus ou davantage de blindés Griffon, sans lâcher sur l’entraînement et le maintien en conditions opérationnelles des matériels. Mais ça bloque toujours sur la trajectoire budgétaire.
Cette hausse de + 3,4 milliards jusqu’en 2030 représente au total 2,8 milliards d’euros en plus sur toute la LPM, comparés aux + 3 milliards par an voulus par le gouvernement. Soit moins de 1 % du budget total de la LPM. « C’est le montant du plan vélo à 2 milliards d’euros ! » peste un sénateur de la majorité, qui insiste :
Deux lectures s’opposent
Ce qui complique le rapprochement, c’est que le Sénat et le gouvernement ont deux lectures différentes dans la compréhension même des choses, sur un plan de technique budgétaire. Ce qui est un peu gênant… Car en réalité, les 413 milliards se composent plus exactement de 400 milliards de crédits budgétaires, auxquels s’ajoutent 13 milliards de crédits extrabudgétaires.
Dans le détail, 5,9 milliards seront issus de la vente de fréquences ou d’immobilier des armées. Ils sont assez sûrs. En revanche, il reste 7,4 milliards qui semblent plus flous, car prévenant de marges frictionnelles, c’est-à-dire les moindres dépenses au sein du ministère de la Défense, et de reports de charges, c’est-à-dire une dépense différée, comme lorsqu’un matériel est livré, et donc payé, plus tard. Il peut y avoir aussi « des transferts provenant d’autres budgets ministériels ayant des dépenses moindres que prévues », avait souligné le président du Haut conseil des finances publiques, Pierre Moscovici, lors de son audition au Sénat sur la LPM. Mais le même pointait « les incertitudes sur le financement de ces 7,4 milliards d’euros », jugeant « légitime de se poser des questions ».
« Ça écharpe sur les reports de charges et les marges frictionnelles »
En conséquence, la majorité sénatoriale a décidé de budgétiser ces 7,4 milliards d’euros incertains, pour éviter toute mauvaise surprise et les sécuriser. Elle assure le faire en restant dans l’enveloppe des 413 milliards d’euros au total. C’est ici que le désaccord s’est exprimé avec Sébastien Lecornu, en séance. Le ministre souligne que les reports de charges ne vont pas pour autant disparaître, portant le budget total à 416 milliards voire 420 milliards d’euros (si on ajoute 7 milliards aux 413)… Un gros point de désaccord que les débats n’ont pas levé. Ni la perspective de la CMP. « Ça écharpe sur les reports de charges et les marges frictionnelles », confirme un sénateur.
Mais selon le même, « depuis le début, le gouvernement est pris à son propre jeu, en voulant communiquer sur 413 », alors que les crédits sont de 400 milliards + 13. Devant le Sénat, le ministre a plaidé la volonté de transparence, expliquant que ces marges frictionnelles et autres reports de charges ont toujours existé, comme dans la précédente LPM. La différence étant qu’ils n’étaient pas dévoilés.
« Il y a un match dans le match, entre Sébastien Lecornu et Elisabeth Borne. Je ne voudrais pas que l’armée en soit la victime »
« Je suis très surpris que le gouvernement soit prêt à faire échec à la CMP pour un peu plus de 0,5 % du budget de la LPM », s’étonne un parlementaire ce vendredi. Mais l’exécutif a aussi une contrainte budgétaire. Il vise le retour sous la barre des 3 % de déficit pour 2027. A un moment, il faut faire des choix et des arbitrages. Le tout sur fond de bataille interne. « Il y a un match dans le match, entre Sébastien Lecornu et Elisabeth Borne. Ils sont tous les deux campés sur leur position. Je ne voudrais pas que l’armée en soit la victime », lance un acteur du dossier. Matignon bloquerait toute rallonge, mais un effort a déjà été fait en réalité. A l’origine, l’état-major des armées rêvait de 460 milliards d’euros, quand Bercy, soucieux du rythme de réduction des dépenses publiques, demandait 375 milliards. Le chef de l’Etat a ensuite concédé un effort, « entre 400 et 410 », selon un parlementaire. Au final, l’exécutif sort avec la formule des 400 + 13 milliards de ressources extrabudgétaires.
Si la majorité sénatoriale et le gouvernement n’arrivent pas à trouver un terrain d’entente d’ici lundi, ce sera l’échec de la CMP. Dans ce cas, le texte repartira en nouvelle et dernière lecture, avec un tour de navette parlementaire. Soit une lecture par chambre, avant que les députés aient le dernier mot. Mais dans cette hypothèse, l’agenda parlementaire ne permettra pas une adoption, et encore moins une promulgation, avant le 14 juillet et le discours d’Emmanuel Macron. La session extraordinaire se termine, si rien ne change d’ici là, le 13 juillet au soir au Sénat. Les sénateurs ne siégeront pas non plus en septembre, du fait des élections sénatoriales. Il faudra donc attendre le mois d’octobre pour l’adoption définitive du projet de loi. Emmanuel Macron pourra toujours en parler lors de ses vœux pour la nouvelle année.
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