Plus clairsemé au lendemain de la large adoption du projet de loi immigration, le Sénat n’en était pas moins orageux ce 20 décembre. La séance de questions au gouvernement a prolongé le vote agité de la veille, sur le texte. C’est la sénatrice socialiste Marie-Pierre de la Gontrie qui a ouvert les hostilités en demandant des comptes à la Première ministre sur la version finale du texte. Très proche des dispositions voulues par les Républicains, le texte a même reçu le soutien des parlementaires du Rassemblement national.
« Vous avez jeté la majorité présidentielle et le pays dans les bras du Front national »
« Vous vous seriez vantée, il y a peu, d’avoir réussi en quelques jours ce que Gérard Darmanin n’avait pas su faire en un an. Mais à quel prix ? Vous avez jeté la majorité présidentielle et le pays dans les bras du Front national » s’est exclamé la sénatrice de Paris face à la Première ministre.
À l’image de plusieurs commentateurs et personnalités de gauche hier soir, la parlementaire qui a siégé à la commission mixte paritaire a rappelé les mots d’Emmanuel Macron au soir de sa réélection, le 24 avril 2022 : « Ce vote m’oblige. » La direction donnée ces derniers jours par l’exécutif n’a rien d’un barrage face à Marine Le Pen, selon la socialiste. « Aujourd’hui, l’extrême droite n’a plus besoin d’être élue, vous appliquez son programme et faites vôtre la préférence nationale. » Mesures touchant les étudiants étrangers (exemple d’une caution conditionnée au caractère sérieux des études), durcissement des modalités d’accès aux allocations non contributives ou encore intégration d’une « vingtaine » de dispositions inconstitutionnelles, selon son estimation, la sénatrice a multiplié les exemples, se demandant si ces dispositions étaient « conformes » aux « valeurs » d’Élisabeth Borne. Et de conclure : « Ressaisissez-vous, vous devez mettre un terme à cette dérive ! »
« Nous avions le sens de l’honneur », affirme Gérald Darmanin
En réponse, Gérald Darmanin a qualifié ses critiques de « vision extrêmement partiale et partielle ». « Non il n’y a pas de fermeture des étudiants venant en France », a-t-il répliqué. « Il y a une volonté du législateur de pouvoir vérifier qu’il ne s’agit pas de personnes qui utilisent la grande générosité de la France », a-t-il expliqué. « Le président de la République a fixé à 100 000 le nombre d’étudiants [étrangers] chaque année, vous n’avez jamais fait ça lorsque vous étiez en responsabilité. » Une réponse balayée par la sénatrice de Paris, qui a mis en avant les fortes critiques relayées par les présidents d’universités ou de grandes écoles.
Dans une ambiance tendue sur les bancs de gauche, le ministre de l’Intérieur a également reproché aux parlementaires socialistes d’avoir voté « contre les régularisations » de personnes « qui travaillent dans nos entreprises ». « Nous avons su faire voter un texte, sans compter les voix du RN, nous avions le sens de l’honneur, alors que vous n’avez que le sens de la petite politique. »