Au Sénat, pas de Nouveau front populaire, mais la gauche n’en est pas moins unie. A l’occasion de l’examen du projet de loi de finances (PLF) 2025, les trois groupes de gauche de la Haute assemblée, les groupes socialistes, communistes et écologistes – il n’y a pas de LFI au Sénat – vont soutenir 11 amendements identiques. Autant de marqueurs politiques qui visent à défendre « un budget empreint de justice fiscale et sociale », soutient le chef de file du groupe PS, Thierry Cozic. Une manière de faire bloc face à une majorité sénatoriale qui fait maintenant un pas de deux avec les sénateurs macronistes, depuis la nomination de Michel Barnier à Matignon.
« On a un gouvernement minoritaire, qui construit son budget avec la majorité du Sénat »
Pour le communiste Pascal Savoldelli, « on a un gouvernement minoritaire, qui construit son budget avec la majorité du Sénat », avec en parallèle une pression du « RN », qui agite la menace d’une censure s’il n’est pas entendu. Si bien que le sénateur du Val-de-Marne parle d’un « budget tricéphale ».
Parmi ces amendements communs, beaucoup de mesures déjà connues ont déjà été défendues par le NFP au Palais Bourbon. « C’est important de montrer ce qui a été fait à l’Assemblée et ce travail de la gauche. Nous le portons ici », ajoute la sénatrice Les Ecologistes (ex-EELV) des Yvelines, Ghislaine Senée, qui lance :
« Il est important que la gauche, dans sa diversité, montre son sens des responsabilités et qu’elle est unie »
Les groupes PS, écologistes et CRCE-K (communiste) vont ainsi défendre le rétablissement de l’ISF climatique, l’imposition des superprofits, celle des superdividendes, le renforcement de la taxe sur les transactions financières, la consolidation de la taxe GAFAM, le rétablissement de l’exit tax, l’indexation de la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation, le rétablissement de la CVAE (une taxe acquittée par les entreprises supprimée en bonne partie par Emmanuel Macron), la hausse des frais de notaires (les DMTO) à 7 % pour les transactions de plus d’un million d’euros, la hausse de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et l’augmentation du versement mobilité pour tous les territoires. Un douzième amendement sur l’éligibilité de l’aide au fret pour tous les produits de première nécessité en Outre-Mer n’a pas été jugé recevable au titre de l’article 40 (un parlementaire ne peut pas créer une nouvelle charge pour l’Etat). Autant de « positions responsables » et « acceptables », souligne Pascal Savoldelli, qui récuse les critiques du gouvernement sur les 34,4 milliards d’euros de recettes supplémentaires votées à l’Assemblée.
Ce budget du gouvernement Barnier, qui vise 60 milliards d’euros d’économies, pousse donc la gauche à serrer les rangs et à défendre un autre budget pour le « réorienter ». « Il est important que la gauche, dans sa diversité, montre son sens des responsabilités et qu’elle est unie », soutient Thierry Cozic. « La politique de l’offre, défendue par le gouvernement, est un échec. C’est important que la gauche montre qu’elle croit en la politique de la demande », insiste le sénateur PS de la Sarthe, en bon « keynésien ».
« Abandon systématique des questions environnementales, quand il y a des efforts à faire »
L’écologiste Ghislaine Senée dénonce pour sa part « l’abandon systématique des questions environnementales, quand il y a des efforts à faire ». Et alors que la majorité sénatoriale de droite et du centre réduit de 5 à 2 milliards d’euros l’effort demandé aux collectivités, la sénatrice des Yvelines s’étonne aussi que « le Sénat lâche les collectivités pour la première fois. On continuera à les défendre ».
Reste que le texte du gouvernement prévoit des mesures clairement d’inspiration de gauche, avec la « contribution exceptionnelle » sur les bénéfices des grandes entreprises et sur l’imposition minimale demandée aux ménages les plus aisés pendant trois ans. « Michel Barnier ne pouvait pas faire autrement », rétorque Ghislaine Senée, « c’est une mesure de divertissement, qui n’a pas vocation à être pérenne. Ça permet de dire qu’ils vont faire du en même temps, mais ce ne sont pas les plus aisés qui vont payer le plus mais les Français moyens, quand on fait les comptes ». « Il y a eu des législatives. Michel Barnier doit bien écouter a minima les programmes. Il y a des aspérités différentes sur les bénéfices et le patrimoine », ajoute Pascal Savoldelli.
« Ce n’est pas la création d’un intergroupe »
Si la gauche sénatoriale montre un visage uni sur ce PLF, il ne faut pas y voir davantage. « La gauche au Sénat n’est pas la gauche à l’Assemblée nationale. Ce n’est pas la création d’un intergroupe avec le PLF. Mais il est important d’avoir des marqueurs », soutient le socialiste Thierry Cozic. Mais les écolos semblent prêts à aller plus loin. « Nous, on pousse. Les écologistes, on a envie de travailler plus fortement ensemble, on veut consolider des démarches communes », ajoute l’écologiste Ghislaine Senée.
Si Pascal Savoldelli « pense que ces amendements sont majoritaires » dans le pays, comme « le rétablissement de l’ISF », les sénateurs de gauche ne se font pas d’illusion. « On n’est pas dupes, on sait que ce sera compliqué », reconnaît sa collègue écologiste. « Mais après, il y a des amendements de repli », souligne le sénateur PCF. Autrement dit, des amendements qui vont moins loin, plus susceptibles de trouver une majorité. Pascal Savoldelli conclut : « Tout ce qu’on pourra prendre, il faut le prendre ». A suivre toute la semaine, avec les près de 2.000 amendements déposés au total dans ce budget 2025 au Sénat.