France : Gabriel Attal dans le Pas de Calais

Les sénateurs LR partagés à l’idée d’envoyer Xavier Bertrand à Matignon

En opération séduction depuis le 7 juillet, Xavier Bertrand ne cache plus vraiment ses ambitions et semble prêt à devenir Premier ministre. Une hypothèse qui divise au sein de son propre parti, tiraillé sur la stratégie à adopter durant cette législature.
Henri Clavier

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Xavier Bertrand pourrait-il être l’homme de la situation pour Matignon ? C’est en tout cas le refrain qui monte depuis quelques semaines. En pleine « trêve olympique » et face au risque d’une Assemblée ingouvernable, le président de la région Hauts-de-France avance. « Xavier Bertrand est prêt à relever le défi », confiait un proche de l’élu au Figaro Magazine, ce mardi 6 août.

Emmanuel Macron, depuis le fort de Brégançon, envisagerait les différentes options permettant de gouverner à droite. Excluant un rapprochement avec le NFP, une alliance avec LR permettrait au Président de la République de dépasser numériquement la gauche à l’Assemblée, mais pas de s’assurer une majorité absolue. Malgré cela, Xavier Bertrand prépare le terrain et a déjà rencontré Bertrand Pancher, ancien président du groupe LIOT.

S’il parvient à trouver des soutiens au-delà des rangs de LR, la donne pourrait se révéler différente au sein de son parti où l’hypothèse d’une coalition avec les forces d’Emmanuel Macron divise toujours. Depuis le 7 juillet et le second tour des élections législatives, le président du groupe La Droite Républicaine à l’Assemblée nationale, Laurent Wauquiez, répète qu’il ne veut « ni compromission, ni coalition ». Le 22 juillet, Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, et Laurent Wauquiez présentaient leur pacte législatif destiné « à trouver des solutions, mettre du positif sur la table ».

Par ailleurs, l’hypothèse envoyant Xavier Bertrand à Matignon se heurte à plusieurs écueils. D’abord, la possibilité de subir une censure dès la présentation du budget à l’automne, puisque LR et le bloc central ne totalisent que 213 sièges sur les 289 nécessaires pour s’assurer une majorité absolue. Ensuite, LR prendrait le risque d’être assimilé au macronisme avant la présidentielle en 2027.

Xavier Bertrand, la solution ?

« Il faut trouver une solution, on ne peut pas accepter le blocage. J’ai cru comprendre qu’Emmanuel Macron voulait une coalition autour du centre droit, Xavier Bertrand est l’un des mieux placés pour exercer ces fonctions », estime Alain Joyandet, sénateur LR et ancien secrétaire d’Etat de Nicolas Sarkozy. Ardent défenseur d’une coalition entre LR et le bloc central depuis plusieurs mois, comme Nicolas Sarkozy ou Franck Louvrier, maire de La Baule-Escoublac, Alain Joyandet ne voit pas vraiment d’autres solutions. Par ailleurs, le sénateur loue le profil de Xavier Bertrand tenant d’une ligne sociale à droite, opposé au Rassemblement national et capable de « rassembler jusqu’à une partie de la gauche ». « Il nous faudra un premier ministre de centre-droit, qui fédère qui respecte qui dirige, qui protège les français […] pour travailler avec lui depuis dix ans, je sais que Xavier Bertrand a toutes ces qualités et qu’il a en plus l’expérience », abonde Jean-François Rapin, sénateur LR du Pas-de-Calais.

S’il ne remet pas en cause les qualités de l’ancien ministre du travail, Laurent Duplomb, sénateur LR de Haute-Loire, ne cache pas sa lassitude. « A chaque fois qu’il y a un remaniement ou un changement de gouvernement, Xavier Bertrand fait un appel d’offres, c’est normal qu’il tente encore une fois, c’est maintenant ou jamais », lance l’élu de Haute-Loire. A l’inverse, Alain Joyandet voit du courage et de la responsabilité dans la démarche du président de la région Hauts-de-France : « Je remercie Xavier Bertrand, il prend un risque, maintenant c’est à notre famille politique de l’aider ». Partagé, le sénateur du Rhône, Etienne Blanc veut trancher les incertitudes et les hésitations au sien de son parti. « Xavier Bertrand a de l’expérience, il a des qualités incontestables, mais on ne sait pas ce que pensent les militants de l’idée d’une coalition », pointe le sénateur du Rhône.

La grande clarification, mais chez LR

« Après tout ce qu’il s’est passé ces dernières semaines, je pense qu’il est nécessaire d’en revenir aux militants, de les consulter pour savoir s’ils souhaitent qu’il y ait un accord de gouvernement avec le bloc centriste », affirme Etienne Blanc. Marqué par le départ d’Éric Ciotti, le sénateur anticipe une perte d’influence de LR à venir si le parti ne se positionne pas par rapport au Rassemblement national. « Nous avons un problème interne à LR, un certain nombre de militants pense qu’Éric Ciotti a eu raison. On est dans la plus grande confusion », déplore le sénateur du Rhône. Surtout, Etienne Blanc estime qu’il est temps de mettre sur la table plusieurs sujets et notamment celui du rapport au RN. « Si l’on veut éviter une censure, il faut s’assurer de la neutralité du RN sur un certain nombre de sujets, sinon ça ne passera pas », continue l’élu du Rhône. Ce dernier refuse une coalition qui aurait pour effet de revoir ses positions sur des sujets comme l’immigration ou la sécurité estimant que les militants ne l’accepteraient pas. « A force de considérer les militants uniquement comme des colleurs d’affiches et de ne pas les consulter, ils quittent le parti », s’inquiète Etienne Blanc.

Rester dans l’opposition, la meilleure stratégie pour 2027 ?

Plus encore que Xavier Bertrand, c’est la stratégie à adopter pour cette nouvelle législature qui divise. « LR ne peut pas rester spectateur jusqu’à la présidentielle, certains pensent qu’il ne faut participer à rien, je pense que c’est un risque majeur. Si on veut un candidat au deuxième tour en 2027, il faut rassembler tout ce qu’il y a entre extrême droite et extrême gauche », développe Alain Joyandet qui redoute un second tour entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen en 2027. Une position qui reste minoritaire chez les sénateurs LR mais qui progresse rapidement assure l’ancien ministre : « de plus en plus de sénateurs sont ouverts à l’idée de conclure un accord de gouvernement ».

A l’inverse, Laurent Duplomb balaye l’idée d’une coalition menée par Xavier Bertrand comme rempart aux extrêmes et refuse catégoriquement de jouer les supplétifs des forces macronistes. « Je ne suis pas en faveur d’une coalition avec le bloc central, le en même temps ne mène à rien. Je n’ai pas fait sept ans d’opposition pour aujourd’hui aller avec Emmanuel Macron, ceux qui veulent d’un accord sont extrêmement minoritaires au sein du parti », s’agace le sénateur de la Haute-Loire. Pour ce dernier, la position de LR est claire et le pacte législatif présente les points sur lesquels LR est prêt à travailler. Mais alors pourquoi avoir accepté un accord pour la distribution des postes clés à l’Assemblée nationale s’étonne Jean-François Rapin : « Il est paradoxal d’avoir pu négocier des postes à l’assemblée nationale avec le camp d’Emmanuel Macron sans envisager de pouvoir travailler à un gouvernement de « cohabitation » ou « d’union nationale ». Le sénateur du Pas-de-Calais note d’ailleurs que le pacte législatif ne peut se cantonner aux rangs de la droite. « La France ne peut pas se permettre d’attendre trois ans que l’eau coule sous les ponts ou que les stratégies pour la présidentielle de 2027 l’empêchent d’avancer », ajoute-t-il.  « Oui, Il y a le pacte législatif pour faire des majorités sur certains textes, mais que fera-t-on au moment du vote du budget ? » s’interroge Alain Joyandet.

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