Les mesures d’Eric Dupond-Moretti face au « délabrement » de la justice

Les mesures d’Eric Dupond-Moretti face au « délabrement » de la justice

A l’occasion d’une conférence de presse, le garde des Sceaux a présenté une soixantaine de « mesures opérationnelles et concrètes » en faveur de la justice en France. Parmi les principales annonces : une hausse importante du budget sur cinq ans et le recrutement de plusieurs milliers de fonctionnaires et contractuels. Eric Dupond-Moretti a parlé de « moment extrêmement important pour le ministère » de la justice.
Quentin Calmet

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« La parole est désormais aux actes ». C’est avec ces mots que le garde des Sceaux a introduit sa conférence de presse, jeudi matin. Les annonces d’Eric Dupond-Moretti étaient très attendues, six mois après la remise, en juillet 2022, d’un rapport issu des Etats généraux de la Justice qui alertait - à nouveau - sur l’état de délabrement de l’institution en France.

Effort budgétaire inédit

Le garde des Sceaux a promis une nouvelle augmentation du budget de la Justice dès 2023. Cette forte hausse, de 7,5 milliards d’euros d’ici 2027 sera inscrite dans un projet de loi de programmation et d’orientation de la Justice, qui doit être présenté dans les prochaines semaines.

En conférence de presse, jeudi 5 janvier 2023, Eric Dupond-Moretti a précisé que « ces moyens permettront, entre autres, de revaloriser les agents du ministère, de poursuivre et de finaliser le plan ‘15 000 places de prison’, de moderniser, d’agrandir les palais de Justice en cohérence, notamment, avec les exigences de transition écologique, de numériser la Justice et surtout, surtout, de recruter massivement pour renforcer les effectifs. »

Des milliers de recrutements sur cinq ans

Ces financements supplémentaires devraient notamment permettre de nouveaux recrutements. Sur cinq ans, ce sont au total 10 000 embauches promises par le garde des Sceaux, dont 1500 magistrats et 1500 greffiers, « et un nombre très important d’assistants du magistrat », a ajouté Eric Dupond-Moretti. Une réponse directe aux conclusions des Etats généraux de la Justice qui avaient chiffré à 1500 le nombre de magistrats supplémentaires nécessaires, ainsi que 2500 juristes assistants et 2500 adjoints.

Le garde des Sceaux a salué cet effort dans les recrutements : « En cinq ans, a-t-il dit, nous aurons recruté autant de magistrats que durant ces vingt dernières années. »

Des moyens en faveur de la justice civile

Eric Dupond-Moretti a également présenté de nouveaux mécanismes pour accélérer les procédures de la justice civile qui représente, à elle seule 60 % des procédures judiciaires.

Le garde des Sceaux souhaite tout d’abord développer la « politique de l’amiable », avec des justiciables davantage impliqués dans la résolution des contentieux. Il a également présenté deux nouvelles procédures : la « césure du procès civil », qui vise à faire trancher par le juge le fond du litige et ensuite « d’inciter les parties à s’entendre sur les conséquences », a expliqué Eric Dupond-Moretti.

Deuxième annonce en matière de justice civile : « l’audience de règlement amiable ». Les juges seraient alors amenés à chercher des compromis entre les justiciables en dehors des salles d’audience. Un changement de pratique professionnelle, « une nouvelle culture de l’amiable » que les magistrats devront progressivement « intégrer », a expliqué le garde des Sceaux.

Enfin, le garde des Sceaux a promis de simplifier les procédures, en matière de justice civile, afin de « desserrer les délais de procédure », prévus par les décrets. Ce travail doit s’opérer avec les avocats, a expliqué Eric Dupond-Moretti. Le ministre a ainsi fixé un objectif pour la fin du quinquennat : réduire par deux les délais liés aux procédures civiles.

Vers une refonte de la procédure pénale


Enfin, dernière série d’annonces : le garde des Sceaux a évoqué une « modernisation » du code de la procédure pénale, « à droit constant ». « Cette refonte prévoit spécifiquement la simplification des cadres d’enquête », a ajouté Eric Dupond-Moretti.

Un comité scientifique doit désormais suivre cette refonte, ainsi que les parlementaires « des deux assemblées », qui pourront également participer à ces travaux de refonte.

Un plan d’action qui répond aux Etats généraux de la Justice

Ces annonces visaient à répondre au désarroi de la profession. Eté 2021, François Molins, le procureur général auprès de la cour de Cassation, ainsi que de Chantal Arens, première présidente de la Cour de cassation jusqu’en juin 2022, alertaient à nouveau sur l’état de délabrement de la Justice.

Emmanuel Macron avait alors proposé de lancer de grandes concertations pour répondre au désarroi formulé par les deux plus hauts magistrats judiciaires.

Pendant six mois, un « comité des Etats généraux de la Justice », présidé par Jean-Marc Sauvé, l’ancien vice-président du Conseil d’Etat, avait planché sur les difficultés rencontrées par la profession. A la clé, des milliers d’heures d’échanges avec tous les acteurs de la Justice. Le constat final rendu en juillet 2022 au président de la République était extrêmement sévère. La Justice est « en très grande difficulté », avait dit alors Chantal Arens, parlant de « crise majeure de l’institution judiciaire qui n’a plus les moyens de ses missions. »

Un projet de loi examiné au printemps

Prochaine étape pour le garde des Sceaux : faire voter le projet de loi de programmation et d’orientation de la Justice par le Parlement. Eric Dupond-Moretti est ainsi attendu en audition par la commission des lois du Sénat, le mercredi 11 janvier, afin de présenter ce texte aux sénateurs. Une nouvelle étape dans le passage aux actes, souhaité par le garde des Sceaux et attendu par tous les professionnels de la Justice.

 

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