FRA : Assemblee Nationale : Questions au Gouvernement

L’élection du président de l’Assemblée nationale, l’autre casse-tête des députés en l’absence de majorité claire

Avec un paysage politique désormais scindé en trois grands blocs, les tractations à l’œuvre d’une formation à l’autre pour permettre l’élection d’un président à l’Assemblée nationale, le 18 juillet, pourraient, en creux, dessiner les contours d’une future majorité de gouvernement.
Romain David

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Au milieu du brouillard ambiant, c’est une date qui devrait permettre d’y voir un peu plus clair. Le 18 juillet, à 15 heures, l’Assemblée nationale procédera à l’élection de son (sa) nouveau (elle) président(e). Au préalable, la XVIIème législature de la Cinquième République sera ouverte par le doyen d’âge de l’assemblée élue, comme l’exige le règlement du Palais Bourbon, en l’occurrence le député RN des Bouches-du-Rhône José Gonzalez, 81 ans. « Cela devrait effectivement donner une direction. Traditionnellement, le président de l’Assemblée nationale est de la même couleur politique que le gouvernement », nous faisait remarquer en milieu de semaine le politologue Olivier Rouquan, enseignant-chercheur associé au Centre d’études et de recherches de sciences administratives et politiques (Cersa) de Paris.

Dans une assemblée tripartite, privée de majorité claire à l’issue du second tour des législatives anticipées, l’élection du président permettrait d’identifier un centre de gravité. Elle donnerait également une indication sur le camp vers lequel pourrait potentiellement se tourner le président de la République pour choisir le prochain Premier ministre : en effet, la force politique – ou le groupement de forces politiques – qui aura réussi à porter jusqu’au perchoir son candidat pourrait aussi être le garant d’une forme de stabilité parlementaire. Un chef de gouvernement issu de ses rangs serait donc potentiellement en mesure d’échapper à la censure. À moins qu’une candidature de compromis, objet d’un accord de circonstance, ne soit plébiscitée par plusieurs partis. Par exemple pour faire barrage au candidat du Rassemblement national.

Le président de l’Assemblée nationale est élu à bulletin secret par les députés. Chacun des 577 élus peut se porter candidat. Trois tours de scrutin sont prévus. Si aucun candidat n’a réussi à glaner une majorité absolue de suffrages exprimés lors des deux premiers tours (au moins 289 voix), un troisième tour est prévu, à l’issue duquel la majorité relative suffit. En cas d’égalité des suffrages, c’est le candidat le plus âgé qui accède à la présidence. Etant donné la configuration actuelle, une élection à la majorité absolue des suffrages dès le premier tour semble exclue.

Yaël Braun-Pivet sur la ligne de départ

En 2022, Yaël Braun-Pivet avait été élue au second tour, par 242 voix sur 462 exprimées. Son principal concurrent, le RN Sébastien Chenu, s’était finalement retiré, conscient de ne pas pouvoir glaner un nombre suffisant de voix. La présidente sortante a confirmé au micro de France Inter qu’elle serait candidate à sa succession. « C’est mon souhait. Il faut évidemment que j’en discute avec mon groupe politique et les partenaires de la majorité. Mais c’est mon souhait. J’ai été présidente de l’Assemblée à un moment où la place des femmes recule encore en politique. Si cette fonction était à nouveau confiée à un homme, ce serait un très mauvais signal pour les femmes », a-t-elle expliqué.

Mais elle va devoir faire avec la recomposition politique qui s’opère depuis plusieurs jours au sein de son propre camp. Un temps pressenti pour prendre la tête du groupe Renaissance, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et l’ex-Première ministre Élisabeth Borne ont finalement choisi de laisser la place à une candidature de Gabriel Attal… pour mieux reporter leurs ambitions sur le perchoir ? Quid aussi de Sylvain Maillard ? Le président sortant du groupe Renaissance a choisi de laisser son poste, mais il pourrait tout aussi bien viser d’autres fonctions au sein de la nouvelle assemblée. En 2022, la candidature de Yaël Braun-Pivet avait été départagée par un vote interne à la majorité, face à celle de Roland Lescure. « Yaël n’est pas complètement assurée d’obtenir les 160 voix des députés Ensemble !. Elle ne fait plus l’unanimité au sein du groupe. À titre personnel, j’ai peu apprécié ses dérapages envers le chef de l’Etat », nous confie un poids lourd macroniste.

La députée des Yvelines devra également sonder les partenaires du parti présidentiel, le MoDem et Horizons, qui avaient fait le choix de ne pas présenter de candidat il y a deux ans. Mais Yaël Braun-Pivet doit aussi élargir au-delà du camp présidentiel, et là les choses se compliquent.

« Laurent Wauquiez va faire monter les enchères, il aurait tort de se priver »

Alors qu’une partie des macronistes aspire à la formation d’une coalition avec Les Républicains, afin de doubler la gauche arrivée en tête dimanche dernier, la députée des Yvelines pourrait avoir à monnayer le soutien d’une partie de la droite. Pas sûr toutefois que le très droitier Laurent Wauquiez, tout juste choisi pour prendre la tête du groupe LR, accepte de tendre la main à cette représentante de l’aile gauche de la macronie, passée par les rangs socialistes.

D’autant qu’un soutien des LR à sa candidature serait rapidement interprété comme une forme de rapprochement avec la majorité sortante, à rebours de la ligne d’indépendance qu’il a défendu jusqu’à présent. « Ces discussions pourraient poser les premières pierres vers un accord de gouvernement. Mais Laurent Wauquiez va faire monter les enchères, il aurait tort de se priver », poursuit le parlementaire interrogé plus tôt. Ce proche d’Emmanuel Macron suppose que la droite va tenter d’imposer au bloc du centre la candidature d’Annie Genevard, la vice-présidente des LR. Elle avait déjà tenté de briguer ce poste en 2022.

Autre difficulté pour le ou la candidat(e) du camp présidentiel : dans l’hypothèse d’un duel avec un candidat issu du Nouveau Front populaire, il pourrait bénéficier des voix du Rassemblement national, une situation difficile à justifier après une campagne de second tour articulée autour du barrage républicain… Selon nos informations, l’hypothèse d’un président d’assemblée élu avec les voix du parti de Marine Le Pen ou de La France insoumise reste une ligne rouge.

Le Nouveau Front populaire se cherche une candidature

Pour le Nouveau Front populaire, l’accession au perchoir d’un président issu de ses rangs lui permettrait de confirmer son avance sur ses concurrents. Si rien n’oblige le Président de la République à choisir son Premier ministre au sein de la majorité parlementaire, il serait compliqué pour Emmanuel Macron de ne pas tenir compte de l’ancrage du bloc de gauche dans la nouvelle assemblée.

Alors que le nom d’un éventuel Premier ministre issu des rangs de la gauche se fait toujours attendre, le choix du candidat à la présidence de l’Assemblée nationale est également au cœur des discussions entre les formations politiques. Le Nouveau Front populaire a tout intérêt à ne proposer qu’un seul nom, comme l’avait fait la NUPES en son temps, avec la candidature de la socialiste Fatiha Keloua Hachi.

À ce stade, l’écologiste Sandrine Rousseau est la seule à avoir confirmé son envie de candidater, jeudi sur RMC. « On a un gros enjeu sur l’Assemblée nationale pendant au moins l’année qui vient », a expliqué la députée de Paris, faisant valoir le renforcement du parlementarisme à l’issue de ces législatives. Le nom de sa collègue Cyrielle Chatelain, présidente sortante du groupe écologiste, souvent présentée comme une figure consensuelle à gauche, est également évoqué.

« Le nom de Boris Vallaud, le président du groupe, circule chez les socialistes. L’objectif, c’est de proposer deux candidatures trés solides au reste du NFP, Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS, pour Matignon, et Boris Vallaud au perchoir, en espérant récupérer un des deux postes », indique un sénateur PS. En effet, il est assez peu probable que le perchoir echoit dans les négociations au parti dont sera issu le candidat de la gauche pour Matignon.

L’hypothèse Charles de Courson

Le député LIOT Charles de Courson a fait savoir au Parisien sa volonté de se lancer dans la course. Réélu pour la septième fois dans la Marne le 7 juillet, de justesse face à un candidat RN, il s’est imposé au cours de la précédente législature comme l’une des principales figures d’opposition à la réforme des retraites, opérant un rapprochement de circonstance avec la NUPES. Déjà à l’issue des précédentes législatives, le retrait de sa candidature pour la présidence de la très convoitée commission des Finances avait permis à l’insoumis Éric Coquerel de l’emporter, la gauche étant déterminée à ne pas laisser ce poste au RN.

Elu sans interruption depuis 1993, personnage éminemment respectée dans l’hémicycle, Charles de Courson pourrait théoriquement s’imposer comme une figure de consensus, réunissant derrière son nom les députés de son groupe, ceux de la gauche et même certains élus de droite. Quand bien même sur le papier tout semble devoir séparer le centriste, chantre d’une certaine austérité budgétaire, du programme économique porté par le NFP, si ce n’est cette volonté de recentrer les efforts sur les plus aisés. « Je veux bien tester la stratégie du plus petit dénominateur commun mais si on en arrive là, ce sera vraiment notre dernière roue de secours », soupire un parlementaire socialiste.

Enfin, coté Rassemblement national, le vice-président sortant de l’Assemblée nationale, Sébastien Chenu, devrait être candidat comme en 2022. Au moins pour la forme : bien que disposant du premier groupe, le parti de Marine ne le Pen n’a que très peu de chances d’atteindre le perchoir face aux velléités des deux blocs qui lui font face.

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