Législatives : « Une possibilité sérieuse de majorité absolue pour le RN », analyse Gilles Finchelstein
Par Alexis Graillot
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A quelques heures seulement de la fin de la campagne des législatives, l’actualité politique s’est nettement accélérée ces dernières semaines, depuis la dissolution de l’Assemblée nationale par le chef de l’Etat à l’issue des élections européennes. Un scrutin où son camp a subi une défaite cinglante (14.5%), plus de la moitié moins que le score du RN (31.5%), et talonné de près par Raphaël Glucksmann (13.6%).
Le RN va-t-il obtenir une majorité absolue ? La participation peut-elle faire basculer le scrutin ? Le « front républicain » peut-il encore fonctionner ? Autant de questions auxquelles Gilles Finchelstein, politologue à la Fondation Jean-Jaurès, a bien voulu répondre, ce vendredi 28 juin, dans la matinale de Public Sénat.
« Risque d’une chambre ingouvernable »
Pour le politologue, « un seul » parti a aujourd’hui la capacité d’atteindre la majorité absolue, en l’espèce, le RN. Dans le cas contraire, il estime que le « risque d’une chambre ingouvernable », constitue une « perspective sérieuse », d’autant plus que le rapport de force semble « fixé ». « Je pense qu’on a le tiercé dans l’ordre », estime-t-il, tout en considérant que jusqu’à présent, « la hausse de la participation a peu modifié le poids relatif des blocs ».
En revanche, comme nous vous l’expliquions il y a quelques jours, une augmentation de la participation a un « impact très important sur la configuration des seconds tours », celle-ci ayant comme conséquence de baisser le seuil de qualification, et donc de multiplier les triangulaires, à savoir des affrontements entre les candidats des 3 blocs. En l’état actuel des choses, l’ensemble des instituts de sondages table sur une participation comprise entre 63 et 66%, chiffre dont Gilles Finchelstein pense qu’il peut encore augmenter de « quelques points ».
Les « inconnues » de l’entre-deux-tours
Pour autant, le politologue se montre très prudent sur les projections en sièges, dont tous les sondeurs répètent qu’elles sont à prendre avec beaucoup de précautions. « Inconnues » sur les consignes de vote, inconnues sur les comportements des électeurs. « Si le rapport de force bouge peu, ce résultat constituera un choc », note-t-il, estimant que « les électeurs ne l’ont pas encore intégré ». En effet, selon l’étude Ipsos, si 60% de l’ensemble des électeurs pronostiquent une victoire du RN, 65% des électeurs du Nouveau Front Populaire (NFP), pronostiquent une victoire de leur camp … et même 45% des électeurs d’Ensemble, alors que le bloc présidentiel est très largement distancé dans les sondages. « Ce retour à la réalité du risque qui n’a pas encore été intégré par les électeurs », analyse-t-il.
Autre difficulté pour les sondeurs : les reports de voix. Aujourd’hui, les consignes de vote semblent en effet de moins en moins fonctionner auprès des électeurs, 74% d’entre eux déclarant ne pas suivre les consignes de leur parti, selon une étude Elabe pour BFMTV et La Tribune Dimanche. « Parmi les électeurs d’Ensemble, 1/3 veulent faire barrage au NFP, 2/3 au RN », note Gilles Finchelstein, un chiffre qui est inversé pour l’électorat LR. « Il existe un risque que les reports soient mauvais », présage-t-il. Avant d’ajouter : « La question n’est pas de savoir s’il y a une équivalence, mais où se trouve le danger le plus imminent ».
D’autant plus que les réserves de voix de l’alliance de gauche sont faibles, celle-ci ne faisant même pas le plein au sein de son électorat : « En politique, 2+2 ne font jamais 4, un peu moins que 4 en termes de voix, un peu plus de 4 en termes de sièges », métaphorise le politologue, qui pointe « une déperdition de l’électorat socialiste », 16% des électeurs de Raphaël Glucksmann aux élections européennes ayant l’intention de se tourner vers le bloc présidentiel. « Ce n’est pas rien, mais ce chiffre est deux fois moins important que les législatives de 2022 », nuance-t-il cependant, alertant cependant sur le côté « repoussoir » que constitue La France Insoumise pour de nombreux électeurs.
« Pour l’entre-deux-tours, la question va se poser d’abord pour la première fois au parti du bloc présidentiel, car ce sont eux qui seront majoritairement troisième et qui se retrouveront dans cette configuration [de se retirer] ». « Ce qui est sûr, c’est que nous sommes dans un moment de décomposition-recomposition », conclut-il.
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