Législatives : que disaient les sondages 2 jours avant le scrutin en 2022 ?
Par Alexis Graillot
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Après 3 semaines d’une campagne inédite, les Français sont appelés aux urnes ces dimanches 30 juin et 7 juillet, afin d’élire leurs 577 députés qui siégeront à l’Assemblée nationale, 3 semaines après la dissolution prononcée par le président de la République, à la suite de l’échec retentissant de la liste de Valérie Hayer (14.5 %), devancée de 17 points par celle de Jordan Bardella (31.5 %).
Le rapport de force sera-t-il le même dimanche ? Le RN peut-il encore perdre l’élection ? La gauche peut-elle créer la surprise ? La majorité va-t-elle résister ? La participation changera-t-elle tout ? Autant d’inconnues avant des élections législatives, qui n’auront sans doute jamais été aussi incertaines sous la Ve République. Faut-il dès lors se fier aux intentions de vote et aux projections faites par les différents instituts ? Public Sénat vous rafraîchit la mémoire sur les estimations d’avant-veille du scrutin de 2022, au regard de la composition finale de l’hémicycle.
Participation et intentions de vote : ils avaient vu juste
Commençons par les bons points. Du côté de la participation, tous les instituts s’étaient relativement bien positionnés, tablant tous sur une participation historiquement basse, comprise selon les sondeurs entre 45 et 49 %. Finalement, celle-ci s’était établie à 47.51 %, son plus faible taux sous la Ve République. « On est véritablement dans une élection peu mobilisatrice, avec des législatives qui peinent à trouver leur utilité », expliquait alors Brice Teinturier, chez nos confrères de franceinfo, le 9 juin 2022. Et de continuer : « Nous avons une participation qui pourrait être comprise entre 44 et 48%, donc une abstention qui pourrait être à 54 %. En 2017, c’était déjà un record, l’abstention était à 51,3 %. Donc, on est véritablement dans une élection peu mobilisatrice ». Des propos qui s’avéreront tout à fait exacts, la faute notamment à un électorat extrêmement démobilisé du côté de l’extrême-droite. Selon le sondage Ifop-Fiducial pour LCI réalisé 2 jours avant l’élection, « les électeurs ayant voté Marine Le Pen et Éric Zemmour au premier tour de la présidentielle seraient respectivement 56 % et 51 % à bouder les urnes ».
Cette abstention pressentie du côté des électeurs de l’extrême-droite se montrera tout à fait exacte au soir du 12 juin 2022, le RN ayant recueilli 4 248 626 voix, bien loin des 8 133 828 électeurs de la présidentielle, ayant eu lieu seulement 6 semaines avant. La faute à une campagne ratée de la part de la finaliste de l’élection présidentielle : « Marine Le Pen pâtit d’une campagne poussive et tardive où elle et ses troupes n’ont pas su donner de ligne directrice : pas d’idées fortes ou facilement identifiables, beaucoup de temps passé à lancer et à répondre aux piques des partisans d’Éric Zemmour… Le RN a été inaudible et voit peu à peu ses intentions de vote s’éroder », notait Le Monde. Estimé entre 19 et 20 %, le parti d’extrême-droite avait finalement terminé ce 1er tour avec18.68 % des suffrages.
Quant aux intentions de vote, les sondeurs avaient là aussi visé juste, ayant estimé la NUPES (alliance de gauche) entre 25 et 27 %, au coude-à-coude avec la majorité présidentielle sortante, qui elle, était située entre 26 et 28 %. « La majorité présidentielle et la Nupes dans un mouchoir de poche », titrait par exemple Sud-Ouest. Constat analogue chez nos confrères de RTL : « Ces dernières semaines, le duel s’est installé entre le camp d’Emmanuel Macron et l’alliance de la gauche formée autour de Jean-Luc Mélenchon ». Au final, la majorité présidentielle (25.75 %) devancera d’extrême justesse la NUPES Quant aux Républicains et divers droite, estimés entre 11 et 12 %, leur score aura été quelque peu sous-estimé, ces derniers obtenant un score agrégé de 13.52 %.
Composition de l’hémicycle : ils se sont trompés
Ça, c’était pour les bons points. En revanche, les projections du futur hémicycle ont été mises en échec. La faute à une difficulté majeure pour les sondeurs : celle de mesurer les dynamiques électorales à l’œuvre dans chacune des circonscriptions, comme l’expliquait Erwan Lestrohan, directeur conseil chez Odoxa dans nos colonnes, il y a quelques jours. « Pour le RN, ce n’est pas Jordan Bardella qui va se présenter dans 577 circonscriptions, dont on sait qu’elles vont en partie bénéficier aux sortants. Les contextes locaux vont évidemment jouer dans l’élection ou la non-élection d’un député ». Même chose vis-à-vis des reports de voix : « En cas de duel entre le NFP et le RN, un électeur breton LR se reportera davantage vers le NFP, le front républicain fonctionnant encore à peu près. La situation est différente en région PACA car la porosité entre l’électeur LR et l’électeur RN plus forte ».
En 2022, de nombreuses précautions avaient également été prises par les différents instituts, qui avaient tous prévenu de la difficulté à effectuer de telles projections avant le 1er tour. « Il y a vraiment une certaine fragilité parce que tout dépend des reports que nous aurons entre le premier et le second tour. Nous avons 127 sièges qui se jouent à deux points et 62 sièges qui se jouent à un point. Si vous y ajoutez que dans 50 circonscriptions, le troisième est à un point du deuxième, vous voyez tout de suite à quel point vous pouvez avoir 40, 50 sièges qui peuvent ripper d’un bloc à l’autre », notait alors Brice Teinturier, directeur général délégué de l’Ipsos, auprès de franceinfo. Son confrère, Bernard Sananès, président de l’institut Elabe, avançait des éléments similaires : « À la présidentielle, il n’y a qu’une grande circonscription qui s’appelle la France. Aux législatives, il faut en sonder 577 », expliquait-il auprès de nos confrères de BFMTV.
Pour en venir aux chiffres, les instituts tablaient dans leur majorité, à la veille du 1er tour, sur une majorité quasi-absolue pour la majorité présidentielle, se situant selon les estimations, entre 270 et 320 sièges. Pour rappel, la majorité absolue est atteinte au seuil de 289 députés, soit 50 % + 1 député de la composition de l’Assemblée nationale, qui compte 577 parlementaires. Selon le décompte officiel, au lendemain de l’élection, le parti présidentiel perdra très largement sa majorité, n’atteignant que 245 élus.
La NUPES s’est elle aussi avérée être largement surestimée par les sondeurs, la fourchette étant comprise selon les instituts entre 145 et 210 élus. L’alliance de gauche n’atteindra même pas cette projection basse, puisqu’elle ne réunira que 131 sièges. De l’autre côté de l’échiquier politique, les instituts n’avaient également pas anticipé le nombre considérable de sièges récoltés par le RN au soir du 2e tour. Alors qu’aucun d’entre eux ne voyait le parti d’extrême-droite dépasser les 50 élus, ce dernier enverra 89 parlementaires au sein du Palais Bourbon.
Preuve s’il en fallait que, si les sondages se trompent rarement en ce qui concerne les intentions de vote, ils ne peuvent que trop difficilement mesurer des dynamiques très locales, qui peuvent tenir à l’implantation d’un élu, des problématiques très spécifiques d’un territoire, ou encore le nombre considérable de circonscriptions qui peuvent parfois se jouer à quelques voix. Comme le disent l’ensemble des instituts, les sondages ne constituent qu’une photographie de l’opinion à un instant T, et en aucun cas, un outil prédictif. Réponse le 7 juillet prochain.
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