Législatives : pourquoi une majorité étriquée pour Emmanuel Macron pourrait profiter à Edouard Philippe

Législatives : pourquoi une majorité étriquée pour Emmanuel Macron pourrait profiter à Edouard Philippe

Si En Marche a besoin des voix des députés Horizons, le parti d’Edouard Philippe, pour former la majorité à l’issue des législatives, l’ancien premier ministre pourrait en tirer profit. De quoi renforcer la machine électorale qu’il met en place pour 2027. Si « la guerre de succession a déjà commencé », les philippistes n’entendent pas pour autant jouer le rôle de « frondeurs ».
François Vignal

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L’hypothèse semble de plus en plus probable. Renaissance (nouveau nom de LREM), devrait ne pas avoir la majorité absolue seul, comme en 2017. Le parti présidentiel risque de devoir compter et composer avec ses alliés de la majorité, rassemblés au sein d’Ensemble. Si la perspective d’une majorité relative pour LREM peut compliquer les affaires d’Emmanuel Macron, elle pourrait arranger le Modem bien sûr, mais surtout Horizons, le parti d’Edouard Philippe qui compte bien peser dans la prochaine législature. Pour rappel, la majorité absolue se situe à 289 sièges.

Après le premier tour des législatives, où Horizons a pu obtenir 58 candidats investis, suite aux négociations avec En Marche, le parti d’Edouard Philippe pourrait espérer 20 ou 30 députés. De quoi former, comme prévu, un groupe parlementaire à l’Assemblée, synonyme de moyens et de temps de parole dans l’hémicycle.

« Chaque sensibilité va peser, si on a une majorité courte »

Edouard Philippe, qui cache à peine ses ambitions pour prendre la succession d’Emmanuel Macron en 2027, assure et répète qu’il sera loyal. « Mon seul objectif aujourd’hui, c’est d’assurer au pays une majorité stable, solide et cohérente avec le programme du président de la République » affirme l’ancien premier ministre au Figaro. « Les commentateurs politiques n’ont de cesse de dire, tantôt qu’Horizons ne servira à rien, tantôt que son rôle sera central ; une semaine, que c’est un caillou dans la chaussure de la majorité ; la suivante, constatant mes propos et mes actes, que ma loyauté est assurée. Cela me semble moins pertinent que de se demander ce que fera le pays en cas de majorité relative », soutient-il dans le quotidien, sans dire quelle description lui paraît la plus juste. Peut-être un peu des quatre au fond, selon les circonstances.

Et si les circonstances poussent les députés Renaissance à avoir besoin des voix des philippistes pour faire adopter les réformes, ça change l’équation. « Chaque sensibilité va peser maintenant, si on a une majorité courte. Si on a 295 députés en comptant le Modem et Horizons, et qu’Horizons a 30 ou 40 députés, ça pèse. Ça peut bloquer », échafaudait hier un parlementaire macroniste. « Si on est un groupe important, bien sûr vous écrirez que ce groupe est décisif », imagine et espère un responsable d’Horizons, qui reconnaît que « si Horizons est charnière », les regards se tourneront vers les amis d’Edouard Philippe.

« Il y aura des petites banderilles ça et là »

« Bien sûr, quand les alliés ont plus de poids, on en tient compte », confirme un autre parlementaire qui a pris sa carte à Horizons. Mais le même minimise le risque de tension au sein de la future majorité :

A l’époque, dans la majorité RPR-UDF, les gens étaient responsables et ça se passait convenablement. Chacun défendait son bout de gras, mais les majorités n’ont jamais craqué.

Chez les proches d’Emmanuel Macron, on ne croit pas non plus à des tensions excessives. « Il y a des convergences sur presque tout. Il y aura des petites banderilles ça et là », minimise un ministre, qui tient à préciser qu’il n’y aura « pas de concession, ce sera un dialogue de co-construction ».

Un macroniste veut voir plus Horizons comme « un pouvoir d’exigence, pas de nuisance ». « Des modes d’expression plus ou moins dissonants, il y en a toujours eu. Au bout du compte, ce qui compte, c’est qui va voter. Mais je ne doute pas de la loyauté d’Edouard Philippe. Parce qu’il l’a été. Et parce que ce serait suicidaire. Les gens n’aiment pas les frondeurs », soutient ce parlementaire Renaissance.

« Une majorité plurielle est intéressante et nécessaire » selon Agnès Firmin Le Bodo

« Edouard Philippe a toujours déclaré que nous sommes loyaux. Bien sûr, c’est dans cette perspective que je me place. L’idée est d’élargir et d’ancrer la majorité », confirme la députée Agnès Firmin Le Bodo, porte-parole d’Horizons. Mais loyauté ne veut pas dire uniformité. Cette proche d’Edouard Philippe, élue dans l’ancienne circonscription du maire du Havre, défend l’idée qu’« une majorité plurielle est intéressante et nécessaire. Ce n’est pas facile mais à partir du moment où il y a la loyauté, ça permet à chacun de faire entendre sa voix ».

Illustration dans la mandature qui se termine : « La fin de vie, l’allocation adulte handicapés (AAH), ce sont des sujets où j’ai réussi à porter une voix différente, étant dans la majorité. C’est comme ça qu’on avance. Le dépassement, c’est aussi ça. Entre nous, on essaie d’avancer les uns vers les autres, d’être constructif », soutient Agnès Firmin Le Bodo, en bonne place pour le second tour dimanche. Mais « travailler ensemble, ce n’est surtout pas être frondeur », assure cette proche d’Edouard Philippe, « ce n’est pas parce qu’on n’arrive pas à faire progresser un sujet qu’il faut systématiquement se mettre dans une position de frondeur. Ce n’est pas parce que j’ai voté la déconjugalisation de l’AAH que je suis une frondeuse. Je suis fidèle à ce que je crois ».

Dans les 5 ans à venir, Horizons compte avancer sur d’autres sujets : « La dette » bien sûr, sujet cher à Edouard Philippe, « le pouvoir d’achat », « les problématiques de santé » ou « la problématique de recrutement dans tous les secteurs, qui ne concerne pas que la restauration », souligne la députée de Seine-Maritime.

« La majorité aura tout au contraire intérêt à être le plus unie possible car la traversée sera difficile »

D’autres croient que les circonstances pousseront les membres de la majorité à se serrer les coudes. « Je pense que la majorité aura tout au contraire intérêt à être le plus unie possible car la traversée sera difficile », prédit un sénateur Horizons. Un responsable du parti écarte lui l’idée que sa formation aurait intérêt à un scénario où LREM serait affaibli : « Plus vous réduisez la majorité, moins vous avez de députés Horizons. Il n’y a pas de calculs », assure-t-il.

Tout roule alors ? En privé, quelques macronistes sont cependant un peu moins bienveillants, remarquant que les autres candidats Horizons en Seine-Maritime n’ont pas très bien réussi au premier tour des législatives… On estime aussi qu’Edouard Philippe a été « responsable » des problèmes d’Emmanuel Macron : réforme des APL, 80 km/h ou la hausse des taxes sur les carburants, détonateur de la crise des gilets jaunes. De quoi compliquer son avenir présidentiel.

« La guerre de succession a déjà commencé »

Au moment, justement, où il faudra se démarquer en vue de 2027, la majorité commencera-t-elle à se fissurer ? D’autant que des députés sont déjà démarchés. Et pas que par Edouard Philippe. « Les mecs de chez Bruno Le Maire sont venus me démarcher. Je comprends qu’il est intéressé par 2027. Et chez Horizons, on me dit que Le Maire est un traître… La guerre de succession a déjà commencé. Je me sens un peu oppressée », sourit cette députée LREM qui a, jusqu’ici, résisté. Elle ajoute :

Le Maire, Philippe et Darmanin vont passer beaucoup de temps à se foutre sur la gueule.

« Bien entendu, à l’approche de 2027, vous aurez des écuries, différentes personnes qui voudront être candidates, mais ça n’entraînera pas du tout des tensions ou des frictions. La stratégie n’est pas fixée par ça », assure un parlementaire Horizons, qui imagine plus « une cohésion autour du Président, car le danger viendra de l’opposition ». « Ça va bien se passer. J’en suis intimement convaincue », assure de son côté Agnès Firmin Le Bodo. Les choses dépendront beaucoup du visage de la prochaine Assemblée nationale, dimanche prochain.

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