Paris: Macron welcomes Chilean President Gabriel Boric Font

Législatives : pourquoi l’absence de majorité absolue peut conduire à une crise de régime ?

Jordan Bardella a déclaré qu’il refusait d’être Premier ministre si son parti n’obtenait qu’une simple majorité relative aux législatives. Si l’on peut y voir tout d’abord un argument de campagne destiné à mobiliser l’électorat RN, l’absence de majorité absolue au soir du 7 juillet plongerait le pays dans une situation inédite.
Simon Barbarit

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Dans une longue interview accordée au Parisien, Jordan Bardella a posé ses conditions pour exercer le pouvoir. « Pour gouverner, j’ai besoin d’une majorité absolue. Qui peut croire qu’on pourra changer le quotidien des Français en cohabitation avec une majorité relative ? Personne. Je dis aux Français : pour nous essayer, il nous faut la majorité absolue », a déclaré le patron du RN, dont le parti est crédité de 33 % d’intention de vote aux législatives dans le dernier sondage Ifop paru lundi. Il devance d’une courte tête le nouveau Front Populaire, 28 %. Avec 18 %, le camp présidentiel est en troisième position.

Contrer « l’effet déceptif » sur son électorat

Pour Gabriel Attal, il s’agit ni plus ni moins d’« un refus d’obstacle » de la part de son rival. « Il y a de moins en moins de programme et de plus en plus de conditions », a raillé le Premier ministre sur franceinfo. « C’est un classique pour un responsable politique de demander à ses électeurs de lui accorder le pouvoir. Je dirai même que c’est banal. Nous n’avons pas en France de culture de la coalition. L’esprit de la Ve République permet des majorités d’appui, mais quel groupe politique accepterait de rejoindre le RN et les Républicains d’Éric Ciotti ? On se dirige tout droit vers une crise de régime », analyse la politologue Virginie Martin, professeure chercheuse à Kedge Business School.

Benjamin Morel, politologue et maître de conférences à l’université Paris II note lui aussi deux fonctions à cette déclaration du président du RN. « Ça permet de mobiliser les électeurs mais pas seulement. Même en cas de majorité absolue le 7 juillet, le Premier ministre, Jordan Bardella serait empêché dans l’application de son programme par le Président de la République, le Conseil Constitutionnel, mais aussi par la Commission européenne qui envisage de lancer une procédure disciplinaire contre la France pour déficit excessif. Si vous ajoutez à cela, une majorité relative, l’effet déceptif pour son électorat va battre son plein. Et l’objectif du RN reste tout de même 2027. Le scénario le plus probable nous amène donc à un blocage institutionnel ».

Jamais une dissolution n’a entraîné de majorité relative à l’Assemblée

En effet, les trois dissolutions de l’Assemblée nationale sous la Ve République ont toujours conduit à une majorité absolue pour le parti victorieux aux législatives anticipées. Même en 1986, la majorité de la droite et du centre, RPR/UDF, menée par Jacques Chirac, avait obtenu 286 élus mais elle pouvait compter sur une petite dizaine d’élus non-inscrits pour atteindre 289 sièges. La tripartition des forces politiques, comme on semble s’y diriger, conduirait à plusieurs options plutôt critiques, pour le chef de l’Etat.

Suivant la lettre de l’article 8 de la Constitution, « le Président de la République nomme le Premier ministre », Emmanuel Macron pourrait décider de conserver Gabriel Attal à Matignon. « Après tout, la Constitution de la Ve République a été rédigée à une époque de grande instabilité politique. C’est pourquoi le général de Gaulle voyait le Premier ministre comme une créature du Président. Il peut nommer qui il veut et il n’existe pas de vote d’investiture pour le Premier ministre », rappelle Mathieu Carpentier, professeur de droit public.

Une telle hypothèse ne survirait toutefois pas à l’adoption d’une motion de censure à plus ou moins long terme.

« Le Rassemblement national groupe majoritaire d’opposition ? »

Deuxième solution, Emmanuel Macron décide de composer un gouvernement « d’union nationale » en allant piocher à gauche et à droite des personnalités compatibles avec le camp présidentiel. « On pourrait alors se retrouver dans une situation inédite avec le Rassemblement national comme groupe majoritaire d’opposition. C’est d’ailleurs ce qui existe au Sénat où la majorité est dans l’opposition. Mais Imaginons que le RN obtienne 200 ou 220 élus, il pourrait accéder à la présidence de l’Assemblée nationale. Ce serait alors une première de voir un ou une présidente de l’Assemblée nationale d’un bord politique différent de celui du Premier ministre. La Conférence des Présidents et les commissions mixtes paritaires seraient alors hostiles au gouvernement. On verrait des textes être adoptés contre son avis, notamment des textes d’origine parlementaire, des propositions de loi. Le gouvernement pourrait aussi être tenté d’avoir recours à l’article 47 de la Constitution pour l’examen du budget en laissant courir les débats. Cet article prévoit que si Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours sur le projet de loi de finances, il peut le mettre en vigueur par ordonnance », explique Mathieu Carpentier. Une troisième solution consisterait à nommer un gouvernement « technique à l’italienne qui expédie les affaires courantes avec à sa tête une personnalité neutre politiquement », esquisse Virginie Martin.

Le président pourrait-il décider de dissoudre à nouveau ? La question peut paraître farfelue car l’article 12 de la Constitution est clair : « Il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l’année qui suit ces élections ». « Il est vrai que le Conseil constitutionnel est incompétent pour contrôler un décret de dissolution. Mais il peut en revanche invalider le décret de convocation des électeurs. Mais dans ce cas, il n’y aurait plus d’Assemblée nationale », note Benjamin Morel.

« La dissolution est un acte de gouvernement insusceptible de recours. Toutefois, en contrôlant le décret de convocation des électeurs, le Conseil constitutionnel pourrait constater que le délai d’un an n’a pas été respecté et en conclure que l’Assemblée nationale n’a pas été dissoute », complète Mathieu Carpentier.

Reste une ultime option pour le chef de l’Etat : la démission. En cas de vacance du pouvoir, l’intérim est exercé par le président du Sénat avant une nouvelle élection présidentielle organisée au plus tôt dans les vingt jours et au plus tard dans les trente-cinq jours. Un choix qu’il a déjà évacué publiquement par Emmanuel Macron tout comme il avait écarté l’hypothèse d’une dissolution il y a quelques semaines.

 

 

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