« LR, quel numéro de téléphone ? ». Trois jours après les résultats du second tour des législatives, Les Républicains peinent à déterminer une ligne commune, écartelés entre la volonté de voir une coalition « centrale » émerger et la non-compromission avec l’ex-majorité.
Ce mercredi, chacun y va de sa proposition de sortie de crise. La stratégie défendue par le président LR des Hauts-de-France, Xavier Bertrand et l’ex-patron des députés LR, Olivier Marleix place les Républicains au centre du jeu. « Il nous faut un gouvernement d’urgence avec des LR, des indépendants, le camp d’Emmanuel Macron, et peut-être aussi des hommes et des femmes de bonne volonté qui veulent clairement que notre pays ne soit pas paralysé », avait plaidé Xavier Bertrand sur France 2 qui précise que le Premier ministre devrait être une personnalité issue de LR
Olivier Marleix réélu en Eure-et-Loir grâce au barrage Républicain, a, lui aussi, mis un mouchoir sur ses relations détestables avec l’ancienne majorité. Dans une interview donnée au Figaro, l’ancien patron des députés LR estime lui aussi qu’Emmanuel Macron « devrait nommer un premier ministre issu des Républicains […] capable de composer une majorité incluant ceux qui se réclament de la droite, du centre et des valeurs républicaines ». Mardi, en réunion de groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau avait, pourtant, réaffirmé la stratégie d’autonomie et d’indépendance adoptée par les cadres du parti pendant la campagne, traumatisés par l’accord secret scellé entre leur président, Éric Ciotti et le RN. « L’autonomie et l’indépendance seront notre ligne », exposait Bruno Retailleau à publicsenat.fr.
Mais Bruno Retailleau a-t-il entendu les critiques émises par son allié au Sénat, le président du groupe centriste au Sénat, Hervé Marseille ? « Il faut savoir ce que l’on veut. Est-ce que LR préfère LFI ? A ce moment-là qu’ils le disent », a-t-il tancé dans la matinale de Public Sénat.
Un profil « à la Jean Castex »
Car dans une tribune publiée dans le Figarovox, le patron des sénateurs LR esquisse, lui aussi, une voie de sortie par le haut au chef de l’Etat. Sans aller jusqu’à appeler à la nomination d’un chef de gouvernement issu de LR, il s’exprime en faveur d’un « Premier ministre d’intérêt public ». « Vous devez appeler à Matignon une personnalité située au-dessus des clans et des courants, une personnalité apaisante et incontestable par sa compétence, son expérience, son sens de l’État et de l’intérêt général. Seule une telle personnalité sera capable de rallier une majorité parlementaire, sur les quelques textes essentiels pour éviter le blocage du pays et une crise financière qui toucherait d’abord les Français les plus fragiles », expose-t-il prenant soin de préciser, que nommer un Premier ministre « de gauche » « serait une faute impardonnable ». On comprend que le casting se limiterait donc à des personnalités en provenance de la droite. Contacté par Public Sénat, le patron de la droite sénatoriale dessine un portrait-robot du futur locataire de Matignon. « Un grand commis de l’Etat qui a le sens du service public, comme le fût Jean Castex ».
A ce sujet, la nouvelle rencontre, mardi, entre Gérard Larcher et Emmanuel Macron place une nouvelle fois le président du Sénat parmi les noms des premiers ministrables.
Même Laurent Wauquiez élu à la tête du groupe LR de l’Assemblée, désormais baptisé « droite républicaine, qui défend une ligne « sans compromission » avec la macronie, s’est dit ouvert à un « travail sur le fond », un « pacte législatif » avec des « propositions de loi » pour la « revalorisation de la France qui travaille ». Celui qui nourrit des ambitions élyséennes rejette, toutefois, toutes « coalitions gouvernementales ».
Chez les Républicains du Sénat aussi, les voix en faveur d’une « cohabitation constructive » se sont font entendre. Dans la matinale de Public Sénat, le président de la commission des lois, François-Noël Buffet a milité en faveur « de discussions » avec les députés d’Ensemble. « Il faut regarder toutes les pistes. Je ne sais pas si ça aboutira […] Ce qui m’anime le plus, c’est de ne pas laisser le pays à LFI. S’il y a un petit chemin, il faut le prendre », a-t-il appelé.
« C’est une addition de forces, ce n’est pas une fusion acquisition »
En réunion de groupe LR, hier, Agnès Canayer, sénatrice proche d’Edouard Philippe, a également fait part de sa volonté de voir se mettre en place « un gouvernement technique qui rassemblerait les blocs de droite et du centre. « Nous avons besoin d’une droite républicaine mais nous avons aussi besoin de travailler les uns avec les autres. Et ce n’est pas pour ça qu’on va perdre son âme. C’est une addition de forces, ce n’est pas une fusion acquisition. Et ça, beaucoup de mes collègues ont du mal à le comprendre. Il faut aussi que tout le monde intègre que cette crise est durable. Si nous avions des nouvelles élections législatives dans un an, je ne pense pas que le clivage droite gauche réapparaîtrait et que le RN serait réduit à peau de chagrin. Il faut donc faire évoluer nos pratiques législatives ».
« Je pense aussi que nous devons entrer dans une période de cohabitation responsable et exigeante. Les élections ont montré que l’opinion publique aspire à des valeurs de droite. On ne peut pas laisser les clés de Matignon à l’extrême gauche alors que nous avons une dette publique qui s’élève à plus de 3 000 milliards. Deux tiers des électeurs se sont déplacés pour cette élection nous avons quand même une exigence envers eux », souligne le rapporteur du budget, Jean-François Husson, qui a pris ses distances avec LR pendant la campagne.
Reste toujours une réalité comptable, la droite républicaine et le bloc Ensemble dépasseraient à peine les 200 élus à l’Assemblée nationale, loin d’une majorité relative. « On ne peut pas faire un gouvernement d’union nationale avec un seul camp », a d’ailleurs mis en garde François Bayrou à l’AFP. « Si vous passez par les partis, ce sont les intérêts partisans qui vont s’imposer », a-t-il rappelé.