La confusion continue de régner à droite, deux semaines après le ralliement du président des Républicains, Éric Ciotti, au Rassemblement national. Alors que les ténors du parti fondé par Nicolas Sarkozy s’accrochent à un troisième bureau politique pour tenter d’évincer le Niçois, qui entend conserver les rennes de LR, les départs se succèdent place du Palais Bourbon. Ce jeudi, c’est au tour d’Aurélien Pradié, en guerre de longue date avec Éric Ciotti, d’annoncer son départ. « Le parti auquel j’appartenais est mort et n’est plus capable de parler aux Français », lâche le député du Lot dans un entretien accordé à La Dépêche.
Aurélien Pradié, candidat à sa succession pour les législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet, part donc sous l’étiquette de son propre parti « Du courage ! ». Une micro-formation lancée en juin 2021, dans le cadre de la campagne des régionales en Occitanie. L’ancien vice-président des Républicains assure que « 30 candidats, dont 10 sortants issus des LR, » ont choisi de le rejoindre. Rarement ces petites formations, souvent méconnues des électeurs, n’auront autant fait parler d’elle à droite. Alors que l’avenir du parti est désormais suspendu à une bataille juridique à l’issue incertaine, de nombreux candidats ont fait le choix, dans le cadre d’une campagne éclair, de se réclamer de ces petites structures qui, bien souvent, ne servent que de vitrines.
« Une sorte de camp de base dans la tempête »
« Généralement, le rattachement se fait en fonction de l’implantation territoriale, autour d’un cador local », observe la sénatrice Sophie Primas, qui a annoncé quitter LR le 11 juin, mais qui avait déjà opéré un rapprochement avec « Nouvelle énergie », le parti fondé en 2021 par David Lisnard, le maire de Cannes.
« Nouvelle énergie » revendique 71 investitures, mais ils seraient moins d’une cinquantaine à s’y être officiellement rattaché lors du dépôt de candidature en préfecture, nous apprend Les Echos. « Le micro-parti, c’est un point de repli, une sorte de camp de base dans la tempête. Au moins, les candidats se sentent bien. Ils sont rassurés, ce qui est déjà pas mal, et ils peuvent affirmer qu’ils sont de droite », explique Sophie Primas.
Sur les affiches de campagne des soutiens de David Lisnard, le logo de « Nouvelle énergie » s’affiche en bonne place, celui des LR y est généralement plus discret, voire inexistant. C’est le cas pour Pascal Thevenot, dans la 2e circonscription des Yvelines, ou d’Alexandra Martin, candidate dans la 8e circonscription des Alpes-Maritimes, celle de David Lisnard. Certains candidats LR ont choisi de se dépouiller de toute affiliation sur leur visuel, comme François Durovray (8e circonscription de l’Essonne), un proche de Xavier Bertrand, qui se présente simplement comme candidat de « la droite républicaine indépendante ».
D’autres cumulent les soutiens en guirlande : sur certaines affiches, le visuel de « Nouvelle Energie » y côtoie celui de « Libres ! », la formation lancée par Valérie Pécresse en 2008, dans le giron de LR, avant la scission de 2019. Puis un retour sous l’aile des Républicaines dans le cadre de la campagne présidentielle de 2022.
Bref, cinquante nuances de soutiens, et autant de raisons de s’y perdre pour l’électeur, admet Sophie Primas. « Ils viennent nous voir, ils se posent des questions. Au moins, c’est une bonne raison d’engager la conversation. »
Sur le papier, rien ne différentie un micro-parti d’un parti politique. Juridiquement, les deux structures sont identiques : une association à caractère politique dont les modalités s’inscrivent dans le cadre de la loi de 1901. Pour autant, seules quelques formations d’envergure occupent le devant de la scène politique. Or, 1 486 partis politiques sont répertoriés par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, soit presque autant de microstructures, de coquilles vides ou de formations dormantes.
« Un levier d’indépendance financière »
La création d’un micro-parti est généralement attachée à un territoire ou à une personnalité. Il est un moyen de cultiver un courant de pensée et d’afficher une certaine indépendance par rapport à la maison-mère, en l’occurrence LR. Mais aussi une façon de tester sa popularité, sa capacité à rassembler avant certaines échéances électorales.
« La Droite sociale », le groupe de réflexion lancé par Laurent Wauquiez à la fin des années 2000, est devenu un courant à part entière en 2012. Xavier Bertrand, qui avait quitté LR en 2017, avant d’y réadhérer dans la perspective de la dernière présidentielle, a lancé en juillet 2022 son propre parti affilié : « Nous France ». Selon un décompte du journal Le Monde réalisé en 2017, dans la foulée de la primaire de la droite et du centre, LR remportait la palme du nombre de partis satellites, avec « 194 associations politiques en tout genre ».
« Les micro-partis sont surtout un moyen de répondre à un besoin de financement », souligne le sénateur Philippe Mouiller, ancien argentier de la campagne présidentielle de Valérie Pécresse, et qui a un temps appartenu à « Libres ! ». La création d’un ou de plusieurs micro-partis permet effectivement de multiplier les sources de financement, ils sont une manière indirecte de s’affranchir du plafonnement des dons. Selon les chiffres de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, « La Droite sociale » de Laurent Wauquiez avait reçu 454 252 euros de dons pour l’année 2022.
Par voie de conséquence, le pactole amassé par telle ou telle formation renforce également le poids politique de son fondateur, et constitue un butin très convoité en période de campagne.
Capter les financements publics
Dans le cadre de la bataille juridique qui oppose les barons LR à Éric Ciotti, les micro-partis pourraient aussi jouer un rôle de pompe aspirante des financements publics qui, en d’autres circonstances, aurait dû atterrir dans les caisses du parti. L’attribution de fonds publics à un parti, dans le cadre du financement de la vie politique, repose à la fois sur le nombre de parlementaires élus et sur les suffrages glanés aux législatives. Pour y prétendre, un parti doit récolter au moins 1 % des voix dans 50 circonscriptions différentes au premier tour. Dès lors, chaque bulletin dépose dans l’urne rapporte 1,60 euro.
Selon nos informations, à droite, aucun micro-parti qui se veut des LR « canal historique » n’est parvenu à obtenir le rattachement de plus de 50 candidats. Pour autant, certains espèrent encore rapatrier les financements attendus. « Nouvelle énergie » et d’autres formations de petites tailles, comme Le nouveau centre d’Hervé Morin, se sont rassemblées au sein d’un même groupement politique afin de faire monter le nombre de candidatures rattachées, nous explique-t-on. « Il s’agit d’une association de partis, qui nous permet d’additionner le contingent de candidats. À l’arrivée, les fonds obtenus sont répartis entre les formations, au prorata du nombre de voix », détaille Sophie Primas.
La sénatrice poursuit : « En ce qui concerne l’avenir de LR, nous ne savons pas de quel côté la pièce va tomber. Et nous ne voulons pas que l’argent obtenu par nos candidats finisse dans les poches d’un parti qui n’est plus le nôtre et qui ne correspond plus à ceux en quoi nous croyons profondément ». Une précaution également prise par Éric Ciotti, puisque le député des Alpes-Maritimes a demandé à la soixantaine de candidats qui l’ont suivi dans son rapprochement avec le RN de se rattacher à son propre micro-parti : « À droite ! Les amis d’Éric Ciotti ».