PARIS: Manifestation contre le RN en marge des elections legislatives

Législatives : face au RN, le « ni ni » va-t-il supplanter le barrage républicain ?

A trois jours du premier tour des élections législatives, la gauche tend la main à la majorité sortante et à la droite républicaine pour s’engager en faveur d’un « désistement républicain » en cas de triangulaire dimanche soir. Un appel qui pour l’instant sonne dans le vide au sein de la majorité sortante.
Simon Barbarit

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Une chose après l’autre. Alors que se profile le premier tour des élections législatives anticipées, la majorité sortante fait toujours mine de croire en ses chances de victoire. Et qu’importe si tous les sondages donnent le bloc central à la troisième position au premier tour, loin derrière le RN et le Nouveau Front Populaire, la question du front républicain demeure taboue au sein de la majorité sortante et la droite républicaine.

Le journal le Parisien a fait état d’une réunion, cette semaine, entre les chefs de partis de la majorité et Emmanuel Macron, au sujet des consignes de vote en cas de duel RN-LFI ou de triangulaires, avec comme mot d’ordre « ni l’un, ni l’autre ». « Il n’y a pas de consigne. Il n’y a pas de stratégie autre que celle qui doit prévaloir au premier tour, c’est-à-dire privilégier le vote en faveur des candidats Ensemble pour la République […] On n’a pas encore voté donc il n’y a pas encore de décision pour savoir ce qu’il se passera après le premier tour », a démenti le patron de l’UDI et président du groupe centriste du Sénat, Hervé Marseille, mercredi, au micro de Public Sénat.

A gauche au contraire, le second tour est dans toutes les têtes. Le dernier sondage, Jean-Jaurès-Cevipof-Institut Montaigne, place le RN et ses alliés à 36 % des intentions de vote, loin devant le NFP (29 %), le camp macroniste (19,5 %) et LR (8 %). Avec une participation annoncée autour de 60 à 70 %, de nombreuses triangulaires sont à prévoir dimanche soir, une configuration à l’avantage du RN. Les désistements auront donc un rôle clé dans la composition de la nouvelle assemblée au soir du 7 juillet. La patronne des Ecologistes, Marine Tondelier a demandé aux chefs de la majorité sortante des « engagements simples et clairs » de désistement mutuel en cas de triangulaires pour « faire battre les candidats du Rassemblement national ». « Lorsqu’un candidat républicain sera opposé à un candidat du Rassemblement national, nous soutiendrons le candidat républicain (..) Et vous ? », leur a-t-elle écrit en leur proposant une rencontre.

« Je ne vois comment on pourrait se désister en faveur d’un LFI qui ne voudra jamais travailler avec nous »

« Qu’elle arrête déjà de dire du mal de Macron et après elle nous appellera », a balayé François Patriat le chef de file du groupe Renaissance (RDPI) au Sénat. « On se dirige vers au moins 200 triangulaires. Notre ligne, c’est : pas une voix pour le RN mais aussi de se maintenir à chaque fois qu’on le pourra. Il y aura des cas où on sera deuxième. Et même en troisième position dans un premier tour serré dans une circonscription, on sera en mesure de l’emporter au second. Dans tous les cas, je ne vois comment on pourrait se désister en faveur d’un LFI qui ne voudra jamais travailler avec nous », explique-t-il. Une position qui devrait varier néanmoins selon les cas. Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du commerce, de l’Artisanat et du Tourisme a, par exemple, affirmé qu’elle appellera à voter François Hollande en cas de duel avec le RN au second tour.

Mais le refus des macronistes d’envisager à ce stade un accord de désistement général au second tour fait plus que décevoir à gauche. « Je suis outré qu’on puisse hésiter entre le Nouveau Front Populaire et l’extrême droite. 90 % du programme du RN est inconstitutionnel. Il détruira nos valeurs en deux ans. Je conçois aisément qu’on puisse s’opposer politiquement à notre programme qui est populaire et de rupture. Mais il s’inscrit dans une démarche républicaine et on est même loin du programme du conseil national de la résistance auquel les gaullistes ont pourtant participé », rappelle Guillaume Gontard, le président du groupe écologiste du Sénat.

Un renversement historique du « barrage républicain »

Au-delà des écologistes, les socialistes ont aussi signé un appel en faveur d’un désistement pour battre le RN, également paraphé par plusieurs macronistes dont Clément Beaune. Dans un communiqué, le Parti communiste indique que « dans tous les duels opposant un candidat d’une force républicaine à un candidat d’extrême droite », PCF appellera « à voter pour le candidat républicain ». « Et si un candidat du PCF se retrouve qualifié au second tour en troisième position dans une triangulaire, il se désistera pour que le candidat républicain le mieux placé ait les meilleures chances de battre l’extrême droite », peut-on lire.

Mais le dernier relevé du baromètre politique Odoxa, réalisé par Mascaret pour Public Sénat et la presse quotidienne régionale, fait apparaître un renversement historique du « barrage républicain ». 47 % des interrogés se disent prêts à faire barrage au Nouveau Front Populaire, contre 44 % pour la majorité présidentielle et seulement 41 % pour le RN. Autrement dit, le Rassemblement national est la formation politique la moins exposée à la stratégie du vote de barrage. Un renversement total par rapport aux précédentes élections.

« J’espère qu’il aura un sursaut républicain dimanche soir »

Et à droite non plus, un désistement au second tour en faveur de la gauche n’est pas à l’ordre du jour. « Au premier tour, on choisit la droite républicaine et indépendante, c’est un vote de conviction. Au second tour […] à titre personnel, je ne pourrai jamais voter pour un candidat RN ou Nouveau Front Populaire », a martelé Gérard Larcher, le président du Sénat, dans les colonnes du Parisien. Une ligne qui vaut aussi pour les candidats plus « modérés » comme les socialistes. « Ils ont un projet avec des formations politiques qui prônent la décroissance, qui ont vis-à-vis de l’antisémitisme des attitudes que je ne peux pas accepter », a-t-il justifié.

« Je ne peux pas imaginer que Gérard Larcher soit aussi irresponsable en refusant de choisir. Je vois dans ses propos une part de calcul stratégique. J’espère qu’il aura un sursaut républicain dimanche soir », plaide Guillaume Gontard.

« Nous avons conduit Manouchian au Panthéon, il ne faut pas permettre que Bardella aille à Matignon »

L’argument massue en faveur du barrage républicain pour les partenaires de gauche se réfère à l’histoire récente. « J’ai voté Chirac en 2002, j’ai voté Xavier Bertrand aux régionales de 2015 et j’ai voté deux fois Macron. Je comprends que ce n’est pas très mobilisateur pour leur électorat mais la majorité sortante et la droite, ne peut pas faire le tri entre un candidat RN et un candidat du Nouveau Front Populaire. C’est indigne au moment où nous sommes face à un danger majeur pour la démocratie », s’insurge le président du groupe socialiste du Sénat, Patrick Kanner. Le sénateur du Nord en profite pour demander la même « clarté » à ses partenaires de la France Insoumise. « Pour l’instant j’entends : pas une voix pour le RN. Ça peut vouloir dire vote blanc ou abstention au second tour. J’attends par conséquent aussi de la part de la direction de LFI qu’ils se désisteront au second tour si leur candidat est dans une position défavorable dans une triangulaire.

Mercredi soir sur LCI, Jean-Luc Mélenchon a précisé que des consignes de vote seraient données après le premier tour de scrutin. « Jamais aucun électeur Insoumis, j’en suis certain, ne donnera sa voix au Rassemblement national. Et nous leur dirons que personne n’a à faire cette bêtise, quel que soit son motif » a-t-il déclaré.

Sur Public Sénat, le sénateur communiste, Pierre Ouzoulias, petit-fils de résistant, a souligné « l’impératif moral » à faire barrage à l’extrême droite. « Nous avons conduit Manouchian au Panthéon, il ne faut pas permettre que Bardella aille à Matignon ».

 

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