Ce lundi débute la campagne électorale la plus courte de la Cinquième République, pour les législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet. Les candidats avaient jusqu’à dimanche, 18 heures, pour se signaler en préfecture. Rassemblés sous la bannière « Nouveau Front populaire », les principaux partis de gauche se sont réparti l’essentiel des 577 circonscriptions françaises au terme d’intenses tractations, qui accordent la part du lion à la France insoumise, avec 229 sièges à conquérir, une centaine de moins toutefois qu’en 2022. Le Parti socialiste, sorti revigoré des élections européennes, glane 100 circonscriptions supplémentaires dans l’accord électoral, pour un total de 170 sièges. Suivent les écologistes (92 circonscriptions) et le Parti communiste français (50 circonscriptions) Tour d’horizon des principales candidatures :
La France insoumise
Davantage que les nouveaux candidats, ce sont les sortants non réinvestis de La France insoumise qui ont fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours. En Seine-Saint-Denis, un bastion LFI, l’élagage frôle l’hécatombe avec deux anciens compagnons de route de Jean-Luc Mélenchon : ni Raquel Garrido dans la 5e circonscription, ni Alexis Corbière dans la 7e, n’ont reçu l’investiture du parti. Une liste à laquelle on peut également ajouter Danielle Simonnet dans la 15e circonscription de Paris.
Sur leurs réseaux sociaux, ces élus ont dénoncé une « purge », estimant payer les divergences affichées au cours des derniers mois avec la stratégie politique de Jean-Luc Mélenchon, notamment la ligne défendue sur la Palestine. Toujours candidats, ils sont néanmoins quasiment assurés d’être réélus en raison de leur forte implantation locale. Il n’empêche, leur situation a ému les autres partenaires de l’accord, alors que l’une des lignes directrices des négociations voulait que les sortants, à quelques exceptions près, soient automatiquement réinvestis. « C’est une décision qui crée de la division », regrette une députée sortante, membre du pôle écologiste. « On a besoin de profils aguerris à l’Assemblée nationale. Ce sont des gens qui ont vraiment de la bouteille, pour certains implantés dans leur territoire depuis 30 ans ».
Inversement, Adrien Quatennens a annoncé dimanche matin jeter l’éponge dans la 1ère circonscription du Nord. La réinvestiture de ce très porche de Jean-Luc Mélenchon était largement critiquée en raison de sa condamnation pour violences conjugales. Il est remplacé, sous l’étiquette « Nouveau Front populaire », par son ancien suppléant Aurélien Le Coq, également co-animateur national des Jeunes insoumis. Soutenue par la maire de Lille Martine Aubry, la militante féministe Amy Bah, qui s’était initialement lancée pour dénoncer la candidature d’Adrien Quatennens, a choisi de se maintenir.
François Ruffin est de nouveau investi dans la 1ère circonscription de la Somme, un territoire complexe. En 2022 l’ancien documentariste y remporte plus de 40 % des voix dès le premier tour. Mais aux élections européennes du 9 juin, c’est le Rassemblement national qui est arrivé très largement en tête avec 40,4 % des suffrages, devant la majorité présidentielle (13,17 %), et LFI (11 %). François Rufin pourrait miser sur sa personnalité, lui qui est régulièrement cité à gauche comme une figure du rassemblement. L’élu continue de cultiver sa différence et de se maintenir à bonne distance de la ligne mélenchoniste ; sur le réseau social X, il a notamment pris la défense de ses « camarades » insoumis éjectés de l’accord électoral.
Clémentine Autain, autre voix à avoir dénoncé ces évictions, a été réinvestie dans la 11e circonscription de Seine-Saint-Denis. Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale, retrouve sa 10e circonscription du Val-de-Marne. Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise, est de nouveau candidat dans la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône, celle-là même où a été élu Jean-Luc Mélenchon de 2017 à 2022. Notons que le tribun insoumis, qui s’est dit « capable » d’endosser les habits de Premier ministre, n’est pas candidat à ces élections législatives.
Par ailleurs, Philippe Poutou, ancien candidat à la présidentielle pour le Nouveau Parti anticapitaliste, a été investi par LFI dans la 1ère circonscription de l’Aude.
Le Parti socialiste et Place publique
Du côté des socialistes, c’est le retour surprise en politique de François Hollande qui a monopolisé une partie de l’attention médiatique ce week-end. L’ancien président de la République repart en campagne dans sa 1ère circonscription de Corrèze, dont il a été le député pendant près de vingt ans. Le candidat initialement annoncé, Bernard Combes, actuel maire de Tulles, a accepté de se retirer au profit de l’ancien chef d’Etat. Une manœuvre qui a pris de court la direction du parti à la rose, alors que François Hollande reste conspué par la gauche radicale. « Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues, mais il faut que tout le monde y trouve sa place, y compris les abstentionnistes sociaux-démocrates qui ont été déçus par le quinquennat de François Hollande », avertit une élue de gauche, elle-même ex-socialiste.
Autre revenant de la précédente majorité : Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre des Finances de François Hollande, tombé en disgrâce après avoir été condamné pour fraude fiscale, repart en campagne dans la 3e circonscription du Lot-et-Garonne. Sans étiquette, il aura face à lui le LFI Xavier Czapla, qui a reçu l’investiture du Nouveau Front populaire.
Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS et Boris Vallaud, qui préside du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, sont candidats à leur succession, respectivement dans la 11e circonscription de Seine-et-Marne et la 3e circonscription des Landes. Valérie Rabault, première vice-présidente de l’Assemblée nationale jusqu’à la dissolution, repart dans la 1ère circonscription du Tarn-et-Garonne. Elle fait partie des personnalités régulièrement évoquées comme « première ministrable », dans l’hypothèse où la gauche remporterait la majorité absolue le 7 juillet.
Investi par le PS en 2022 dans la 6e circonscription de l’Essonne, Jérôme Guedj est candidat à sa succession mais a choisi de faire campagne sans l’étiquette Nouveau Front populaire, en raison de profondes divergences avec La France insoumise. En avril dernier, Jean-Luc Mélenchon l’avait accusé dans une tribune de « renier les principes les plus constants de la gauche du judaïsme en France ». Auprès du journal Le Monde, l’intéressé s’était dit choqué d’être ainsi renvoyé à sa religion. Face à lui : sa propre suppléante, Hella Kribi-Romdhane, porte-parole de Génération. s, qui s’est déclaré candidate bien que cette circonscription revienne théoriquement aux socialistes.
« Tristesse ! Une candidature dissidente face à moi, portée par ma suppléante (25 ans de militantisme ensemble). Seul motif : le refus de comprendre mon combat pour des valeurs », a réagi Jérôme Guedj sur le réseau social X. « La décision de Jérôme a provoqué un pataquès assez fou dans la circonscription. Jusqu’au bout sa suppléante a essayé de le convaincre d’accepter l’étiquette Nouveau Front populaire », rapporte une élue locale. « Le candidat du Front populaire dans cette circonscription, c’est Jérôme Guedj, et c’est le seul qui puisse avoir notre soutien », a recadré Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, ce lundi sur franceinfo.
Emmanuel Grégoire, le premier adjoint d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris, sera candidat dans la 7e circonscription de Paris, face à Clément Beaune, réélu de justesse en 2022. Un siège facilement gagnable donc. Selon nos informations, Anne Hidalgo avait demandé à Lamia El Aaraje, présidente de la fédération PS de Paris, plutôt implantée dans la 15e circonscription de la capitale, de se porter candidate face à l’ancien ministre des Transports. Emmanuel Grégoire lui aurait coupé l’herbe sous le pied, avec la bénédiction de la direction du PS, en annonçant rapidement sa candidature sur les réseaux sociaux, avant même que l’accord ne soit bouclé. « Ce qui en dit long sur l’état des relations entre la maire et son premier adjoint », souffle un poids lourd de la gauche parisienne.
Ephémère ministre de la Santé d’Emmanuel Macron et ancien directeur de cabinet d’Élisabeth Borne, Aurélien Rousseau a été investi par Place publique dans la 7e circonscription des Yvelines. Ce haut fonctionnaire, l’un des représentants de l’aile gauche de la macronie, a quitté le gouvernement après l’adoption de la loi immigration en décembre. D’aucuns se souviennent que son engagement en politique a débuté dans les années 2000 chez… les communistes.
Les écolos
Le pôle écologiste, qui réunit Les Écologistes – Europe Écologie Les Verts, Génération écologie et Génération. s, a réinvesti Cyrielle Chatelain, la présidente du groupe au Palais Bourbon, dans la 2e circonscription de l’Isère. En revanche, la secrétaire nationale d’EELV, Marine Tondelier, très implantée dans le bassin minier, ne tentera pas une quatrième fois d’emporter la 11e circonscription du Pas-de-Calais, celle de Marine Le Pen. Elle est toutefois suppléante de la candidate Samira Laal.
Deux autres figures de l’écologie politique repartent au combat sous la bannière du Nouveau Front populaire : Sandrine Rousseau dans la 9e circonscription de Paris et Delphine Batho, ancienne ministre de François Hollande, dans la 2e circonscription des Deux-Sèvres. Pierre Larrouturou, le porte-parole de Nouvelle Donne qui a judicieusement rallié la liste Les Écologistes-EELV à quelques jours du scrutin européen, reçoit la 5e circonscription de l’Essonne. Un territoire convoité : en 2022, le macroniste Paul Midy l’avait emporté sur le mathématicien Cédric Villani à… 19 voix près.
Autre retour que l’on n’attendait pas, celui de Dominique Voynet, l’ancienne maire de Montreuil, ministre de l’Ecologie dans le gouvernement Jospin. Elle est en campagne dans la deuxième circonscription du Doubs où elle occupe déjà le poste de secrétaire régionale des Écologistes – Europe Écologie Les Verts depuis 2022.
Le Parti communiste français
Avec seulement 50 circonscriptions, les communistes ont récupéré la portion congrue de l’accord électoral à gauche, mais conservent néanmoins un contingent identique à celui négocié en 2022. Arrivés sous la barre des 5 % aux européennes (2,3 %), les membres du PCF pouvaient difficilement espérer mieux. Leur secrétaire national, Fabien Roussel, est à nouveau candidat dans son fief de Saint-Amand-les-Eaux, la 20e circonscription du Nord. Autre figure du parti lancée dans la campagne : le député sortant André Chassaigne, élu dans la 5e circonscription du Puy-de-Dôme depuis 2002, et président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine à l’Assemblée nationale.
Le répit aura été de courte durée pour Léon Deffontaines, tête de liste communiste aux européennes, directement reparti en campagne pour essayer de décrocher la 3e circonscription de la Somme. La bataille s’annonce ardue : ce territoire est acquis à la droite depuis 2002, hormis une parenthèse socialiste de 2012 à 2017.