Législatives : Emmanuel Macron se remet en marche pour sortir d’un « faux rythme »

Législatives : Emmanuel Macron se remet en marche pour sortir d’un « faux rythme »

Après une longue attente pour la nomination du gouvernement, une forme de flottement s’est installée, avec le risque pour l’exécutif d’une impression d’inaction. Mais à moins de deux semaines du premier tour des législatives, Emmanuel Macron, en vrai chef de la majorité, organise deux déplacements pour parler santé et école, deux thèmes qu’il entend mettre en avant.
François Vignal

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Relancer, pour sortir d’un faux plat. Emmanuel Macron est réélu depuis 5 semaines, mais la machine tourne au ralenti. Après une longue attente avant la nomination du gouvernement, c’est un sentiment d’entre-deux, d’ici les élections législatives des 12 et 19 juin, qui s’installe.

Le pont de l’ascension, que le chef de l’Etat a passé au Fort de Brégançon, n’a rien arrangé. Et plus que l’action de l’exécutif, c’est la polémique suite à la nomination de Damien Abad, accusé de viol, ce que le ministre dément, qui a marqué les débuts du premier gouvernement Borne. L’épisode a pour le moins été peu apprécié dans les rangs macronistes. « Le feuilleton Abad, c’était moins facile. Tout le monde s’en serait bien passé. Peut-être même qu’on se serait passé de lui tout court. Il a été détestable pendant toute la mandature. Je ne vois pas trop ce qu’il nous apporte », lâche un parlementaire de la majorité.

« On est sur un faux rythme car il faut attendre les législatives »

Le Président a pourtant pris le temps de réfléchir à la composition de son gouvernement. Une attente qui permettait, aussi, de réduire le long délai qui sépare la présidentielle des législatives. « L’élection législative va commencer après la nomination du gouvernement », imaginait le patron des députés Modem, Patrick Mignola, lors d’un séminaire rassemblant tous les candidats de la majorité, le 10 mai dernier. Mais il n’en est rien. « On sait que la difficulté de ces législatives, c’est la longueur », ajoutait-il.

« Pendant ce temps, on est sur un faux rythme. Car il faut attendre les législatives », confirme aujourd’hui François Patriat, président du groupe RDPI (LREM) du Sénat. Mais pour le sénateur de la Côte-d’Or, « c’est normal que le gouvernement fasse des annonces sur les principes », comme sur les mesures à venir sur le pouvoir d’achat, « mais pas sur les détails ». Car « toute décision aujourd’hui serait prise comme un cadeau électoral ou un revers, par l’opposition », selon François Patriat. Reste que pour le patron des sénateurs macronistes, « le temps entre la présidentielle et les législatives est très long. Je l’ai déploré. J’avais pensé qu’on pouvait peut-être dissoudre. Mais je comprends que le Président n’ait pas fait ce choix. Cela aurait été vu comme une magouille, une manœuvre », reconnaît François Patriat. Cette période de ventre mou peut au moins avoir un avantage, selon ce fidèle du chef de l’Etat : celui de « susciter l’attente ».

« Pour les candidats, il n’y a pas de faux plat. Tout le monde est à fond »

« Le nez dans le guidon » de sa campagne des législatives, la députée des Yvelines, Marie Lebec, ne rencontre pas sur le terrain de « gens qui demandent "quand le Président va agir ?" ». La première vice-présidente du groupe LREM de l’Assemblée nationale rappelle que « le Président est engagé sur les grands sujets internationaux », comme l’Ukraine et l’Europe, avec un déplacement hier et ce mardi à Bruxelles, pour un sommet européen. « Peut-être qu’au niveau local, ça donne l’impression d’une forme de calme », pense Marie Lebec, « mais on est un groupe d’expérience et on a un gouvernement qui est très engagé ». Vendredi, lors d’une réunion à Matignon avec tous les ministres, la première ministre Elisabeth Borne a insisté sur les trois « urgences » du gouvernement : la santé, le climat et le pouvoir d’achat. Ou comment occuper le terrain et se montrer en action.

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« Pour les candidats, il n’y a pas de faux plat. Tout le monde est à fond », confirme Sacha Houlié, député de la Vienne. Après « la séance de la nomination du gouvernement, on s’attendait à une séquence un peu anesthésiée par le pont de l’ascension. Puis on trouve la campagne des législatives », décrit l’élu, pas inquiet du timing. Le député, candidat à sa réélection, avance « deux sujets » à mettre en avant : « La désertification médicale, l’organisation des urgences », et « un second sujet, le pouvoir d’achat, avec une communication en conseil des ministres sur les mesures de la loi anti-inflation, a priori lors du Conseil des ministres de mercredi, qui pourra donner le la à notre campagne », espère Sacha Houlié.

« Dans les 15 derniers jours, Emmanuel Macron va accélérer et être présent »

Car les candidats semblent avoir besoin d’un peu de carburant pour mener campagne. Ça tombe bien. Pour sortir de cette torpeur pré-estivale, Emmanuel Macron reprend son bâton de pèlerin. Le leader de la majorité, ce n’est pas sa première ministre, c’est bien lui. Le chef de l’Etat sera ainsi ce mardi en déplacement dans la Manche, sur le thème de la santé. Il se rend à Cherbourg, accompagné de la nouvelle ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon, pour parler des urgences, qui sont en crise, faute de personnel. Jeudi, il sera dans sa ville de cœur, Marseille, flanqué de son ministre de l’Education, Pap Ndiaye, pour parler école, l’autre priorité du chef de l’Etat.

« Cela va permettre de remettre en avant ces sujets sur lesquels on va pouvoir débattre pendant la campagne. Ce sont les priorités des Français et du Président », selon un responsable de la majorité, qui assure que tout était prévu. « Emmanuel Macron ne change pas de stratégie. Il l’a depuis longtemps. Il est parti en campagne pour la présidentielle quand il l’a souhaité, le 10 mars. Il a fait campagne à fond entre les deux tours. Là, il a fixé le cap pour les législatives et dans les 15 derniers jours, il va accélérer et être présent », décrypte ce parlementaire. Raccourcir une campagne trop longue n’est pas un mal. Limiter l’exposition permet aussi d’éviter les risques de couacs ou de polémiques qui font, dans l’isoloir, perdre des sièges. C’est l’effet « TVA sociale » de Jean-Louis Borloo, qui en pleine campagne des législatives de 2007, avait fait perdre à la majorité de Nicolas Sarkozy plusieurs députés. La période de réserve, qui de fait limite la prise de parole des ministres, facilite au passage ces prises de parole limitées.

« Désintérêt total pour les réunions électorales », « lassitude des périodes de campagne »

Mais en labourant leurs circonscriptions, les candidats se retrouvent face à une difficulté : le peu d’intérêt des électeurs pour le scrutin. « De mon retour de terrain, les gens en ont marre d’être en période électorale. Je ne sens pas un mauvais accueil mais une forme de lassitude des périodes de campagne. Les gens ne sont plus dedans » raconte Marie Lebec. Alors que « ça fait un an qu’on leur parle de la présidentielle, le désintérêt est total pour les réunions électorales », confirme François Patriat, « il y a très peu de gens aux réunions publiques des parlementaires. Entre 30 et 100 personnes. De mon temps, ça pouvait être 300 personnes. Les gens sont gavés par les télés. Ils sont saturés d’informations ».

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Pour faire face à ce problème, « chacun axe un peu en fonction de ce qui est important. Je fais beaucoup campagne en disant, voilà ce dont j’ai envie de porter dans le programme du Président. Ça permet d’avoir un discours qui colle plus aux attentes de sa circonscription et d’expliquer qu’un député se spécialise sur quelques questions », explique la vice-présidente du groupe LREM.

Derrière, le risque est en réalité grand pour la majorité. C’est celui de la démobilisation de son électorat, avec l’idée que les jeux seraient faits avec la réélection du chef de l’Etat. Ce n’est pas la nomination d’Elisabeth Borne à Matignon, une personnalité qui incarne plus le sérieux qu’un message politique fort, qui va changer la donne. Selon notre sondage Odoxa-Mascaret pour Public Sénat, LCP-AN et la presse régionale, son arrivée à Matignon ne suscite pas d’engouement particulier et l’abstention s’annonce record. Dans la pyramide macroniste, encore une fois, seul Emmanuel Macron porte la dynamique. Au-delà des équations locales, c’est avant tout lui qui mènera et incarnera la bataille des législatives. Pour son camp et pour lui-même.

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