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Législatives 2024 : les dix enseignements de ce premier tour

Score, projections, consignes de vote, cadors éliminés ou, au contraire, élus du premier coup… Public Sénat revient sur les temps fort du premier tour des législatives anticipées.
Romain David

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Le Rassemblement national et ses alliés sont arrivés très largement en tête du premier tour des élections législatives anticipées, ce dimanche 30 juin, tandis que la majorité présidentielle reflue à la troisième place, derrière le Nouveau Front populaire. Alors qu’à gauche un front républicain est en train de se former, les soutiens d’Emmanuel Macron sont plus divisés sur la posture à adopter. Retour sur une soirée électorale historique :

Le Rassemblement national remporte 33,2 % des voix, un score historique

Le Rassemblement national et ses alliés LR arrivent largement en tête du premier tour des législatives anticipées, ce dimanche 30 juin, avec 33,2 % des suffrages exprimés, selon l’estimation Ipsos/Talan pour France Télévisions et Radio France. Le parti de Marine Le Pen enregistre une très forte progression par rapport à son score de 2022 (18,68 %), et celui obtenu aux européennes le 9 juin dernier (31,37 %), notamment grâce à l’apport des candidats Les Républicains qui ont suivi Éric Ciotti, le président des LR, dans son ralliement au RN (4 % des suffrages).

Sur la seconde marche du podium : Le Nouveau Front populaire, avec 28,1 % des suffrages exprimés. L’alliance des principaux partis de gauche ne franchit pas le cap symbolique des 30 % mais fait mieux qu’en 2022, lorsque la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES) avait glané 25,66 % des voix.

Loin derrière, à la troisième place, la majorité présidentielle apparaît en net recul avec seulement 21 % des suffrages, en dessous de son score de 2022 (25,75 %).

Les Républicains et les autres candidats divers droite qui se sont désolidarisés du choix d’Éric Ciotti obtiennent 10 % des voix (contre 11,29 % en 2022).

Les candidats divers centre/UDI recueillent 1,8 % des voix, les candidats divers gauche (hors NFP) 1,7 %, de même que les candidats extrême gauche (hors NFP). Reconquête est à 0,7 %, et la droite souverainiste est à 0,2 %.

Entre 230 et 280 sièges pour le Rassemblement national, à un cheveu de la majorité absolue

À ce stade, les projections d’Ipsos/Talan pour France Télévisions et Radio France accordent une nette majorité de sièges au Rassemblement national. Le parti de Marine Le Pen pourrait remporter entre 230 et 280 circonscriptions. Insuffisant toutefois pour décrocher la majorité absolue au Palais Bourbon, fixée à 289 fauteuils.

Ces chiffres sont à considérer avec précaution dans des élections souvent marquées par les enjeux locaux, et où plus de deux candidats peuvent potentiellement se qualifier pour le second tour. Notons que les désistements attendus à l’entre-deux-tour, en faveur du barrage républicain contre l’extrême droite, peuvent venir bousculer ces projections.

Au sein du Nouveau Front populaire, le rapport de force entre les partis de gauche se maintient

Toujours selon les projections de Ipsos/Talan, le « Nouveau Front populaire » peut espérer récupérer entre 125 et 165 sièges dans la nouvelle assemblée.

Dans le détail, La France insoumise conserve son hégémonie sur le reste de la gauche, mais avec un léger reflux par rapport aux dernières législatives, avec 58 à 72 sièges (75 sièges avant la dissolution). Le Parti socialiste semble confirmer la dynamique enregistrée pendant les élections européennes ; deuxième force de gauche, le parti à la rose pourrait reprendre quelques couleurs, avec 33 à 43 sièges, contre 31 dans l’assemblée sortante.

Suivent les écologistes : 28 à 38 sièges, contre 21 avant dissolution. En revanche, les communistes, en fort recul, risquent de perdre leur groupe à l’Assemblée (au moins 15 députés) avec seulement 6 à 12 circonscriptions, contre 22 à la fin de la précédente législature.

Le taux de participation le plus élevé depuis 46 ans

Ce scrutin a largement intéressé les Français, avec un taux de participation estimée à 65,8 %. C’est le taux le plus élevé pour ce type d’élection depuis le premier tour des élections législatives de 1978 (68,89 %), marqué par l’abaissement de la majorité à 18 ans.

Emmanuel Macron appelle à un « large rassemblement » face au RN

« Face au Rassemblement national, l’heure est à un large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour », a estimé le président de la République dans une déclaration écrite, publiée à l’annonce des premières estimations. « Notre objectif est clair : empêcher le Rassemblement national d’avoir une majorité absolue au second tour », a embrayé son Premier ministre Gabriel Attal, deux heures plus tard depuis la cour de l’hôtel Matignon. Le chef du gouvernement a appelé au « désistement » des candidats de la majorité dont le maintien en troisième position pourrait faire élire un député Rassemblement national.

Le reste de la majorité très nuancé sur LFI

Mais certains poids lourds de la majorité plaident plutôt pour le cas par cas, renvoyant dos à dos les candidats du Rassemblement national et ceux de la France insoumise. L’ancien Premier ministre Édouard Philippe a estimé qu’ « aucune voix » ne devait « se porter sur les candidats du Rassemblement national, ni sur ceux de la France insoumise ». Yaël Braun-Pivet, la présidente sortante de l’Assemblée nationale, a appelé à voter pour le candidat « le plus républicain » au second tour, à l’exception d’un « certain nombre de candidats » du Nouveau Front populaire. « Je pense qu’il faut regarder circonscription par circonscription », a déclaré François Bayrou, le patron du MoDem.

En revanche, les anciens ministres Clément Beaune et Rima Abdul-Malak appellent clairement à rejeter le « ni-ni ». « À mes amis de la majorité présidentielle : le Nouveau Front populaire n’est pas que LFI et LFI n’est pas que Mélenchon. Le dépassement, c’est maintenant », écrit l’ex-ministre de la Culture sur le réseau social X. Développé par la droite à l’époque de Nicolas Sarkozy, le principe du « ni-ni » vise à ne pas appeler à voter pour un camp plutôt qu’un autre en cas de duel entre la gauche et l’extrême droite.

Jean-Luc Mélenchon appelle au retrait des candidats du Nouveau Front populaire arrivés en troisième position

Jean-Luc Mélenchon, le fondateur de La France insoumise, demande le « retrait » des candidatures LFI qualifiées pour un second tour, mais arrivées à la troisième place. « Nous retirerons notre candidature, en toutes circonstances, où que ce soit et dans quelque cas que ce soit. Notre consigne est simple, directe et claire. Pas une voix, pas un siège de plus pour le RN », a-t-il martelé.

Du côté des autres leaders de gauche : Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS, et Marine Tondelier, la patronne des écologistes, demandent eux aussi le désistement des candidats arrivés en troisième position, et appellent à soutenir « un candidat qui défende les valeurs républicaines » face au RN.

Les Républicains, « canal historique », ne donnent aucune consigne de vote pour le second tour

Secoués en début de campagne par le ralliement de leur président Éric Ciotti au RN – et avec lui celui d’une soixantaine de candidats -, les principaux responsables LR ont fait le choix de reprendre la doctrine du « ni-ni », qui domine à droite depuis une quinzaine d’années.

« Là où nous ne sommes pas présents au second tour, considérant que les électeurs sont libres de leur choix, nous ne donnons pas de consigne nationale et laissons les Français s’exprimer en conscience », écrivent dans un communiqué commun les principaux ténors du parti, François-Xavier Bellamy Jean-François Copé, Daniel Fasquelle, Annie Genevard, Gérard Larcher, Bruno Retailleau, Michèle Tabarot et Laurent Wauquiez.

Ceux qui ont été (ré) élus dès le premier tour

Près d’une quarantaine de candidats RN ont été élus dès le premier tour, ce dimanche soir, ayant glané plus de 50 % des voix dans leur circonscription. Une situation inédite, exception faite des élections législatives de 1986, les seules à ce jour à s’être déroulées au scrutin proportionnel (un seul tour donc).

En début de soirée, Marine Le Pen, la présidente sortante du groupe RN à l’Assemblée nationale, a remercié ses électeurs de la circonscription du Pas-de-Calais qui l’ont élue dès le premier tour. Autres candidats RN à avoir fait le plein de voix : l’ancien directeur de cabinet de Marine Le Pen, Bruno Bilde, et l’ex-candidat de téléréalité Bruno Clavet, tous les deux dans le Pas-de-Calais, ainsi que Sébastien Chenu, ex-vice-président de l’Assemblée nationale, dans la 19e circonscription du Nord. Mais aussi la vice-présidente du parti, Edwige Diaz en Gironde, ou encore l’ancien LR Franck Allisio dans les Bouches-du-Rhône.

À gauche, le Premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, est réélu dans sa circonscription du Val-de-Marne. Chez LFI, Manuel Bompard et Sébastien Delogu dans les Bouches-du-Rhône, Mathilde Panot dans le Val-de-Marne, Danièle Obono à Paris, François Piquemal en Haute-Garonne, et Paul Vannier, bras droit de Jean-Luc Mélenchon, dans le Val-d’Oise, retrouvent leurs sièges respectifs.

Les écologistes, Éva Sas et Sandrine Rousseau ont également été réélues dès le premier tour à Paris.

Ces personnalités éliminées au soir du 30 juin

L’ancien ministre des Transports, Clément Beaune, perd sa circonscription parisienne face à Emmanuel Grégoire, le premier adjoint d’Anne Hidalgo, qui gagne 50,87 % des voix. Créditée de 23,14 % des suffrages, à la troisième place dans la 1ère circonscription des Bouches-du-Rhône, la secrétaire d’Etat chargée de la Ville, Sabrina Agresti-Roubache, a annoncé son retrait pour faire barrage au RN.

Le patron du Parti communiste français (PCF), Fabien Roussel, a été éliminé dès le premier tour dans la 20e circonscription du Nord. Son rival, le RN Guillaume Florquin a réalisé 50,3 % des voix.

L’ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac, condamné en 2018 pour fraude fiscale, et qui espérait profiter de ces législatives anticipées pour faire son retour en politique, termine à la quatrième place avec 14,56 % des voix.

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