Législatives : à quel taux de participation faut-il s’attendre pour le second tour ?
Par Alexis Graillot
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Le 2ème tour des élections législatives, c’est dans 3 jours. Et si de nombreuses inconnues persistent encore, celle de la participation constitue sans doute l’angle mort de la plupart des sondages, peu d’instituts se risquant à donner un chiffre. Pourtant, la mobilisation des électeurs sera sans aucun doute un facteur crucial sur les résultats finaux.
A-t-on déjà des estimations quant à la participation au second tour ? Avec les nombreux désistements de l’entre-deux-tours, tout porte à croire qu’il y aura plus d’abstentionnistes…
Nos mesures montrent une légère progression de l’intention de participer chez les abstentionnistes du 1er tour et l’intérêt des Français pour les législatives et leurs enjeux reste aussi vif que la semaine passée, mais il est surtout difficile de produire aujourd’hui un indicateur de participation nationale. Celui-ci serait à prendre avec des pincettes dans la mesure où ce ne sont pas la globalité des électeurs qui sont appelés aux urnes ce dimanche, mais uniquement ceux de 501 des 577 circonscriptions, (76 députés ayant élus dès le premier tour contre uniquement 5 en 2022) et que la « tension électorale » n’est pas la même dans toutes les zones.
La participation au 1er tour ayant été par ailleurs bien supérieure à celle observée en 2022 (66,7% contre 47,5%), le sujet dans la journée de dimanche sera moins de comparer la participation au 2nd tour avec celle observée au même stade en 2022… mais de voir comment elle évolue dans les territoires concernés en comparaison au 30 juin.
Dans le contexte actuel, trois types de mouvements électoraux peuvent survenir maintenant que sont connus par les électeurs les résultats du premier tour et la configuration du second (les candidats qui seront opposés) et ce sont leurs poids respectifs qui expliqueront le résultat final.
Le premier est la démobilisation des électeurs des candidats éliminés, une situation observée en 2017 où la participation avait reculé de 6 points entre le premier (48,7%) et le deuxième tour (42,6%), dans un scrutin où une large majorité absolue était promise aux candidats « En marche » et alliés. Le deuxième est celui d’une surmobilisation des électeurs des candidats présents au second tour (ou des sympathisants de leur courant politique ayant « séché » le premier tour), la perspective de participer au sacre de leur favori renforçant leur volonté de s’exprimer. Le troisième est celui du front républicain qui consiste en une mobilisation massive des électeurs (des candidats éliminés ou de nouveaux électeurs) pour faire barrage à un succès du Rassemblement national.
N’oublions pas également que les votes blancs et nuls sont comptés dans la participation et qu’ils ont par exemple été nettement plus nombreux au second tour qu’au premier tour en 2022 (7,6% contre 2,2%) et en 2017. Ainsi une hausse de la participation ne signifie pas automatiquement une hausse des suffrages exprimés.
Est-ce trop simpliste de penser qu’au second tour, une plus forte participation bénéficierait au Nouveau Front Populaire et à Ensemble, et qu’une plus faible pourrait quant à elle, avantager le RN ?
Au vu du contexte de la campagne et du poids qu’a pris la question des désistements et du barrage au RN dans l’opinion nationale et dans les consignes des partis, on peut en effet faire l’hypothèse qu’une hausse de la participation serait à relier en priorité à un vote de « front républicain » destiné à priver le Rassemblement national de majorité absolue.
Il faut néanmoins être prudent avec cette hypothèse qui ne serait valable que si le RN ne disposait de son côté d’aucune réserve de voix, ce qui n’est pas le cas. 10,6 millions d’électeurs ont voté pour le RN et ses alliés le 30 juin ce qui est nettement supérieur aux 7,7 millions d’électeurs ayant opté pour la liste de Jordan Bardella aux élections européennes, mais encore inférieur aux 13,3 millions d’électeurs de Marine Le Pen au 2nd tour de la présidentielle 2022. Et nos mesures des intentions de report de vote des candidats éliminés montrent également qu’’une partie des électeurs LR et la grande majorité des électeurs Reconquête ont l’intention de soutenir le RN dans leurs duels et triangulaires de second tour.
Le spectre de la majorité absolue pour le RN peut-il mobiliser de nouveaux électeurs, ou au contraire, certains électeurs qui ne se seraient pas mobilisés au 1er tour, pourraient se déplacer pour participer au « sacre » du RN ?
Ces deux effets peuvent en réalité survenir et leurs poids respectifs dans les urnes arbitreront probablement les résultats du 7 juillet, leur intensité variant selon la vitalité du front républicain dans les territoires concernés.
Le front républicain avait ainsi joué à plein en 2015, alors que Marine Le Pen était en passe de remporter la région Hauts de France avec 41% des suffrages exprimés au 1er tour… contre uniquement 25% pour Xavier Bertrand. Ce dernier, appuyé par un désistement du candidat socialiste arrivé en 3ème position et une participation en hausse de 6 points entre le premier (55%) et le second tour (61%) avait finalement été élu en gagnant 33 points au second tour (58% contre 42% pour Marine Le Pen) !
Mais dans une période plus récente, et également dans le Nord de la France, alors que la participation est restée stable dans la 19ème circonscription du Nord en 2022 passant de 42% au 1er tour à 41% au 2nd … le score de Sébastien Chenu (RN) a lui progressé de 13 points dans l’entre-deux-tours (de 44% à 57%), son élection ayant été rendue possible par un afflux de nouveaux soutiens.
Les électeurs du RN se déplaceront-ils dans un 2e tour entre le NFP et Ensemble ? Et si oui, pourraient-ils voter pour la majorité présidentielle ?
Parmi les personnes ayant l’intention de voter RN au premier tour, 7 personnes sur 10 nous disaient qu’elles s’abstiendraient au second tour en cas de duel NFP/majorité présidentielle (68%). Chez celles exprimant un choix de vote, la balance penchait légèrement plus fortement en faveur de la majorité présidentielle (21%) que du Nouveau Front populaire (11%) mais à un niveau de préférence limité.
Et dans un contexte de frontières très étanches entre les différents blocs, on peut imaginer que ce duel, qui concernera autour de 30 circonscriptions dimanche bénéficiera légèrement plus à la majorité présidentielle, moins par soutien que parce qu’elle est comparativement moins rejetée que le Nouveau Front populaire, dont 84% des sympathisants RN disent avoir une mauvaise opinion dans notre sondage du 26 juin pour Le Nouvel Obs.
On entend beaucoup ces derniers jours, la volonté pour l’exécutif de construire un projet qui pourrait aller des communistes aux LR. Une telle perspective n’est-elle pas susceptible de repousser encore davantage les électeurs loin des urnes ?
Ce type de perspective est en effet de nature à détourner les électeurs des urnes étant donné le rejet qu’ils expriment régulièrement dans nos sondages de tout ce qu’ils assimilent à des manœuvres politiciennes, dès lors que les stratégies de vote proposées se situent au-delà des questions de programme et du débat d’idées. Dans le cas présent, cela peut notamment donner aux électeurs de l’union de la gauche le sentiment que leur regroupement n’était que purement électoraliste, aux électeurs du RN l’impression qu’on veut les déposséder d’une majorité (absolue ou relative) acquise dans les urnes et légitimée par une forte participation, mais aussi aux sympathisants de la majorité et de LR l’impression qu’on est prêt à mettre en place des alliances « contre-nature », avec des mouvements vivement critiqués par leurs dirigeants tout au long des campagnes des élections européennes et législatives.
Néanmoins, cette perspective s’inscrit dans un contexte singulier et inédit et on peut faire l’hypothèse que la construction d’une majorité de coalition pourrait avoir des soutiens larges car elle répond à deux souhaits majoritaires dans la population : éviter que le pays soit dirigé par le RN et empêcher une gouvernance dans l’impasse dans le cas où aucune majorité claire ne se dégagerait du scrutin du 7 juillet. Une question préliminaire doit cependant être posée avant toute chose : cette coalition d’union nationale pourrait-elle être rejointe par un nombre suffisamment important de députés ? Seraient-ils plus nombreux que le total des élus RN et LFI réunis et pourraient-ils disposer d’un poids suffisant pour engager des réformes ?
Peut-on imaginer que le contexte des vacances d’été puisse jouer en faveur de davantage d’abstention ?
Alors que les vacances scolaires démarreront le 5 juillet, le second tour des élections législatives sera en effet situé sur la première grande vague de départs en vacances des « juilletistes ». Ceci peut en effet avoir un impact important sur la participation mais doit être entendu à l’aune du nombre record de procurations enregistrées depuis l’annonce de la tenue des législatives anticipées, celles-ci pouvant avoir été effectuées pour un seul ou l’ensemble des deux tours.
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