Le Touquet: French president vote

Législatives 2024 : la communication d’Emmanuel Macron est « une forme de suicide politique », juge Philippe Moreau Chevrolet

Report de sa conférence de presse, interviews, trois interventions par semaine, le chef de l’Etat veut s’impliquer dans la campagne des législatives. Certains estiment qu’en intervenant trop, le chef de l’Etat pourrait nuire aux résultats de son camp.
Stephane Duguet

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Il ambitionne d’être omniprésent jusqu’aux élections législatives le 30 juin et le 7 juillet. Emmanuel Macron veut endosser le rôle de chef de campagne de la majorité présidentielle après avoir dissous l’Assemblée nationale dimanche suite à la victoire du Rassemblement national (RN) aux élections européennes. Il pourrait même intervenir trois fois par semaine, comme l’écrit l’Express. Cela devait commencer par une conférence de presse prévue ce mardi avant d’être reportée à demain 11h. « Il a différé sa conférence de presse pour laisser la parole à Éric Ciotti », juge Philippe Moreau-Chevrolet, consultant en communication. Le président du parti Les Républicains (LR) a affirmé dans le journal de 13h de TF1 vouloir « une alliance » avec le RN.

Saturation de l’espace médiatique

Si le chef de l’Etat voulait peut-être avoir le temps de prendre connaissance de ce qu’avait à annoncer le député des Alpes-Maritimes, Philippe Moreau-Chevrolet estime que cette alliance « laisse KO la majorité » : « Éric Ciotti a montré qu’il n’y avait plus de front républicain et qu’Emmanuel Macron ne gagnerait plus par défaut contre le RN ». La conférence de presse du président de la République doit expliquer « l’orientation qu’il croit juste pour la nation », d’après l’entourage de l’Elysée cité par l’Agence France Presse.

En attendant, Emmanuel Macron s’exprime aujourd’hui dans une interview accordée au Figaro Magazine, au lendemain de sa première expression publique depuis la dissolution de l’Assemblée, lors des commémorations des 80 ans du massacre d’Oradour-sur-Glane. Dans cet entretien, il réaffirme qu’il mènera la bataille des législatives pour son camp : « Le président doit s’engager à la place qui est la sienne. Il en va de l’avenir de la République, des institutions, du pays, de l’Europe. »

« Emmanuel Macron s’inscrit dans la jeune tradition sarkozyste avec le début des interventions dans les campagnes des présidents de la République », observe Philippe Moreau-Chevrolet. Une méthode de communication loin d’être inédite d’après Olivier Rouquan, politologue et chercheur associé au CERSA : « Sa stratégie de communication semble assez cohérente puisqu’avec la dissolution, il crée une sorte de stupeur et plonge les organisations politiques dans l’inconnu et le désordre. Il est normal qu’ensuite, il cherche à continuer de saturer l’espace public par des interventions afin de garder l’avantage dynamique qu’il a pris dimanche. »

Spectre de la démission

Quelle chance d’obtenir une majorité à l’issue de cette campagne législative éclair, la plus courte de la Ve République ? Pour le communicant Gaspard Gantzer, ancien conseiller des relations avec la presse de François Hollande lorsqu’il était président, « Il y a un côté desperados », dans la communication d’Emmanuel Macron : « Sa personnalité crispe et en faisant ça, il menace la réélection de son camp ». Philippe Moreau-Chevrolet va plus loin : « C’est une forme de suicide politique. Je trouve surprenant de le voir parler partout parce qu’à chaque fois qu’il intervient, ça renforce le RN et qu’il risque d’être associé directement à une défaite électorale majeure qui pose la question de sa démission ».

Dans son interview au Figaro Magazine, le chef de l’Etat a d’ores et déjà exclu cette hypothèse : « Les institutions sont claires, la place du président, quel que soit le résultat, l’est aussi. C’est un intangible pour moi. » « Après avoir fait campagne lui-même tous les jours, comment pourrait-il rester s’il se retrouvait avec 50 députés ? », questionne tout de même Gaspard Gantzer. Pourtant, d’autres présidents de la République avant lui ont pu rester en fonction tout en étant plus discrets comme Jacques Chirac après le référendum perdu de 2005. « On peut avoir un président en fonction même s’il n’a plus le leadership », rappelle Olivier Rouquan, car « sur le plan constitutionnel, il est irresponsable ».

« Frankenstein politique »

En tout cas, Emmanuel Macron a commencé cette offensive de communication seul puisque Gabriel Attal ne s’est pas exprimé publiquement depuis la défaite dimanche. Il devrait rompre ce silence ce soir dans le journal de 20h de TF1. Le Premier ministre s’est tout de même adressé au groupe des députés Renaissance ce mardi et plusieurs d’entre eux l’ont appelé à s’engager en première ligne pour les législatives. « Il ne faut pas que ce soit quelqu’un d’autre, très clairement cela voulait dire pas (Emmanuel) Macron », dit un cadre du groupe à l’Agence France Presse. « Il ne peut pas rester seul, il faut que la macronie vienne au secours du président » si elle espère gagner, ajoute Philippe Moreau-Chevrolet.

Le risque identifié par le communicant en cas de lourde défaite du camp présidentiel est une fragilisation des institutions. « Le fait qu’il s’engage dans la campagne prive le système d’un élément de stabilité. Ce n’est pas d’un chef de parti dont le pays a besoin mais d’un président de la République au-dessus de la mêlée », appuie Philippe Moreau-Chevrolet.

Là où Gaspard Gantzer voit un « fiasco » dans la stratégie du chef de l’Etat de dissoudre l’Assemblée nationale, Philippe Moreau-Chevrolet estime qu’Emmanuel Macron a « créé un Frankenstein politique qui lui échappe ». Il entend par là une « reconfiguration avec un clivage autour d’une gauche et d’une droite dure avec la France insoumise et le RN ». Alors que l’accord pour les circonscriptions reste à être finalisé pour le « front populaire » que veut créer la gauche, Olivier Rouquan se veut prudent. Le politologue attendra de voir les résultats des législatives le 30 juin et le 7 juillet avant d’en tirer des conclusions pour Emmanuel Macron et la majorité présidentielle : « Le sens de cette dissolution, c’est de réorganiser la vie politique autour du clivage souverainiste populiste contre progressiste. Si cette bipolarisation ne s’installe pas, alors on pourra dire que sa dissolution n’a pas donné le résultat qu’il souhaitait ».

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