La campagne éclair pour ces élections législatives anticipées semble mobiliser un nombre historique d’électeurs : plus de deux millions de procurations ont été enregistrées avant le premier tour du 30 juin, les votes électroniques des Français de l’étranger ont doublé par rapport au scrutin de 2022.
Selon notre sondage Odoxa-Mascaret pour Le Nouvel Obs, Public Sénat et la presse régionale, la participation pour ce premier tour devrait s’établir entre 64 et 68 %. Il faut remonter aux élections législatives de 1997, également issues d’une dissolution provoquée par le président Jacques Chirac, pour observer un taux de participation aussi élevé lors d’un premier tour. À titre indicatif, les élections législatives de 2022 n’avaient mobilisé que 47,5 % des électeurs au premier tour, un score historiquement faible.
Entre 160 et 200 triangulaires, contre 8 en 2022
Dans cette configuration, le nombre potentiel de triangulaires, c’est-à-dire de circonscriptions dans lesquelles trois candidats sont en position de se maintenir pour le second tour, explose. Selon notre sondage, entre 160 et 200 circonscriptions seraient concernées, avant d’éventuels désistements du candidat arrivé en troisième position pour « faire barrage ».
Pour comprendre les spécificités de ces législatives, il faut se pencher sur les règles particulières de ce scrutin. Pour l’emporter dès le premier tour, un candidat doit réunir plus de 50 % des suffrages exprimés, sur un nombre d’électeurs représentant au moins 25 % des inscrits sur les listes électorales. Pour qu’un candidat ait le droit de se présenter au second tour, il doit avoir obtenu au premier tour un nombre de voix au moins égal à 12,5% du nombre des électeurs inscrits.
En cas de forte participation, ce seuil des 12,5 % d’électeurs inscrits est plus facile à franchir, d’autant plus que la très courte campagne de ces législatives de 2024 réduit le nombre de candidatures par circonscriptions et donc la dispersion des voix. Lors des deux dernières élections législatives, en 2017 et 2022, l’abstention était telle que les candidats en troisième position devaient obtenir en moyenne 27 % des suffrages exprimés pour se maintenir dans une triangulaire. Il y a deux ans, seulement huit circonscriptions ont connu cette configuration.
Des triangulaires favorables au RN, qui « profite de la division des deux autres partis qualifiés au second tour avec lui »
Dans ces conditions, « l’avantage au RN est nettement renforcé car, en tant que premier avec 7,5 points d’avance [sur le Nouveau Front populaire, dans les intentions de vote au 1er tour], il profite de la division des deux autres partis qualifiés au second tour avec lui », analyse le président d’Odoxa Gaël Sliman.
« L’abaissement du seuil électoral constitue une structure favorable au RN, car elle va générer de la dispersion des voix entre courants politiques, alors même que le front républicain fonctionnait plutôt bien auparavant », expliquait également Erwan Lestrohan, directeur conseil chez Odoxa, interrogé par Public Sénat il y a une semaine.
Selon nos projections, la multiplication des triangulaires permet ainsi au Rassemblement national de se rapprocher de la majorité absolue, au soir du second tour. Le parti pourrait en effet obtenir entre 265 et 305 sièges. Des estimations à prendre avec précaution, de nombreux candidats qualifiés au second tour dans une triangulaire pouvant choisir de se désister au profit d’un autre candidat pour « faire barrage ».