Après la chute du gouvernement de Michel Barnier, le chef de l’Etat dispose d’une marge de manœuvre aussi réduite qu’au lendemain des législatives anticipées pour trouver un nouveau Premier ministre, dans la mesure où les équilibres politiques restent les mêmes à l’Assemblée nationale, observe le sondeur Stéphane Zumsteeg, invité de Public Sénat ce mercredi 4 décembre. Toutefois, l’échéance budgétaire de la fin d’année devrait pousser Emmanuel Macron à agir rapidement.
Le syndicat de la magistrature charge le “télévangéliste” Macron
Par Public Sénat
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Le syndicat de la magistrature (SM, gauche), réuni à Nice pour son 51e congrès, a publié samedi un rapport au vitriol sur l'état de la justice française, dénonçant notamment sa "vampirisation" par le ministère de l'Intérieur sous la houlette du "télévangéliste" Macron.
"Du ministère de la Justice, rien n’émanera qui n'ait été au préalable annoncé à l’Élysée", estime le syndicat dans un "rapport moral" de huit pages où il explique vouloir "décrypter les projets" politiques du gouvernement et défendre "une vision de gauche du rôle et du fonctionnement de la justice".
"Ce nouvel exécutif pratique la concentration au sommet et le télévangéliste devenu président est tout sauf un novice et impose un verrouillage quasi total", argue ce syndicat connu pour son militantisme.
"Les concertations orchestrées pour la fin de l'année devront être bouclées dans l'urgence pour accoucher - ô surprise - des propositions présidentielles pour la justice. Et nos interpellations pour que la place Vendôme pèse sur des sujets concentrés à l'Intérieur, de l'antiterrorisme à la dépénalisation des stupéfiants, ne suscitent que des silences gênés", déplore le syndicat.
"L'Intérieur a le champ libre" et "la vampirisation de la justice, gardienne de la liberté individuelle, par l'Intérieur, n'apparaît jamais tant que dans la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme" (qui a pris le relais de l'Etat d'urgence), déplore-t-il.
La nouvelle loi antiterroriste, accusée d'être attentatoire aux libertés par des associations de défense des droits de l'Homme, le défenseur des droits mais aussi des juristes, avocats et magistrats, a été adoptée par le Parlement le 18 octobre.
Le nouvel exécutif "manie le verbe pour travestir le réel", accuse aussi le SM citant en exemple l'engagement fin juillet du président Macron à prévoir des hébergements d'urgence pour les migrants alors que l'Etat contestait un mois plus tôt l'injonction du tribunal administratif de Lille d'installer des points d'eau à Calais.
"(Sa) langue édulcore et dissimule la violence de (son) action", fustige le syndicat: "La destruction des régulations protectrices en droit du travail ou en procédure pénale" est présentée comme des "simplifications" et "la réforme de la carte judiciaire" assimilée à une "mutation" du "réseau judiciaire".
Pour le syndicat de gauche, les codes de procédure pénale et civile "sont aussi dans le viseur de l'ardeur simplificatrice".
"L'horizon est celui d'une justice sans contact où la modernité numérique dissimule mal des intérêts privés", dénonce le représentant de magistrats citant en exemple "le directeur général adjoint de Bouygues chargé du chantier numérique".
Le Premier ministre Edouard Philippe et la garde des Sceaux Nicole Belloubet ont présenté début octobre cinq grands chantiers pour la justice (numérique, réforme de la procédure civile, simplification de la procédure pénale, efficacité des peines et organisation territoriale).
Le syndicat critique également l'amende forfaitaire en matière de stupéfiant annoncée en juin qu'elle juge "socialement injuste, sanitairement absurde et pénalement inefficace".
Le projet de réforme constitutionnelle du statut du parquet ne trouve pas non plus grâce aux yeux du SM qui évoque un projet "minimaliste".
Il rappelle son ambition d'une véritable "rupture du lien entre l'exécutif et la magistrature".