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Le Sénat vote la création d’un « livret d’épargne souveraineté » pour « soutenir l’industrie de défense »
Par François Vignal
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Les armes coûtent (très) cher et les produire tout autant. Pour répondre aux difficultés de financement des petites et moyennes entreprises du secteur de la défense, le Sénat a créé un « livret d’épargne souveraineté », dans le cadre de l’examen du projet de loi de programmation militaire 2024-2030. Ajouté en commission par l’adoption d’un amendement du rapporteur LR, Christian Cambon, ce nouveau produit d’épargne a été adopté en séance, ce mercredi. Comme le livret A, il serait exonéré d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux.
« Une dimension pédagogique » et « même patriotique »
Il s’agit de répondre aux « grandes difficultés qu’ont les entreprises de défense. Pas les grandes, mais les petites, les moyennes, les sous-traitants, qui se voient de plus en plus refuser l’accès au système bancaire, notamment du fait des règles imposées par Bruxelles et par la frilosité du système bancaire », explique Christian Cambon, par ailleurs président de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat (voir la première vidéo). Cette idée de nouveau livret d’épargne vient d’une proposition issue d’un rapport des sénateurs Pascal Allizard (LR) et Yannick Vaugrenard (PS).
Selon ce dernier, dans la période internationale actuelle, « c’est important de faire comprendre à l’ensemble de nos concitoyens que des efforts seront nécessaires, par l’intermédiaire de l’épargne », a défendu le socialiste. Pascal Allizard voit par ailleurs dans la création de ce livret « une dimension pédagogique » et « même patriotique ».
Il faut « retravailler les choses » car « Bercy a des doutes », souligne le ministre Sébastien Lecornu
Pour le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, cet « enjeu d’accès au financement bancaire », comme celui du cadre européen, sont des « sujets majeurs ». « On ne peut pas nier qu’il y a une difficulté », souligne le ministre. Le « signal » envoyé par la commission lui « semble évidemment aller dans le bon sens », surtout « quand on voit que certaines entreprises ont des difficultés à avoir accès aux produits bancaires car ils travaillent en lien avec la dissuasion nucléaire, et on ne peut pas aider des entreprises qui seraient en lien avec des armes, je cite, « de destruction massive » ». Regardez :
S’il défend l’adoption de la mesure pour que la réflexion puisse se prolonger jusqu’à la commission mixte paritaire, il faut néanmoins « sans doute » « retravailler les choses », admet le ministre, appelant à un « vrai travail avec Bercy », le ministère de l’Economie. Sébastien Lecornu ajoute : « Est-ce que ça fonctionne ? Bercy a des doutes, pour des raisons non pas d’opportunité politique, mais techniques. Est-ce que c’est comme ça qu’il faut s’y prendre ou par un autre biais ? Peut-être ».
« Aucune étude d’impact » et un risque « d’effet d’éviction » au détriment du livret A, craint l’écologiste Guillaume Gontard
Les communistes et les écologistes ont tenté, en vain, de supprimer ce livret. « Vous voulez prendre une partie de l’épargne populaire pour financer l’industrie de défense. (…) Rien ne dit que ça servira pour des dépenses de souveraineté. Ça financera des industries de défense dont le modèle économique revendiqué (…) sont les exportations d’armement », a dénoncé le sénateur PCF Pierre Laurent, y voyant une mesure « bancale, improvisée à la dernière minute ».
Cette mesure « n’est assortie d’aucune étude d’impact », a dénoncé de son côté le président du groupe écologiste, Guillaume Gontard (voir la vidéo ci-dessus), qui craint des « effets d’éviction par rapport aux produits existant comme le livret A ou le livret développement durable (LDD). Le livret A finance largement les logements sociaux (…) et va aussi aux collectivités territoriales pour financer des projets d’investissement public, comme la construction d’infrastructures ou des équipements municipaux ». Une partie du LDD va par ailleurs à « la rénovation énergétique des logements ». L’écologiste souligne par ailleurs que « le taux de rémunération n’est pas précisé, et il existe un vrai risque de perte de capital, car aucune garantie du capital n’est mentionnée ». Le sénateur de l’Isère ajoute :
« Des lobbys, j’allais dire extrémistes, bien financés »
La création de ce livret « n’a rien de bancal, ni d’improvisé, c’est simplement une réponse à une préoccupation », a rétorqué Christian Cambon, avant d’ajouter :
Cédric Perrin, sénateur LR qui n’hésite pas à prendre la parole pour défendre ce qu’on appelle la BITD (base industrielle et technologique de défense), monte à son tour au créneau. « On vit une situation paradoxale car depuis le 24 février 2022, et l’entrée en guerre de la Russie contre l’Ukraine, on aurait pu croire qu’un certain nombre de lobbys, j’allais dire extrémistes, bien financés, auraient commencé à comprendre que si on veut vivre dans un monde où le développement durable, la démocratie ou le développement de la société se font en bonne harmonie, il faudra a minima vivre dans une société en paix et sécurité. Et pour ça, il faut financer notre défense », soutient le sénateur du Territoire de Belfort.
« La réponse du ministre est claire. Le dispositif n’est absolument pas prêt », pointe le communiste Pierre Laurent
Des explications de la droite qui n’ont pas eu d’effet sur la gauche, qui n’en démord pas. « Après ces échanges, je ne suis pas rassuré, voire même moins rassuré », rétorque l’écologiste Guillaume Gontard. Le communiste Pierre Laurent ajoute pour sa part : « La réponse du ministre est claire. Le dispositif n’est absolument pas prêt ». Leurs amendements de suppression ont été rejetés et l’article portant la création du livret a été, lui, adopté.
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