Revendication phare des "gilets jaunes", le référendum d'initiative citoyenne (RIC) tel que proposé par les Insoumis a été rejeté sans ambages jeudi à l'Assemblée, le groupe se voyant accusé par gouvernement et majorité de "récupération politique".
Soutenu par plus de deux Français sur trois, selon les derniers sondages, le RIC vise à faciliter la consultation du peuple, sans associer le Parlement en amont. L'idée avait été portée par plusieurs partis sous diverses formes pendant la campagne présidentielle, dont LFI ou le RN.
Après trois heures d'un débat souvent tendu, le texte constitutionnel porté par LFI a fait l'objet d'une motion de renvoi à l'initiative de LREM, votée par 91 voix contre 50.
Le rapporteur Bastien Lachaud (LFI) avait auparavant plaidé pour "faire entrer la démocratie dans une ère nouvelle", avec cette proposition qui entend permettre des RIC afin de soumettre ou abroger une loi, mais aussi révoquer les élus - y compris le président -, ou encore convoquer une assemblée constituante.
Le RIC, c'est "la souveraineté retrouvée" pour le peuple alors que "notre République est pourrie", selon l'élu de Seine-Saint-Denis.
"Non, nous ne pensons pas que notre République est pourrie", lui a rétorqué la ministre de la Justice Nicole Belloubet, jugeant que la proposition LFI "répond clairement à une opportunité politique".
"Sous prétexte de référendum d'initiative citoyenne, vous voulez profiter des évènements que nous traversons pour réintroduire l'idée d'une assemblée constituante et d'une certaine manière de mettre à bas la Ve République", a-t-elle affirmé.
Se disant néanmoins convaincue que le pays ne peut pas rester "en apnée pendant 5 ans" entre deux échéances électorales, elle a souligné que "la question de la participation citoyenne est clairement posée" dans le grand débat, jugeant donc la proposition "prématurée" et "inopportune".
- Ne pas être "peuplophobe" -
La semaine dernière, le Premier ministre Edouard Philippe a redit son opposition au "R.I.C" qui le "hérisse". Mi-janvier, le président Emmanuel Macron avait aussi fait part de réserves, estimant qu'il ne faut "pas créer une situation de concurrence entre les formes de démocratie" directe et représentative.
La France insoumise appelle de son côté à ne pas être "peuplophobe".
"Il n'y a pas de pouvoir supérieur à celui du peuple!", a tonné Jean-Luc Mélenchon dans l'hémicycle. "Oui, c'est vrai Madame, nous conspirons, si c'est comme ça que vous voulez appeler la chose", contre la Ve République, a-t-il lancé à Mme Belloubet, plaidant à nouveau pour une VIe République, sous les applaudissements de ses collègues.
La proposition a eu peu de soutiens, même si l'opposition a jugé que ne pas en débattre était "une erreur".
Les élus LREM ont fustigé un texte "tout sauf sérieux", qui fait du RIC un outil "simpliste" et "populiste". Ils ont pointé notamment des seuils "anormalement bas" pour déclencher un référendum (2%, soit environ 900.000 personnes pour convoquer des RIC législatifs).
Le "marcheur" Sacha Houlié a raillé une proposition "ventriloque" et un "acte de récupération politique", estimant que le RIC relève du "consumérisme de la démocratie".
Pour le MoDem, Erwan Balanant, critique sur la forme comme sur le fond, a eu un jugement "sans appel" sur ce "trompe-l'oeil visant à endormir nos concitoyens". Sa formation n'est cependant pas hostile au RIC.
Mêmes réticences dans la plupart des groupes d'opposition.
Tout en jugeant que la démocratie peut être "revivifiée", Raphaël Schellenberger (LR) a reproché aux Insoumis de proposer "par facilité d'entrer dans l'ère du fracas permanent".
George Pau-Langevin (PS) a plaidé plutôt pour "rendre opérationnels" les "référendums d'initiative partagée" prévus par la réforme constitutionnelle de 2008, en abaissant leur seuil de déclenchement.
Seuls le PCF et le RN ne se sont pas montrés franchement opposés, tout en apportant des "nuances".
La revendication du RIC a progressivement émergé chez les "gilets jaunes". Samedi dernier, une dizaine d'entre eux ont entamé une marche pour ces référendums depuis Marseille, qui doit les amener à Paris le 17 mars.